Cinéma d’animation québécois et agentivité féminine : une exploration de la sexualité et du désir à travers trois œuvres d’animatrices produites à l’Office National du Film du Canada


Marie-Josée Saint-Pierre


Résu­mé
Cet article explore un cré­neau par­ti­cu­lier du ciné­ma image par image qué­bé­cois réa­li­sé par des femmes : celui qui exprime une pro­po­si­tion for­melle aty­pique, intime et per­son­nelle du désir et de la sexua­li­té au fémi­nin. L’analyse sera menée à par­tir des trois œuvres phares que sont Pre­miers jours (Clo­rin­da War­ny, 1980), La Basse-Cour (Michèle Cour­noyer, 1992) et J’aime les filles (Obom, alias Diane Obom­sa­win, 2016). Elle a pour but de mettre en évi­dence et de docu­men­ter l’approche et l’apport spé­ci­fique de ces ani­ma­trices à l’art du ciné­ma d’animation et de mon­trer com­ment ces artistes sont des pré­cur­seures qui ouvrent la voie aux sub­ver­sions actuelles des repré­sen­ta­tions de la sexua­li­té fémi­nine dans les médias.

Sum­ma­ry
This article explores a par­ti­cu­lar niche of Que­bec frame-by-frame cine­ma direc­ted by women: one that expresses an aty­pi­cal, inti­mate and per­so­nal for­mal pre­sen­ta­tion of desire and femi­nine sexua­li­ty. The ana­ly­sis deals with three key films : Pre­miers jours (Clo­rin­da War­ny, 1980), La Basse-cour (Michèle Cour­noyer, 1992) and J’aime les filles (Obom, aka Diane Obom­sa­win, 2016). This ana­ly­sis aims to high­light and docu­ment the approach and spe­ci­fic contri­bu­tion of these ani­ma­tors to the art of ani­ma­tion and to show how these artists are pre­cur­sors who pave the way for the cur­rent sub­ver­sions of repre­sen­ta­tions of female sexua­li­ty in the media.


Moreo­ver, because of the nature of the ani­ma­ted film, because it is a unique com­bi­na­tion of prin­ted popu­lar culture (as in dra­wings done for news­pa­pers, books, and maga­zines) and the twen­tieth century’s later empha­sis on more life-like visual media (such as film, tele­vi­sion, and various form of pho­to­gra­phy) it is argued here that it is within the most construc­ted of all moving images of the female form – the heroine of the ani­ma­ted film – that the most tel­ling aspects of Woman as the sub­ject of Hol­ly­wood ico­no­gra­phy and (in the case of the out­put of US ani­ma­tion stu­dios) ideas of Ame­ri­can woman­hood are to be found. (Davis, 2006, p. 3)

En tant que pra­ti­cienne et doc­to­rante en études et pra­tiques des arts à l’Université du Qué­bec à Mont­réal avec concen­tra­tion en études fémi­nistes, il m’apparaît essen­tiel de com­prendre le posi­tion­ne­ment mar­gi­nal du ciné­ma d’animation et plus par­ti­cu­liè­re­ment celui fait par des femmes. Le tra­vail des ani­ma­trices de l’Office natio­nal du film du Cana­da1 est recon­nu par­tout à tra­vers le monde2, se méri­tant les dis­tinc­tions les plus pres­ti­gieuses3. S’il est mécon­nu du grand public, leur tra­vail par­ti­cipe, comme je le mon­tre­rai avec cet article, à la dif­fu­sion d’un regard dif­fé­rent de celui de la pro­duc­tion média­tique mains­treem sur la sexua­li­té fémi­nine – loin de la publi­ci­té, loin des Bet­ty Boop, Jes­si­ca Rab­bit et autres prin­cesses disnéennes.

Dans le domaine de la réa­li­sa­tion au ciné­ma, les femmes sont encore vic­times d’inégalités. L’objectif de la pari­té, dans le milieu de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique cana­dienne, est tou­jours actuel. De fait, emboî­tant le pas à l’ONF, la SODEC et Télé­film Cana­da ont récem­ment mis en place des mesures de dis­cri­mi­na­tion posi­tives pour per­mettre aux femmes d’obtenir du finan­ce­ment à titre de réa­li­sa­trices, scé­na­ristes et productrices.

L’histoire qué­bé­coise des réa­li­sa­trices en ciné­ma d’animation est à faire. C’est en pro­mou­vant une esthé­tique ani­mée en marge des cir­cuits com­mer­ciaux que je pro­pose ici de regar­der le ciné­ma d’animation comme un art dans une pers­pec­tive fémi­niste. Si les études ciné­ma­to­gra­phiques fémi­nistes se sont récem­ment inté­res­sées au tra­vail des ani­ma­trices4, l’histoire du ciné­ma qué­bé­cois semble silen­cieuse à leur sujet. Sans répondre aux rai­sons de ce dés­in­té­rêt, le constat d’un manque est moti­vant pour géné­rer de la lit­té­ra­ture avec l’objectif de « palier à l’absence d’une conscience his­to­rique quant à la lutte des pion­nières. » (Beau­det dans Car­rière, 1983, p. 219)

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, cet article explore le ciné­ma qué­bé­cois image par image sous une pro­po­si­tion for­melle aty­pique, intime et per­son­nelle : celle du désir et de la sexua­li­té au fémi­nin à tra­vers les trois œuvres phares que sont Pre­miers jours (Clo­rin­da War­ny, 1980), La Basse-Cour (Michèle Cour­noyer, 1992) et J’aime les filles (Obom, alias Diane Obom­sa­win, 2016). J’ai choi­si d’analyser ces trois films parce qu’ils uti­lisent une ico­no­gra­phie « fémi­nine » afin de repré­sen­ter la sexua­li­té des femmes à par­tir d’un point de vue fémi­nin, d’après les expé­riences per­son­nelles des autrices. De plus, ils cri­tiquent les repré­sen­ta­tions andro­cen­trées. Il y a une sub­ver­sion dans la repré­sen­ta­tion de la figure fémi­nine : elle n’est pas façon­née par le regard mas­cu­lin, blanc et hété­ro­sexuel. Ces trois films pro­posent d’aborder autre­ment les images néga­tives asso­ciées à la sexua­li­té des femmes dans le ciné­ma tra­di­tion­nel de prises de vues réelles. De plus, puisque le ciné­ma d’animation est un lan­gage par­ti­cu­lier, je m’intéresse à ses inter­ac­tions avec la pen­sée fémi­niste. Mais tout d’abord, il est essen­tiel d’observer les contextes ayant favo­ri­sé l’accession des femmes à la réa­li­sa­tion de films d’animation au Québec.

