Maternité et mythes fondateurs : lire Tadoussac avec Les Bons Débarras

Louis-Paul Willis


Résu­mé
Cet article pro­pose une ana­lyse com­pa­rée des films Les Bons Débar­ras (Man­kie­wicz, 1980) et Tadous­sac (Laroche, 2017); les réflexions qu’inspire le pre­mier film servent à l’articuler au deuxième. À tra­vers un par­cours concep­tuel alliant psy­cha­na­lyse et fémi­nisme, il s’agit de prendre acte des pos­tures spec­ta­to­rielles engen­drées par Les Bons Débar­ras et de les mettre en rela­tion avec celles qui se dégagent de Tadous­sac, le tout afin d’amorcer une réflexion actuelle sur des films dont le dis­cours pro­pose une remise en ques­tion évi­dente du trai­te­ment social et mytho­lo­gique de la fémi­ni­té et de la mater­ni­té à tra­vers une réécri­ture du mythe fon­da­teur œdipien.

Sum­ma­ry
This article offers a com­pa­ra­tive ana­ly­sis of the films Les Bons Débar­ras (Man­kie­wicz, 1980) and Tadous­sac (Laroche, 2017); the ideas ins­pi­red by the first film serve to arti­cu­late it with the second. Through a concep­tual pro­cess com­bi­ning psy­cho­ana­ly­sis and femi­nism, the article exa­mines the spec­ta­to­rial pos­tures engen­de­red by Les Bons Débar­ras and puts them in rela­tion with those which emerge from Tadous­sac in order to ini­tiate a cur­rent reflec­tion on films whose dis­course pro­poses an obvious ques­tio­ning of the social and mytho­lo­gi­cal treat­ment of femi­ni­ni­ty and mothe­rhood through a rewri­ting of the Oedi­pal foun­ding myth.


Connue pour ses ques­tion­ne­ments et ses mises en scène à la fois folk­lo­riques et iden­ti­taires, la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique qué­bé­coise de l’après-Révolution tran­quille s’apparente à plu­sieurs égards à l’expression média­tique d’un mythe fon­da­teur. Les mythes fon­da­teurs, à l’image du mythe de Romu­lus et Rémus dans la Rome antique, conso­lident l’identité d’une nation ou d’un groupe en repré­sen­tant des per­son­nages dont la quête sym­bo­lise les luttes col­lec­tives. Au cœur de nom­breux folk­lores natio­naux, le mythe fon­da­teur se mani­feste sou­vent à tra­vers les luttes iden­ti­taires et sur­vi­va­listes d’un noyau fami­lial fic­tif. Dans le sillon de l’anthropologie struc­tu­rale de Claude Lévi-Strauss, la repré­sen­ta­tion ciné­ma­to­gra­phique de la famille par­ti­cipe pour sa part à façon­ner l’imaginaire col­lec­tif autour des conflits fami­liaux et de leur réso­lu­tion. La famille doit dès lors être consi­dé­rée comme « l’institution qui arti­cule la dif­fé­rence des sexes et la dif­fé­rence des géné­ra­tions » (Thé­ry, citée dans For­tin, p. 18). De sur­croît, tou­jours en lien avec la pen­sée lévi-straus­sienne, la famille « orga­nise les rela­tions d’une per­sonne avec son conjoint et sa belle-famille (l’alliance), ses ascen­dants ou ses des­cen­dants (la filia­tion), ain­si qu’avec ses frères et ses sœurs (la fra­trie ou la ger­ma­ni­té) » (For­tin et Gagnon, cités dans For­tin, p. 18). D’un point de vue psy­cha­na­ly­tique, la famille consti­tue le pro­to­type des rela­tions inter­sub­jec­tives à venir1 ; dans la logique lévi-straus­sienne (très pré­sente dans la pen­sée de Jacques Lacan, qui sera mise à contri­bu­tion dans ce qui suit), la famille inau­gure la place du sujet dans l’ordre social et sym­bo­lique. Et pour la théo­rie psy­cha­na­ly­tique du ciné­ma, la repré­sen­ta­tion des rela­tions fami­liales à l’écran joue un rôle consi­dé­rable dans le façon­ne­ment des iden­ti­tés et des subjectivités.