L’accession des femmes au champ du cinéma d’animation québécois

Dans Femmes et ciné­ma qué­bé­cois (Car­rière, 1983), Louise Beau­det signe « Une brèche dans le fief », le seul article consa­cré à l’animation. L’autrice, qui a été conser­va­trice du ciné­ma d’animation à la Ciné­ma­thèque qué­bé­coise de 1973 à 1996, explore les rai­sons pour les­quelles le champ de l’animation semble avoir été plus favo­rable aux femmes, com­pa­ra­ti­ve­ment au docu­men­taire et à la fiction :

[…] l’équation ciné­ma d’animation = ciné­ma pour enfants et l’imagerie dys­néenne [sic] véhi­cu­lée par une incar­na­tion de type fami­lial, cer­ti­fiée sans dan­ger avec ses kilo­mètres de droit che­min loin des sofas de l’adultère, ont fini par se pétri­fier dans les esprits. Dès lors, quoi de plus « natu­rel » que de confier à une femme un domaine sup­po­sé­ment réser­vé aux mioches ? (Beau­det dans Car­rière, 1983, p. 214)

Il semble que L’animation au fémi­nin (Bru­no Ede­ra, 1983) serait la pre­mière étude inter­na­tio­nale sur les ani­ma­trices. C’est dans ce texte qu’on retrouve la célèbre cita­tion : « L’homme raconte une his­toire, la femme se raconte. » (Ede­ra, p. 74) Dans sa recherche, Bru­no Ede­ra pro­pose que le médium de l’animation est « le moins miso­gyne des ter­rains de la sphère ciné­ma­to­gra­phique et télé­vi­suelle » (Ede­ra, p. 74). L’auteur n’approfondit ni les causes ni les constats de cette situa­tion favo­rable envers les femmes. De plus, sa per­cep­tion de la nature des femmes est sexiste :

Le ciné­ma d’animation convient bien aux femmes en rai­son de ses aspects tech­niques, proches de ce qu’on appelle « les tra­vaux manuels ». On peut son­ger notam­ment à la bro­de­rie qui exige beau­coup de soin et de patience et peut s’exercer sans que l’on tienne compte des condi­tions atmo­sphé­riques. […] La nature et les buts de l’animation sont éga­le­ment, dans une cer­taine mesure, plus proches de cer­taines pré­oc­cu­pa­tions fémi­nines – l’éducation, l’information – que mas­cu­lines. (Ede­ra, p. 74)

Pour­tant, par­ler d’une écri­ture fémi­nine, ou d’un art fémi­nin, c’est tenir des pro­pos réduc­teurs sur la parole des femmes et l’associer à leur des­ti­née ana­to­mique. Bru­no Ede­ra entre­tient donc le mythe du film fémi­nin, une acti­vi­té créa­tive qui serait ins­crite dans la spé­ci­fi­ci­té bio­lo­gique des femmes. Dans « Pra­tique du pou­voir et idée de Nature (2) : Le dis­cours de la Nature » (1978), Colette Guillau­min affirme que, dans la socié­té, la « nature natu­relle » des femmes s’oppose à la « nature cultu­relle » des hommes. La nature fémi­nine est décrite par le groupe domi­nant comme docile, patiente, sou­mise, faible et sans intel­li­gence. Ain­si, le ciné­ma fémi­nin est sou­vent asso­cié à un art ciné­ma­to­gra­phique léger qui s’adresse exclu­si­ve­ment aux femmes. C’est le piège de l’essentialisme qui se déploie; un phé­no­mène qui enferme toutes les femmes dans un même ensemble. Comme le démontre le texte fon­da­teur des études de l’histoire de l’art fémi­niste, « Why has there been no great women artist? » (Lin­da Nochlin, 1971), les artistes de la même époque ont sou­vent plus en com­mun que ceux qu’on tente de regrou­per par leur genre.

On me demande sou­vent pour­quoi les femmes ont eu plus faci­le­ment et plus rapi­de­ment accès à la réa­li­sa­tion dans le ciné­ma d’animation que dans le docu­men­taire et la fic­tion. Certes, l’émancipation des femmes à tra­vers l’éducation ain­si que la démo­cra­ti­sa­tion du médium ont favo­ri­sé une ouver­ture . Mais il n’est pas ano­din que le ciné­ma image par image per­mette aux créa­trices d’occuper presque tous les postes néces­saires à l’aboutissement de leurs œuvres : scé­na­ri­sa­tion, ani­ma­tion, réa­li­sa­tion, direc­tion pho­to et pro­duc­tion. Peut-être est-ce là l’une des rai­sons pour les­quelles les femmes ont eu accès à ce champ : en tra­vaillant seules sur leurs créa­tions ani­mées, elles ont pu sor­tir du sys­tème hégé­mo­nique et andro­cen­tré régis­sant le sys­tème de pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique dans lequel elles étaient majo­ri­tai­re­ment assu­jet­ties aux hommes.

Remar­quons aus­si que le ciné­ma image par image est peut-être mieux adap­té à la réa­li­té de cer­taines femmes, spé­cia­le­ment celles qui ont fait le choix d’être mères de famille. Per­son­nel­le­ment, j’ai pu réa­li­ser huit films d’animation5 entre 2006 et 2018, tout en don­nant nais­sance à mes trois filles, car je pou­vais pra­ti­quer mon art dans le confort de mon stu­dio. Peu importe l’heure, ma table de tra­vail était là, prête à m’accueillir. Je n’avais aucune contrainte de dépla­ce­ment. Les périodes de mon tra­vail se mou­laient au rythme de la vie de mes filles, des tra­vaux ména­gers et des obli­ga­tions fami­liales exi­geantes d’une mère. Voi­là un fac­teur ayant favo­ri­sé l’accès des femmes à la réa­li­sa­tion de films d’animation : la pos­si­bi­li­té de contour­ner les contraintes phy­siques de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique. L’animation per­met de créer entiè­re­ment dans l’espace privé.

Les condi­tions éco­no­miques de la vie des femmes influencent gran­de­ment leurs chances de pou­voir créer une œuvre. La fru­ga­li­té des moyens de pro­duc­tion est un grand avan­tage du ciné­ma image par image. Les pro­duc­tions mcla­ré­niennes de l’ONF illus­trent bien cette éco­no­mie de moyens : « It’s easy for anyone who has brushes and paint to make an ani­ma­ted film. It’s a pos­si­bi­li­ty that brings ani­ma­ted film­ma­king down to the level of home han­dy craft. » (McLa­ren tel que cité par Saint-Pierre dans le film Les Néga­tifs de McLa­ren, 2006) Ces moyens de pro­duc­tion proches de l’artisanat ou du bri­co­lage incitent cer­tai­ne­ment des artistes à se tour­ner vers l’animation. Les réa­li­tés éco­no­miques des femmes sont sou­vent plus dif­fi­ciles (dis­pa­ri­té sala­riale, pau­vre­té ou dépen­dance finan­cière), ce qui peut influen­cer le choix de cer­taines animatrices.

Plus encore, l’accès des femmes à la pro­duc­tion image par image dépend éga­le­ment de leur situa­tion géo­gra­phique (Pilling, 1992). Tout comme les rap­ports de genre, les objets cultu­rels sont le pro­duit de la socié­té. Il est donc essen­tiel de sou­li­gner que les trois films ana­ly­sés ici sont pro­duits par l’ONF. La contri­bu­tion du stu­dio d’animation de l’ONF6 au ter­reau fer­tile qu’est l’animation qué­bé­coise est indé­niable : on lui doit beaucoup.

L’ONF est, en quelque sorte, une micro­so­cié­té : finan­cée par les fonds publics, elle évo­lue en marge de l’industrie com­mer­ciale. Elle n’est pas entiè­re­ment sou­mise aux lois du mar­ché puisqu’elle fonc­tionne selon ses propres règles. Elle est régie par des fonc­tion­naires. Autre­ment dit, puisque ces pro­duc­tions éta­tiques sont réa­li­sées en paral­lèle des mar­chés com­mer­ciaux, elles sont insou­mises aux pres­sions de la ren­ta­bi­li­té. Comme le sou­ligne Eve­lyn Lam­bart, réa­li­sa­trice et fidèle col­la­bo­ra­trice de Nor­man McLa­ren à l’ONF : « Deri­va­tive work was abso­lu­te­ly hated. We didn’t do any cell work at all, in fact we were high­ly contemp­tuous of Dis­ney… » (Lam­bart citée par Pilling, 1992, p. 31)

La trans­for­ma­tion du champ de pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique à l’ONF au début des années 1970 modi­fie les acti­vi­tés pro­fes­sion­nelles des femmes qui étaient des­ti­nées majo­ri­tai­re­ment à l’assistanat ou au secré­ta­riat, pas­sant d’une acti­vi­té manuelle à une acti­vi­té intel­lec­tuelle. Cette ini­tia­tive marque une rup­ture dans les méca­nismes de pro­duc­tion et favo­rise l’émergence d’autrices, de nou­velles voix et de nou­veaux regards au fémi­nin sur la socié­té. Des mesures de dis­cri­mi­na­tion posi­tives sont mises en place pour que les femmes accèdent à la réa­li­sa­tion de films. C’est dans le cadre du pro­gramme Socié­té Nou­velle7 que le pro­jet En tant que femmes8, pro­po­sé par Anne Claire Poi­rier, Jeanne Mora­zain et Monique Larocque voit le jour. De cette ini­tia­tive de dis­cri­mi­na­tion posi­tive, six longs-métrages de fic­tion9 et de docu­men­taire, abor­dant des pro­blé­ma­tiques vécues par les qué­bé­coises de l’époque sont réa­li­sés. Cette série pion­nière rejoint son audi­toire et place dans l’espace public les pro­blé­ma­tiques vécues par les femmes dans l’espace pri­vé tel que l’avortement, l’accès au mar­ché du tra­vail et le mariage.

L’agentivité féminine dans le cinéma d’animation

Si la sexua­li­té est cultu­rel­le­ment construite dans les rap­ports de pou­voir exis­tants, alors pos­tu­ler une sexua­li­té nor­ma­tive qui se situe « avant », « en dehors » ou « au-delà » du pou­voir est une impos­si­bi­li­té cultu­relle et un rêve poli­ti­que­ment irréa­li­sable. Un rêve qui fait repor­ter au len­de­main ce que l’on peut faire concrè­te­ment aujourd’hui, c’est-à-dire repen­ser les pos­si­bi­li­tés sub­ver­sives de la sexua­li­té et l’identité en fonc­tion du pou­voir lui-même. Pour mener à bien cette tâche cri­tique, il faut bien sûr admettre qu’agir dans le cadre de la matrice du pou­voir ne revient pas à repro­duire sans aucun esprit cri­tique des rap­ports de domi­na­tion. Ce qui per­met de répé­ter la loi sans la conso­li­der, mais pour mieux la désta­bi­li­ser (But­ler, p. 106).

Au lieu de contraindre la parole des femmes, l’ONF (comme lieu de pou­voir) favo­rise son épa­nouis­se­ment et sa vita­li­té à tra­vers les moda­li­tés d’expression dans les repré­sen­ta­tions ciné­ma­to­gra­phiques. Les ani­ma­trices ont accès, en réa­li­sant leurs œuvres, à l’affirmation d’une pen­sée fémi­niste qui a des retom­bées directes sur la socié­té. Comme le disait déjà Bet­ty Frie­dan au début des années 60, ces nou­velles repré­sen­ta­tions fémi­nines, par les femmes, per­mettent d’outrepasser la men­ta­li­té andro­cen­trée qui forge l’image fémi­nine dans l’art, la publi­ci­té et les médias.

Comme nous le ver­rons dans l’analyse qui suit, l’animation per­met d’explorer la sexua­li­té et le désir des femmes d’une manière qui n’est tout sim­ple­ment pas pos­sible dans les prises de vues réelles. Puisque la cinéaste doit créer son monde ciné­ma­to­gra­phique de toutes pièces, « l’animation est clai­re­ment la forme ciné­ma­to­gra­phique la plus proche de l’imaginaire » (Denis, p. 8). Contrai­re­ment aux prises de vues réelles, le ciné­ma d’animation ne sou­haite habi­tuel­le­ment pas repro­duire la réalité.

Une dimen­sion oni­rique est asso­ciable au ciné­ma image par image : rêves, fan­tasmes, dési­rs et méta­phores. Puisque les élé­ments ani­més ne sont pas sou­mis aux lois de la phy­sique ou de la logique, l’esthétique du ciné­ma d’animation recon­fi­gure notre per­cep­tion du réel. L’anthropomorphisme défie les lois de la nature et fait abs­trac­tion de la réa­li­té. C’est toute la rela­tion entre l’humain et l’objet qui est désaxée. Ain­si, l’image ani­mée pro­pose au spec­ta­teur une expé­rience unique, car dans le monde du ciné­ma d’animation, « there is abso­lu­te­ly no dis­tinc­tion bet­ween appea­rance and rea­li­ty » (Beck­man, p. 7). Les pos­si­bi­li­tés d’abstraction du lan­gage ciné­ma­to­gra­phique sont décu­plées car tout y est ima­gi­naire. L’animation est un outil fort utile pour créer des méta­phores sur la socié­té et la condi­tion humaine.

En don­nant vie aux des­sins, l’animatrice devient en quelque sorte la comé­dienne qui per­forme devant l’auditoire : ce phé­no­mène est l’apanage unique de l’animation. En créant image par image, elle dévoile son uni­vers intime au monde. Elle offre au spec­ta­teur une plon­gée pri­vi­lé­giée dans son ima­gi­naire. Ce n’est pas le monde réel qui est repré­sen­té dans les films des ani­ma­trices, mais le rap­port que les ani­ma­trices entre­tiennent avec les condi­tions de leur exis­tence dans le monde du réel.