Tout comme les pro­duc­tions ciné­ma­to­gra­phiques, les mythes fon­da­teurs sont géné­ra­le­ment arti­cu­lés autour de quêtes por­tées et incar­nées par des per­son­nages mas­cu­lins, et tendent par le fait même à conce­voir la fémi­ni­té et la mater­ni­té à tra­vers un regard fon­ciè­re­ment mas­cu­lin — une dyna­mique lar­ge­ment étu­diée depuis la contri­bu­tion de Lau­ra Mul­vey à la pen­sée fémi­niste du ciné­ma en 1975 2. Ce rap­port de pou­voir dans la repré­sen­ta­tion des genres a fait l’objet d’innombrables ques­tion­ne­ments et explo­ra­tions depuis l’émergence des théo­ries fémi­nistes dans l’arène des études ciné­ma­to­gra­phiques. En plus de ques­tion­ner la dyna­mique des regards au sein des pro­duc­tions fil­miques, les fémi­nistes se sont pen­chées sur l’articulation fil­mique du désir au fémi­nin 3, sur les struc­tures sociales et cultu­relles qui fondent le dis­cours patriar­cal domi­nant 4, et sur les rela­tions entre les genres telles qu’elles sont repré­sen­tées dans les récits domi­nants 5. En revanche, peu d’écrits visent à explo­rer la ques­tion du mythe fon­da­teur, son rôle poten­tiel dans la per­pé­tua­tion des rôles gen­rés au ciné­ma, ain­si que sa remise en ques­tion. Pour­tant, les films dont la mise en scène insiste sur la filia­tion mère-fille pour­raient four­nir des pistes de réflexion per­met­tant de faire la lumière sur cer­taines réécri­tures fémi­nistes des mythes fon­da­teurs. En nous attar­dant sur cette ques­tion au ciné­ma qué­bé­cois, nous pos­tu­lons que la dyna­mique fami­liale s’impose comme le lieu d’une puis­sante pro­jec­tion des conflits inhé­rents à la ques­tion iden­ti­taire ain­si qu’à la subjectivité.

Le film Les Bons Débar­ras (Fran­cis Man­kie­wicz, 1980) paraît ici incon­tour­nable. Par sa mise en scène foca­li­sée exclu­si­ve­ment sur des per­son­nages fémi­nins, il semble vou­loir affran­chir la repré­sen­ta­tion de la fémi­ni­té de sa posi­tion actan­tielle secon­daire; les écrits lui ayant été consa­crés ont d’ailleurs ceci de com­mun qu’ils y voient sou­vent soit une forme de mythe ou de conte folk­lo­rique, soit une allé­go­rie por­tant sur la recherche d’une iden­ti­té natio­nale dans le Qué­bec de l’ère du pre­mier réfé­ren­dum, le tout arti­cu­lé autour d’une remar­quable pro­blé­ma­ti­sa­tion de la rela­tion mère-fille. Force est de consta­ter que la pro­duc­tion contem­po­raine fait régu­liè­re­ment écho à cette ten­dance d’un ciné­ma axé sur la recherche des ori­gines et sur la filia­tion — les films Un zoo la nuit (Jean-Claude Lau­zon, 1987), La Face cachée de la Lune (Robert Lepage, 2003), C.R.A.Z.Y. (Jean-Marc Val­lée, 2005), Bor­der­line (Lyne Char­le­bois, 2008) et Incen­dies (Denis Vil­le­neuve, 2010) exem­pli­fient la pour­suite de cette thé­ma­tique. Mais le film de Man­kie­wicz se démarque par sa mise en relief de la spé­ci­fi­ci­té de la filia­tion mère-fille, ain­si que par la façon dont cette rela­tion per­met une réécri­ture du mythe œdi­pien, qui sera consi­dé­ré ici comme mythe fon­da­teur des struc­tures sociales patriar­cales et de l’ordre sym­bo­lique qui les détermine.