L’animatrice est par­tie pre­nante de l’expérience esthé­tique. « Dans l’animation, il y a une âme. Entre le per­son­nage et l’animateur, il n’y a pas seule­ment l’effort four­ni pour lui don­ner le mou­ve­ment. Quelque chose reste de la cha­leur qui a accom­pa­gné l’évolution… » (Mar­tin cité par Cla­rens, p. 32) Sa place en tant qu’artiste est mise en évi­dence par la trace phy­sique de son pas­sage dans l’œuvre : ses gestes, ses inter­pré­ta­tions et ses recons­truc­tions du mouvement.

Quand l’animatrice prend la parole, elle nous per­met de voir la manière dont elle com­prend et cri­tique le monde qui l’entoure. « Each film reflects the unique vision and skills of a single artist, in concept and form, in style and sub­stance. » (Starr dans Fur­niss, p. 10) Les pos­si­bi­li­tés agen­tives des ani­ma­trices de l’ONF sont bien réelles : avec leurs films, elles peuvent pro­po­ser des repré­sen­ta­tions en réac­tion aux contraintes sociales. Elles animent la manière dont elles vivent leur sexua­li­té en pre­nant l’initiative de l’explorer libre­ment, en dehors des dic­tats sociaux.

Les ani­ma­trices ont la capa­ci­té d’agir, car elles prennent la parole en réa­li­sant des films; elles ont la puis­sance d’agir face à la repré­sen­ta­tion de la sexua­li­té fémi­nine sté­réo­ty­pée au ciné­ma en défai­sant les mythes de la tom­beuse, de la putain, de la les­bienne, etc. Les ani­ma­trices se situent en posi­tion de sujet et non d’objet. Pre­mier pas explo­ra­toire de la sexua­li­té au fémi­nin dans l’animation oné­fienne, Pre­miers jours (1980), film post­hume de Clo­rin­da War­ny10, s’inscrit dans une prise de posi­tion reven­di­ca­trice mais non explicite.

Premiers jours (Clorinda Warny, 1980)

Pour réa­li­ser un film comme celui que nous sommes en train de faire, il est néces­saire de le sen­tir vrai­ment, de l’avoir dans le « ventre ». Ce film fait le lien entre la nature et l’homme. C’est les quatre sai­sons de la nature et, à la fois, les quatre sai­sons du couple, c’est le rap­pro­che­ment en image de ce qui est déjà uni, fon­da­men­ta­le­ment. (War­ny citée par Cham­poux, p. 2)

D’un point de vue fémi­niste, ce film d’animation est reven­di­ca­teur puisqu’il per­met la prise de parole par Clo­rin­da War­ny à pro­pos de la sexua­li­té. Cette posi­tion est non expli­cite, car sa repré­sen­ta­tion de la sexua­li­té cadre avec l’archétype fémi­nin de la terre-mère, façon­né pour le regard d’un ima­gi­naire col­lec­tif conven­tion­nel. La repré­sen­ta­tion sexuelle hété­ro­nor­ma­tive, moteur de la divi­sion des sexes et du confi­ne­ment des femmes dans l’espace pri­vé, can­tonne les pro­pos de Clo­rin­da War­ny à une vision tra­di­tion­nelle des rap­ports sexuels entre les hommes et les femmes. La ver­sion essen­tia­li­sée de la femme mère-nature abou­tit à son ultime des­ti­née bio­lo­gique : celle de l’enfantement.

La réa­li­sa­trice a tou­te­fois le mérite de ne pas hyper­sexua­li­ser les rap­ports sexuels et la pro­ta­go­niste fémi­nine. War­ny rené­go­cie le regard andro­cen­tré : un grand pas est ain­si fran­chi si on com­pare la repré­sen­ta­tion du per­son­nage fémi­nin à celle de Bet­ty Boop11 ou Jes­si­ca Rab­bit12.

Dans Pre­miers jours, la repré­sen­ta­tion sté­réo­ty­pée des genres est ren­ver­sée. Le per­son­nage fémi­nin n’est pas créé comme l’objet sexuel convoi­té par le désir mas­cu­lin mais plu­tôt comme son égal; elle n’est en aucun cas sou­mise à son com­pa­gnon. En ce sens, c’est un point de vue posi­tif sur le pou­voir des femmes, leur agen­ti­vi­té, à tra­vers leur sexualité:

La très grande force de Pre­miers Jours est […] de nous recon­nec­ter sur les pul­sions et les éner­gies pre­mières, le rythme des sai­sons du vent, de la mer et de l’amour. Déchaî­ne­ments et apai­se­ments des pas­sions et de la souf­france, appri­voi­se­ment de la vie, autant de thèmes qui décrivent les fils de notre exis­tence cachée. (Car­rière, 1984, p. 43)

La com­plexi­té de l’érotisme est mise en scène avec les méta­mor­phoses conti­nuelles de corps enla­cés. Les dif­fé­rentes par­ties de l’anatomie se fondent les unes dans les autres, s’unissent et se défont, au rythme des sai­sons. L’approche est poé­tique et les lignes, par­fois abs­traites et fluides, sont hyp­no­tiques. On assiste à un grand bal­let de traits qui se trans­forment conti­nuel­le­ment en sug­gé­rant des visages qui s’embrassent, des corps sou­dés, des sym­boles phal­liques, des méta­phores de courbes fémi­nines et de vie fœtale. Les caresses et les bras s’unissent, le feu s’embrase der­rière les étreintes pas­sion­nées, les plis et les cre­vasses sont tour à tour fesses, cuisses et seins. Par exemple, la mise en rap­port des élé­ments de la nature avec les corps humains trans­forme dou­ce­ment le soleil rouge qui se lève à l’horizon, der­rière une mon­tagne, en un mame­lon dres­sé vers le ciel. Lors d’une rota­tion de la prise de vue des mon­tagnes se détachent les corps nus de l’homme et de la femme.

Si les pre­mières séquences-sai­sons du film pro­posent une vision posi­tive et unie du couple (du grand dégel du prin­temps jusqu’à la cha­leur de l’été), le court-métrage se ter­mine en hiver. Est ain­si sug­gé­rée une émo­tion dou­lou­reuse par la tem­pête, le vent, le ton­nerre et les éclairs. La pas­sion du couple n’est plus. En conclu­sion, une impres­sion de détresse, de peine et d’isolement pro­vient de la colo­ra­tion bleue et froide. Les pro­ta­go­nistes ne font plus l’amour, ils sont assis l’un à côté de l’autre, dans la mer, à la dérive. Faut-il voir là l’impossible coha­bi­ta­tion d’un couple dont la pas­sion usée les a emmu­rés dans le silence et la soli­tude? Quoi qu’il en soit, lorsque la neige s’installe, les humains ont disparu.

La colo­ra­tion du film est un aspect nar­ra­tif essen­tiel : les chan­ge­ments de cou­leurs appuient l’évolution de l’arc dra­ma­tique. War­ny, Gagnon et Ger­vais se servent « […] de pas­tel, d’estampes et de crayons Pris­ma­co­lor pour don­ner du relief aux des­sins […] les cou­leurs étaient ani­mées, c’est-à-dire mises en mou­ve­ment. » (Gagnon, p. 8) La gamme de cou­leur éta­blit des tem­pé­ra­tures et des lumières pré­cises pour cha­cune des sai­sons, ce qui accen­tue les émo­tions res­sen­ties par le public. En 1981, le film s’est méri­té un Prix Spé­cial du Jury au Fes­ti­val inter­na­tio­nal du film d’animation d’Annecy13. Sans remettre en ques­tion les qua­li­tés nar­ra­tives et esthé­tiques du film, il est pos­sible d’avancer que la mythi­fi­ca­tion de l’artiste (avec son décès pré­ma­tu­ré à l’âge de 39 ans) a contri­bué à favo­ri­ser l’intérêt du public envers son œuvre14.

L’accès aux courts-métrages d’animation et leur dif­fu­sion ont tou­jours été pro­blé­ma­tiques à l’extérieur des cercles spé­cia­li­sés. Cepen­dant, l’ONF dif­fuse gra­tui­te­ment Petit Bon­heur (Clo­rin­da War­ny, 1972)15 et Pre­miers Jours en ligne. Pre­miers Jours un film essen­tiel; il s’agit d’une plon­gée dans l’univers per­son­nel de la réa­li­sa­trice, une vision sur­réa­liste de son monde inté­rieur avec une touche d’érotisme savam­ment dosée et lais­sant place à des inter­pré­ta­tions variées. War­ny anime le désir fémi­nin dans un monde hété­ro­sexuel androcentré.

La Basse-Cour (Michèle Cournoyer, 1992)

There is often a frank and ear­thy expres­sion of sexua­li­ty which is a mil­lion miles away from the ste­reo­ty­ped car­toon sexi­ness […]. There has been a ten­den­cy for women to use ani­ma­tion as an inti­mate, confes­sio­nal means of expres­sion […] an exten­sion of the cla­ri­fi­ca­tion and pro­jec­tion of the inner world which may be what many women ani­ma­tors find so satis­fying. (Ruth Ling­ford, s.d.)

Après plu­sieurs courts-métrages indé­pen­dants16, La Basse-Cour est la pre­mière œuvre de Michèle Cour­noyer pro­duite à l’ONF. Ce court-métrage offre une plon­gée extra­or­di­naire dans la vie affec­tive de son autrice avec la mise en scène de la dif­fi­cile rela­tion qu’elle entre­tient avec son amant. C’est une illu­sion à tra­vers une illu­sion. L’action se déroule dans l’imaginaire ani­mé de Cour­noyer. La sub­jec­ti­vi­té de l’autrice est inhé­rente au film : elle y déploie l’expérience de sa souf­france dans une rela­tion amou­reuse toxique qui semble por­tée par une atti­rance sexuelle puis­sante. Mal­gré elle, intoxi­quée par la pas­sion, la pro­ta­go­niste ne peut igno­rer l’appel de la satis­fac­tion de ses envies sexuelles, et ce, au détri­ment de son bon­heur personnel.

Sou­vent, je me mets en scène. Je fais ce que j’appelle de l’autofiction… Quand je joue ce que j’ai vécu, l’intensité revient et pro­longe ces émo­tions. […] C’est une façon pour moi d’extirper com­plè­te­ment les démons de mon sys­tème. Quand le film est ter­mi­né, j’en ai ter­mi­né de cette his­toire-là. […] C’est un pro­ces­sus com­pa­rable au deuil (Cour­noyer citée par Roy, 2009, p. 34).

Dans la pre­mière séquence du film, un œuf est cas­sé : appa­raissent les yeux de l’animatrice qui pleurent. Le sym­bole de l’œuf, l’origine du monde, est scin­dé en deux. Cette cas­sure marque un pas­sage et accen­tue l’arc nar­ra­tif; du refus à l’acceptation, du pas­sé au futur et de la domi­na­tion à l’empo­werment. L’œuf, comme image de la per­fec­tion et de la fra­gi­li­té, se brise. C’est la fin d’un cycle, la pro­messe d’un retour à la vie, d’une renais­sance. Un œuf cas­sé n’est plus viable, la poule n’a plus besoin de le cou­ver : elle est libé­rée de son enchaî­ne­ment pro­tec­teur envers l’œuf. Cette pre­mière séquence exprime peut-être le nou­veau regard de la réa­li­sa­trice face à sa propre dou­leur : elle s’expose volon­tai­re­ment à cette situa­tion indé­si­rable, une vision intros­pec­tive de son rêve amou­reux bri­sé. C’est une ouver­ture sur le monde, la conscience sou­ve­raine d’un pas­sage de l’aveuglement vers la clairvoyance.

Le film se pour­suit avec la pro­ta­go­niste qui reçoit un appel de son amant dans la nuit. Le com­bi­né qu’elle tient à l’oreille se méta­mor­phose en homme. Minus­cule, celui-ci chu­chote à son oreille et lui caresse les che­veux. On res­sent toute l’impuissance de la femme à pou­voir résis­ter à l’appel de son amou­reux. Ce désir est conflic­tuel et la posi­tionne en situa­tion d’assujettissement. Alors qu’elle se dirige en taxi vers la rési­dence de son amant, la voi­ture par­court toute la dis­tance sur son corps nu. Cou­chée à plat ventre, les yeux fer­més, elle est immo­bile, comme clouée au sol. « En des­si­nant sur mon corps, les émo­tions remontent à la sur­face. […] En exé­cu­tant le des­sin, je revis le tra­jet en taxi. Je ne voyais rien autour de moi tel­le­ment j’avais hâte d’arriver. Le reste n’existait plus » (Cour­noyer citée par Roy, 2009, p. 35).

Le visage de la femme réap­pa­raît ensuite à l’intérieur de la roue du taxi qui s’immobilise len­te­ment. La pro­ta­go­niste se trans­forme en une boîte de car­ton, comme celles uti­li­sées par les chaînes de rôtis­se­rie qui livrent à domi­cile. La femme est ain­si por­tée par un livreur jusqu’à l’appartement de son amant. Lorsque l’homme ouvre la boîte, c’est une belle poule parée de toutes ses plumes, avec le visage de l’animatrice Michèle Cour­noyer, qui sur­git. L’animatrice a peut-être déci­dé de s’autoreprésenter avec la poule parce que cet oiseau est une offrande dans cer­taines céré­mo­nies reli­gieuses à tra­vers le monde.