Puisque le film de Man­kie­wicz a occu­pé une place impor­tante au sein des dis­cours cri­tiques et ana­ly­tiques sur le ciné­ma qué­bé­cois au cours des 35 der­nières années, il y a éga­le­ment lieu de s’interroger sur l’évolution des réflexions ciné­ma­to­gra­phiques tou­chant la ques­tion de la filia­tion mère-fille et son lien avec la réécri­ture poten­tielle du mythe fon­da­teur œdi­pien. On peut aisé­ment se deman­der com­ment un cer­tain ciné­ma qué­bé­cois contem­po­rain aborde ces thé­ma­tiques et com­ment il repense à son tour le mythe fon­da­teur. Dans cette pers­pec­tive, le film Tadous­sac (Mar­tin Laroche, 2017) s’impose, puisqu’il remet à l’avant-plan de façon reten­tis­sante la rela­tion mère-fille par l’entremise d’une quête des ori­gines qui se lit aisé­ment à tra­vers le prisme du mythe fon­da­teur, ou du moins à tra­vers sa réar­ti­cu­la­tion au sein des pro­duc­tions cultu­relles contem­po­raines. À l’aide d’un scé­na­rio cen­tré de façon qua­si exclu­sive sur des per­son­nages fémi­nins, Laroche — dont le film pré­cé­dent, Les Manèges humains (2008), explo­rait le drame de l’excision — voue un inté­rêt mani­feste à la réécri­ture du mythe fon­da­teur, qui se trouve axée sur la fémi­ni­té, la mater­ni­té et la filia­tion mère-fille. Il en résulte une puis­sante réflexion sur la sub­jec­ti­vi­té fémi­nine et sur le désir qui la sous-tend, que nous nous pro­po­sons d’aborder ici.

À tra­vers un par­cours concep­tuel alliant psy­cha­na­lyse et fémi­nisme, il s’agira dans ce qui suit d’explorer les pos­tures spec­ta­to­rielles engen­drées par le film de Laroche afin de les mettre en rap­port avec celles du film de Man­kie­wicz, que nous explo­re­rons dans un pre­mier temps. Il s’agira de déga­ger une réflexion actuelle sur les dis­cours fil­miques met­tant de l’avant le trai­te­ment social et mythique de la fémi­ni­té et de la mater­ni­té. Au final, cet article se donne comme objec­tif de faire la lumière sur la démarche de ces réa­li­sa­teurs mas­cu­lins qui pensent la fémi­ni­té, la filia­tion et la rela­tion mère-fille.

Filiation et mythes fondateurs au cinéma

Il n’est pas du tout ano­din de remar­quer, comme le fait Andrée For­tin (2016) dans un article sur la famille et la filia­tion dans le ciné­ma qué­bé­cois, que la repré­sen­ta­tion nar­ra­tive des conflits fon­da­teurs dans les récits fami­liaux traite dif­fé­rem­ment la filia­tion père-fils et mère-fille ; il en va de même pour l’attention ana­ly­tique accor­dée à ces deux dyna­miques de filia­tion. Tout en notant que le pre­mier film qué­bé­cois réa­li­sé par une femme était le docu­men­taire De mère en fille (Anne-Claire Poi­rier, 1968) — ce qui fait abs­trac­tion des films réa­li­sés par des reli­gieuses dans les années 1930 et 1940 —, For­tin constate l’importance des rela­tions mère-fille dans plu­sieurs films de fic­tion qué­bé­cois, indé­pen­dam­ment du sexe du scé­na­riste ou du réa­li­sa­teur. Par contre, comme elle le remarque,

[l]es ana­lystes se sont peu arrê­tés aux rela­tions entre les mères et les filles, dont les contours sont bien dif­fé­rents de celles entre les pères et les fils. C’est le silence qui pré­side aux rela­tions mère-fille. Ici, s’il y a des attentes non com­blées, c’est autour de la recon­nais­sance de la fille par sa mère, et cela met en jeu des ten­sions iden­ti­taires, d’identification et de dis­tan­cia­tion. (p. 25)

Bien que peu abor­dées dans les ana­lyses par­se­mant les études du ciné­ma qué­bé­cois, ces ten­sions disent quelque chose de la mater­ni­té et de la fémi­ni­té et, sur­tout, de la façon dont elles sont construites cultu­rel­le­ment par les dis­cours média­tiques. Cette construc­tion convoque une réflexion ins­pi­rée de la pen­sée psy­cha­na­ly­tique et structuraliste.