L’homme caresse d’abord la poule, qui aime ses caresses, à la manière d’un maître qui cajole son ani­mal de com­pa­gnie. Lorsqu’il sort la poule de sa boîte, elle est mi-humaine mi-ani­male. L’homme tente d’attraper la femme-poule mais elle se débat lorsqu’il lui met la main des­sus. Elle essaie d’échapper à l’emprise de son amant qui tente de l’amadouer en la rame­nant vers lui, mais s’éloigne encore plus.

C’est à ce moment que le film bas­cule com­plè­te­ment et que la femme perd toute agen­ti­vi­té sexuelle. D’une femme qui part dans la nuit pour assou­vir ses pul­sions, elle se retrouve main­te­nant dans la situa­tion de la vic­time. L’homme l’attrape vio­lem­ment, contre son gré, et se met à la déplu­mer sau­va­ge­ment. La femme-poule se retrouve dans une posi­tion pas­sive, alié­née par son propre désir sexuel.

Si le spec­ta­teur mas­cu­lin s’identifie à l’amant, il pour­ra vivre son fan­tasme de punir cette femme sub­ver­sive d’une manière sadique pour mieux la pos­sé­der. La femme-poule, l’objet de sa frus­tra­tion sexuelle, qui le menace dans sa viri­li­té par son refus de s’abandonner à lui est son­née, com­plè­te­ment nue et éten­due sur le dos, sans défense sur la table. La femme muti­lée n’a plus aucun pou­voir sur sa des­ti­née. Ayant tout le contrôle du rap­port de force sur l’objet de son désir sexuel, l’homme prend la poule déplu­mée dans ses mains et la croque. La vio­lence psy­cho­lo­gique qu’inflige ce cro­queur de femmes à sa maî­tresse est percutante.

Le film se conclut par le réveil de la femme, nue, à côté de son amant, pro­fon­dé­ment endor­mi. Il ronfle. Elle s’assied sur le rebord du lit et elle a froid. Sur le sol, à côté de ses pieds, il y a un tas de plumes blanches. Elle est mélan­co­lique, déçue et dés­illu­sion­née. Elle res­sent la perte, l’abandon et la souf­france amou­reuse. Ses attentes ne sont pas com­blées, elle ne trouve pas l’amour : les pleurs du com­men­ce­ment du film font main­te­nant sens. La perte d’estime de soi s’ensuit certainement.

La tech­nique d’animation, qui mélange roto­sco­pie, encre de Chine et pein­ture blanche, donne l’impression d’un fini vieillot, comme un accès direct aux sou­ve­nirs de l’autrice. Miroir de son expé­rience per­son­nelle, La Basse-Cour repré­sente le manque d’autorité et d’agentivité de la pro­ta­go­niste. C’est une mise en image des rap­ports de pou­voir entre les sexes et de la domi­na­tion mas­cu­line, un film qui pro­voque le malaise puisque tout est dit : les envies sexuelles de l’homme sont prio­ri­sées au détri­ment des besoins affec­tifs de la poule. La femme est subor­don­née à son amant et uti­li­sée pour son corps.

J’aime les filles (Obom, 2016)

C’est une prise de conscience sur la repré­sen­ta­tion de la figure sté­réo­ty­pée de la les­bienne au ciné­ma qui ins­pire Obom à réa­li­ser J’aime les filles. Dans le sep­tième art, rares sont les modèles fémi­nins forts et posi­tifs aux­quels les femmes homo­sexuelles peuvent s’identifier. Sou­vent, les pro­ta­go­nistes les­biennes au ciné­ma ont un des­tin fati­dique. Elles se sui­cident ou sombrent dans la folie. C’est sûre­ment là une manière peu sub­tile pour les réa­li­sa­teurs mas­cu­lins de punir le regard fémi­nin dési­rant en marge de l’hétéronormativité. En détrui­sant les femmes les­biennes en fin de récits, les réa­li­sa­teurs sanc­tionnent l’interdit social du les­bia­nisme. La sexua­li­té les­bienne expli­cite est raris­sime au ciné­ma, contrai­re­ment à celle des hommes homo­sexuels qui est beau­coup plus représentée.

Ain­si, concer­née par le pro­blème de la repré­sen­ta­tion des rela­tions amou­reuses entre les femmes, Obom sai­sit la pos­si­bi­li­té d’agir sur le monde qui l’entoure. Elle réa­lise un film où la femme est un sujet dési­rant et non l’objet du regard mas­cu­lin; elle construit le fan­tasme fémi­nin pour une expé­rience spec­ta­to­rielle non pré­oc­cu­pée par les dési­rs de l’homme hété­ro­sexuel. Les pro­ta­go­nistes explorent avec agen­ti­vi­té leurs dési­rs pour des per­sonnes du même genre. Dans J’aime les filles, l’autrice se réap­pro­prie la figure de la les­bienne pour faire un film poli­tique sans être expli­ci­te­ment reven­di­ca­teur. C’est là la grande force de son œuvre.

Obom prend la parole sans agres­si­vi­té et dénonce des pré­ju­gés. En ren­ver­sant les sté­réo­types asso­ciés à l’icône popu­laire de la les­bienne, elle aborde l’homosexualité au fémi­nin d’une manière qui dédra­ma­tise le tabou. La façon dont Obom a choi­si de repré­sen­ter les femmes, ce détour­ne­ment d’une cer­taine esthé­tique car­toon tra­di­tion­nel­le­ment des­ti­née aux enfants est effi­cace. En ajou­tant des têtes d’animaux aux corps humains de ses per­son­nages, Obom crée la dis­tance néces­saire pour sus­ci­ter l’empathie. Les femmes ne sont pas féti­chi­sées, mais ras­su­rantes et douces. La réa­li­sa­trice offre une nou­velle posi­tion iden­ti­fi­ca­toire pour les spec­ta­trices : les per­son­nages sont en pleine pos­ses­sion de leurs moyens, ce sont des héroïnes fortes et non des victimes.

L’animation trans­forme la per­cep­tion de cette thé­ma­tique sérieuse. Elle perd son aspect céré­mo­nial parce qu’elle est abor­dée à tra­vers ce lan­gage ciné­ma­to­gra­phique par­ti­cu­lier. C’est une forme de pro­tes­ta­tion sociale et poli­tique qui uti­lise l’humour. Au lieu d’une vision sté­réo­ty­pée des rela­tions dési­rantes entre les femmes, ce sont les pos­si­bi­li­tés dyna­miques des per­son­nages ani­més qui fondent les pro­pos. Au fond, Obom nous entraîne au cœur de la décou­verte du désir amou­reux entre deux êtres humains. Le pro­pos cen­tral a une por­tée uni­ver­selle : tous, hété­ro­sexuels, homo­sexuels ou bisexuels, se recon­naî­tront dans ces his­toires racon­tées avec légè­re­té, humour et fran­chise. Cette ani­ma­tion, c’est un peu le récit de tout le monde qui tombe amou­reux et éprouve du désir sexuel pour la pre­mière fois, mais elle repré­sente ce désir en dehors des contraintes hétéronormatives.

Par exemple, une jeune fille découvre, à sa grande sur­prise, qu’il est pos­sible d’en embras­ser une autre. Une pro­ta­go­niste subit les foudres de sa mère qui refuse son orien­ta­tion sexuelle, la sépare de son amou­reuse et l’envoie sur une ferme en espé­rant qu’elle pour­ra chan­ger. De plus, Obom s’autoreprésente avec une grande can­deur. Elle se met en scène au moment où elle a décou­vert sa propre homo­sexua­li­té dans un rêve. Cette mise en abîme, opé­rée d’une main de maître, démontre toute la maî­trise de l’art de racon­ter d’Obom. La sen­sua­li­té, la dou­ceur, la proxi­mi­té et la cha­leur de l’amour trans­pa­raissent à tra­vers son film.

Cette ani­ma­tion est por­teuse et tou­chante : c’est le regard per­son­nel d’une artiste sur son expé­rience et celle de ses amies. Par­mi les dis­tinc­tions cou­ron­nant le film (dont le très pres­ti­gieux Grand Prix au Fes­ti­val inter­na­tio­nal du film d’animation d’Ottawa), c’est le Prix du Jeune Public du Fes­ti­val inter­na­tio­nal du film pour enfants de Mont­réal qui a pro­fon­dé­ment tou­ché la réa­li­sa­trice. Pour Obom, il est essen­tiel que son film soit vu par le jeune public. Même si beau­coup d’avancées ont été réa­li­sées pour les droits homo­sexuels au Qué­bec et que l’acceptation d’une sexua­li­té en marge du sys­tème hété­ro­nor­ma­tif s’implante pro­gres­si­ve­ment dans la socié­té et les men­ta­li­tés, Obom estime qu’il existe tou­jours un sen­ti­ment de tabou, de rabais­se­ment et de honte asso­cié au les­bia­nisme. Encore de nos jours, beau­coup de jeunes se sui­cident en décou­vrant leur homo­sexua­li­té et la stig­ma­ti­sa­tion sociale qui y est asso­ciée. Les per­son­nages de son film sont jeunes et habitent encore avec leurs parents. C’est donc un mes­sage posi­tif d’espoir avec une fin heu­reuse qu’elle offre.

Avec ce film, la réa­li­sa­trice est agente. Elle inter­vient inten­tion­nel­le­ment pour faire chan­ger les choses avec l’optique d’informer et de trans­for­mer les idées pré­con­çues sur le désir homo­sexuel. D’abord une bande-des­si­née,  J’aime les filles pro­pose une vision mino­ri­taire, encore taboue, des rap­ports humains : celui des rap­ports amou­reux entre les femmes.

Conclusion

Com­ment pour­rait-on valo­ri­ser le ciné­ma d’animation réa­li­sé par des femmes ? C’est en ouvrant les fron­tières, en élar­gis­sant les cur­sus uni­ver­si­taires et en diver­si­fiant les conte­nus pré­sen­tés dans les ins­ti­tu­tions offi­cielles qu’il sera pos­sible de s’éloigner des dis­cours domi­nants qui relèguent le ciné­ma d’animation au sta­tut d’art mineur, et réduisent ain­si ses réa­li­sa­trices au silence. C’est en remet­tant en ques­tion le pro­ces­sus par lequel le savoir sur le ciné­ma d’animation qué­bé­cois a été construit que le tra­vail des ani­ma­trices sera mieux docu­men­té et (re)connu.

Rendre compte de l’expérience quo­ti­dienne de la vie des femmes avec les outils de l’animation est une chance unique de revi­si­ter l’histoire sous l’angle du fémi­nisme et de com­prendre les réa­li­tés et les défis de la socié­té. Les cinéastes d’animation qué­bé­coises ont elles-mêmes très peu écrit sur leur tra­vail et sur leur his­toire. Il faut par­ler du regard des femmes sur les femmes dans l’animation et explo­rer l’imaginaire fémi­nin. Il faut pro­duire une réflexion pour en arri­ver à la recon­nais­sance du domaine du ciné­ma d’animation et favo­ri­ser son ins­crip­tion dans les ins­ti­tu­tions universitaires.

Je ne pour­rais ter­mi­ner cet article sans recom­man­der le vision­ne­ment des inclas­sables Aspa­ra­gus (Suzan Pitt, 1978) et Le Car­na­val des Ani­maux (Michae­la Pàv­là­to­va, 2006) qui pro­posent tous les deux une explo­ra­tion de la sexua­li­té d’un point de vue fémi­nin unique. Ces films sont la mani­fes­ta­tion d’un ima­gi­naire ciné­ma­to­gra­phique dans ce que la réa­li­sa­trice a de plus intime, c’est-à-dire le lieu de l’expression de sa sexualité.