Dans Les Struc­tures élé­men­taires de la paren­té, Lévi-Strauss avance l’idée selon laquelle le tabou de l’inceste — lar­ge­ment per­çu comme uni­ver­sel depuis la paru­tion de Totem et tabou de Freud en 1913 — mène les socié­tés vers l’exogamie. Contraints par les exi­gences de ce tabou, les hommes en viennent selon lui à « échan­ger » les femmes, qui revêtent alors les iden­ti­tés d’épouse, de sœur, de mère et de fille; bref, des rôles qui sont tri­bu­taires de — et déter­mi­nés par — leurs rela­tions avec la famille et, ulti­me­ment, les hommes. Dans ce qui suit, il s’agira de prendre acte de la dimen­sion patriar­cale de cette approche, qui se fonde sur l’influence qu’a eue la pen­sée de Lévi-Strauss sur Lacan dans sa relec­ture de Freud. Lorsque Freud reprend le récit dar­wi­nien (lui aus­si fon­da­teur) de la horde pri­mi­tive dans Totem et tabou, il le recentre autour de la logique d’une jouis­sance pré­sym­bo­lique dont béné­fi­ciait le père tout-puis­sant, qui se réser­vait l’accès aux femmes. Après avoir tué le père, les fils ins­taurent les tabous du par­ri­cide et de l’inceste. Ce récit sert de mythe fon­da­teur pour l’apparition de l’ordre sym­bo­lique, voire pour la logique patriar­cale qui le sous-tend. Dans cette veine, l’Œdipe s’impose comme le prin­ci­pal mythe fon­da­teur de la pro­hi­bi­tion de l’inceste, de l’imposition de l’exogamie et de la logique de la cas­tra­tion. Nous y voyons consé­quem­ment le mythe fon­da­teur de l’ordre sym­bo­lique tel que le conçoit Lacan, au sein duquel le sujet se forme à tra­vers sa rela­tion à l’Autre. Fina­le­ment, la réso­lu­tion de l’Œdipe fonde la logique du Nom-du-Père, qui déter­mine le rap­port du sujet au sym­bo­lique et au désir. C’est jus­te­ment dans cette dyna­mique que « s’établit entre Nom-du-Père et objet, cause du désir, une cor­ré­la­tion qui se tra­duit par l’obligation, pour un sujet, d’inscrire son désir selon l’ordre de son sexe, ras­sem­blant sous ce nom, le Nom-du-Père, du même coup l’instance du désir et la Loi » (Che­ma­ma et Van­der­mersch, p. 283).

Il s’avère per­ti­nent de se tour­ner vers la psy­cha­na­lyse afin de pen­ser les films qui arti­culent autour de la filia­tion mère-fille une repré­sen­ta­tion ciné­ma­to­gra­phique ayant tous les traits d’un mythe fon­da­teur6. En recen­trant cette logique concep­tuelle sur le ciné­ma qué­bé­cois, Bill Mar­shall remarque com­ment la conjonc­tion de la dyna­mique œdi­pienne et de la ques­tion de la nation se retrouve tant dans les œuvres que dans les ana­lyses qui leur sont dédiées (p. 105). Mais pour lui, comme pour For­tin, la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique qué­bé­coise ne se limite pas à figer dans un bloc mono­li­thique la ques­tion du mythe fon­da­teur; elle tend à explo­rer un ter­ri­toire au-delà des posi­tions mas­cu­lines œdi­piennes et de la logique patriarcale :

It is pos­sible, then, to detect two strands in Que­bec cine­ma and in cri­ti­cal posi­tions on that cine­ma : one that constructs a natio­nal posi­tion read in uni­fied, mas­cu­line, hete­ro­sexual, and Oedi­pal terms; and one that is more hete­ro­ge­neous, chal­len­ging that domi­nant mas­cu­line posi­tion, qua­li­fying it by see­king to arti­cu­late with it other key terms such as class or jet­ti­so­ning uni­ty and the natio­nal-Oedi­pal sce­na­rio alto­ge­ther. (Mar­shall, p. 108–109)

Les films abor­dés ici appar­tiennent à la deuxième ten­dance dis­cu­tée par Mar­shall. Ce der­nier se deman­de­ra, dans sa courte ana­lyse des Bons Débar­ras, ce qui arrive lorsque la filia­tion père-fils est rem­pla­cée par la filia­tion mère-fille.