Notes

  1. Afin d’alléger le texte, l’abréviation ONF sera uti­li­sée.
  2. Les hommes qui ont créé des films d’animation au Cana­da se sont aus­si démar­qués. Back rem­porte deux Oscars avec Crac! (Fré­dé­ric Back, 1981) et L’Homme qui plan­tait des arbres (Fré­dé­ric Back, 1987). McLa­ren gagne l’Oscar du meilleur court-métrage docu­men­taire avec Voi­sins (Nor­man McLa­ren, 1952) et la Palme d’or au Fes­ti­val inter­na­tio­nal du film de Cannes pour le meilleur court-métrage avec Blin­ki­ty Blank (Nor­man McLa­ren, 1955).
  3. Les courts-métrages d’animatrices ont récol­té des prix comme la Palme d’or à Cannes (When the Day Breaks [Aman­da For­bis et Wen­dy Til­by, 1999]) l’Ours d’or à Ber­lin (Âme Noire [Mar­tine Char­trand, 2001]) ou encore l’Oscar à Hol­ly­wood (The Danish Poet [Torill Kove, 2007]).
  4. Voir notam­ment les tra­vaux des Anglaises Jane Pilling et Bel­la Honess Roe ain­si que de l’américaine Amy M. Davis.
  5. Les Néga­tifs de McLa­ren (Marie-Josée Saint-Pierre, 2006), Pas­sages (Marie-Josée Saint-Pierre, 2008), Le Pro­jet Sap­po­ro (Marie-Josée Saint-Pierre, 2010), Femelles (Marie-Josée Saint-Pierre, 2012), Jutra (Marie-Josée Saint-Pierre, 2014), Flo­cons (Marie-Josée Saint-Pierre, 2014), Oscar (Marie-Josée Saint-Pierre, 2016) et Ta mère est une voleuse! (Marie-Josée Saint-Pierre, 2018).
  6. Les contextes géo­po­li­tiques, socio­cul­tu­rels et his­to­riques de l’instauration de l’ONF sont trop com­plexes pour être expo­sés dans le pré­sent article.
  7. La pro­blé­ma­tique posée par le pro­gramme Socié­té Nou­velle est triple : per­mettre l’expression des cultures mino­ri­taires au Cana­da avec le ciné­ma, dif­fu­ser ces connais­sances mino­ri­taires auprès de la popu­la­tion en géné­ral et des ins­tances déci­sion­nelles et, fina­le­ment, recueillir des infor­ma­tions pré­cieuses chez les mino­ri­tés afin de mieux com­prendre leurs réa­li­tés, leurs visions et leurs défis.
  8. Puisque le pro­gramme Socié­té Nou­velle met les res­sources audio­vi­suelles de l’ONF à la dis­po­si­tion de la popu­la­tion cana­dienne appar­te­nant à une culture mino­ri­taire, les femmes qui tra­vaillent à l’ONF (se sen­tant lésées de ne pas avoir accès à la réa­li­sa­tion de films) sai­sissent l’occasion. Elles déposent une demande de finan­ce­ment pour le pro­jet En tant que femmes : l’objectif est de faire des films sur le vécu des femmes, réa­li­sé par des femmes et, dans la mesure du pos­sible, n’ayant que des femmes occu­pant tous les postes de la pro­duc­tion.
  9. Les thé­ma­tiques et les films réa­li­sés dans le cadre du pro­gramme En tant que femmes sont : la perte d’identité à tra­vers le mariage et la mater­ni­té dans Sou­ris, tu m’inquiètes (Aimée Danis, 1973), les gar­de­ries d’État dans À qui appar­tient ce gage? (Marthe Black­burn, Susan Huycke, Jeanne Mora­zain, Fran­cine Saïa, et Clo­rin­da War­ny, 1973), les rela­tions com­plexes que les femmes entre­tiennent avec les hommes dans J’me marie, j’me marie pas (Mireille Dan­se­reau, 1973), l’histoire des femmes et le mar­ché du tra­vail dans Les Filles du Roy (Anne Claire Poi­rier, 1974), l’adolescence au fémi­nin dans Les Filles, c’est pas pareil (Hélène Girard, 1974) et la contra­cep­tion et l’avortement dans Le Temps de l’avant (Anne Claire Poi­rier, 1975).
  10. Clo­rin­da War­ny meurt le 4 mars 1978, à l’âge trente-neuf ans, d’une crise car­diaque. Son décès pré­ma­tu­ré sur­vient pen­dant la pro­duc­tion du film Pre­miers Jours. Puisque toute l’animation avait été com­plé­tée, le dépar­te­ment fran­çais du stu­dio d’animation décide de sau­ver le film et d’engager Lina Gagnon et Suzanne Ger­vais pour ter­mi­ner la colo­ra­tion.
  11. OBOM,  J’aime les filles, Mont­réal, L’Oie de Cra­van, 2015.
  12. Jes­si­ca Rab­bit est issue du film Qui veut la peau de Roger Rab­bit? (Zeme­ckis, 1988). Chan­teuse dans un caba­ret jazz, elle est défor­mée phy­si­que­ment par les sté­réo­types de l’hypersexualisation au fémi­nin.
  13. Le Fes­ti­val inter­na­tio­nal du film d’animation d’Annecy est le Cannes du monde de l’animation.
  14. Le phé­no­mène de la mythi­fi­ca­tion des artistes est abor­dé entre autres dans Dif­fe­ren­cing the canon. Femi­nist Desire and the Wri­ting of Art’s His­to­ries (Gri­sel­da Pol­lock, 1999) et La Gloire de Van Gogh : Essai d’anthropologie de l’admiration (Natha­lie Hei­nich, 1991).
  15. Pro­duit par Gas­ton Sarault, Petit Bon­heur est un film d’animation cou­leur d’une durée de sept minutes. C’est l’histoire d’une jeune mère qui pro­mène son bébé incon­so­lable dans une pous­sette. Elle tente de le cal­mer par tous les moyens, en vain. La colère, l’impuissance et le désar­roi s’emparent d’elle. Des pro­fes­sion­nels de l’enfance, tous mas­cu­lins, lui pro­diguent des conseils. Le ven­deur de jouets estime qu’elle devrait sti­mu­ler son enfant par le jeu. Le méde­cin croit qu’il ne mange pas adé­qua­te­ment. Quant au mili­taire, sa solu­tion est d’entraîner le bébé avec d’autres pour le sou­mettre aux ordres. Tous les hommes se que­rellent afin de savoir lequel d’entre eux offre la bonne solu­tion. Le bébé, lui, hurle tou­jours et est com­plè­te­ment rouge. Puis, il se met à uri­ner abon­dam­ment sur tous les pro­ta­go­nistes mas­cu­lins, ce qui le sou­lage et le rend de nou­veau par­fai­te­ment heu­reux.
  16. L’Homme et l’enfant (Michèle Cour­noyer, 1969), Alfre­do (Michèle Cour­noyer, 1971), Spa­ghet­ta­ta (Michèle Cour­noyer et Jacques Drouin, 1976), La Toc­ca­ta (Michèle Cour­noyer, 1977), Old Orchard Beach, P.Q. (1982) et Dolo­ro­sa (Michèle Cour­noyer, 1988).

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Citation tirée d’un film

SAINT-PIERRE, Marie-Josée (pro­duc­trice et réa­li­sa­trice). (2006). Les Néga­tifs de McLa­ren. [film d’animation]. Cana­da : MJSTP Films.


Notice biographique

Marie-Josée Saint-Pierre fonde en 2004 la socié­té indé­pen­dante MJSTP Films Inc. au sein de laquelle elle pro­duit ses propres films à la jonc­tion du docu­men­taire et du ciné­ma d’animation. Au fil de ses créa­tions ori­gi­nales, deux grands thèmes se dégagent : la mater­ni­té (Post-Par­tum [2004], Pas­sages [2008], Femelles [2012] et Ta mère est une voleuse! [2018] ) et la créa­tion artis­tique(Les Néga­tifs de McLa­ren [2006], Le Pro­jet Sap­po­ro [2010], Jutra [2014], Flo­cons [2014] et Oscar [2016]). Sélec­tion­né à la Quin­zaine des Réa­li­sa­teurs du Fes­ti­val de CannesJutra (2014) a raflé trois prix cana­diens pres­ti­gieux (Gémeaux, Jutra et Prix Écrans cana­diens). Au cours de sa car­rière, elle a rem­por­té plus de 55 prix inter­na­tio­naux. Diplô­mée de l’Université Concor­dia (BFA Film Ani­ma­tion et MFA Film Pro­duc­tion), elle est doc­to­rante en études et pra­tiques des arts à l’UQAM avec concen­tra­tion en études fémi­nistes et réci­pien­daire de la bourse d’études Vanier pour les cycles supé­rieurs. Le titre de sa thèse est Ciné­ma d’animation, fémi­nismes et condi­tions de créa­tion : les réa­li­sa­trices de l’Office Natio­nal du Film du Cana­da (1970–1979)*.