Les Bons Débarras revisités

En réflé­chis­sant au contexte qui a vu Les Bons Débar­ras arri­ver sur les écrans du Qué­bec, Ian Locker­bie note que le film « met en scène, à sa manière, la construc­tion d’une nation » (p. 40). À tra­vers le récit, où la jeune Manon Des­roches (Char­lotte Lau­rier) mène un com­bat sans relâche afin d’obtenir toute l’attention de sa mère Michelle (Marie Tifo), à qui elle voue un amour inébran­lable, le film de Man­kie­wicz repré­sente effec­ti­ve­ment des per­son­nages mythiques dont les luttes sont à l’image des idéaux qui ont façon­né le Qué­bec contem­po­rain de l’après-Révolution tran­quille. La famille Des­roches mène une exis­tence fru­gale, sur­vi­vant grâce à la terre à bois sur laquelle se situe la mai­son fami­liale, qui est inache­vée et pas­sa­ble­ment déla­brée. Seule pour éle­ver sa fille, Michelle doit aus­si s’occuper de son frère Ti-Guy (Ger­main Houde), qui souffre d’un retard intel­lec­tuel des suites d’une ménin­gite contrac­tée dans sa jeu­nesse. Dans une dyna­mique réso­lu­ment œdi­pienne, Manon tente d’éloigner sa mère de toute pré­sence mas­cu­line, dont le pré­ten­dant de Michelle, Mau­rice (Roger Lebel), qui pour­rait mena­cer le rap­port sym­bio­tique mère-fille. Cette dyna­mique œdi­pienne est inusi­tée, ce qui mène Mar­shall à voir une façon pour le film de sor­tir de l’Histoire afin de se plon­ger dans le domaine du mythe (p. 111). Il ajoute d’ailleurs que « Les Bons Débar­ras offers an alter­na­tive and oppo­si­tio­nal myth of non-Œdi­pal, non-patriar­chal, minor rather than major iden­ti­ty construc­tion » (p. 111). Par cette réécri­ture du prin­ci­pal mythe consti­tu­tif de la sub­jec­ti­vi­té et de l’identité sym­bo­lique, il opère une redé­fi­ni­tion des rôles gen­rés tels qu’ils se défi­nissent au sein du récit fon­da­teur, une pro­blé­ma­tique préa­la­ble­ment inex­plo­rée au sein des dis­cours cri­tiques. En se pen­chant sur cet aspect du film, on peut déce­ler un appel à l’émancipation face à la rigi­di­té des struc­tures patriar­cales repo­sant sur le mythe œdipien.

À pre­mière vue, le tri­angle œdi­pien tra­di­tion­nel est illus­tré de façon incom­plète dans Les Bons Débar­ras, l’absence du père sem­blant géné­rer une part impor­tante des conflits psy­cho­lo­giques du film. Manon cherche notam­ment à connaître l’identité de son père dans une séquence qui a tout d’une quête iden­ti­taire : Michelle est alors dans le bain et Manon lui demande avec qui elle sor­tait lorsqu’elle est née. Cette ques­tion de la jeune héroïne œdi­pienne nous plonge au cœur de la mise en abîme sopho­cléenne struc­tu­rant Les Bons Débar­ras : la pré­sence de l’inceste dans le noyau fami­lial, qui repose avant tout sur le silence et le non-dit. Michelle répond ain­si à Manon qu’elle ne sor­tait pas lorsqu’elle l’a eue. Sté­phane Cuier­rier rajoute qu’elle « n’avait pas à sor­tir puisqu’elle cou­chait avec son propre frère » (p. 28). Très auda­cieuse, cette inter­pré­ta­tion du tri­angle œdi­pien dans le film est par­ti­cu­liè­re­ment bien appuyée au niveau sym­bo­lique et esthé­tique. Cuier­rier observe la séquence durant laquelle Michelle retrouve une pho­to d’elle dans le lit de Manon : la pho­to est insé­rée du côté droit d’un cadre dyp­tique, le côté gauche où on devrait retrou­ver le père étant res­té vide. Tou­te­fois, la construc­tion même du plan cadre Michelle à droite (tout comme dans le dip­tyque); à gauche, à tra­vers la fenêtre, on aper­çoit Ti-Guy tra­vaillant à l’extérieur. Ti-Guy est donc cadré à gauche, et s’impose sour­noi­se­ment comme l’occupant de la moi­tié gauche du dip­tyque, comme le père de Manon.7

Ti-Guy, le père absent. Plu­tôt que d’éliminer du récit le père pour mon­trer les séquelles de son absence, Ducharme se sert du pré­texte de la ménin­gite et incarne cette absence par la pré­sence muette de Ti-Guy : inca­pable de s’exprimer, d’assumer sa viri­li­té, d’imposer son auto­ri­té… Ti-Guy, le père inces­tueux de Manon. Ain­si le sens cryp­té du film, l’inceste, vient-il expli­quer l’absence du père, l’incommunicabilité et la tare des ori­gines (« Mon­gol » : pre­mier mot du film, hur­lé par Manon à son père et qui s’adresse autant à lui qu’à elle-même : enfant taré, né de l’inceste). (Cuier­rier, p. 28)

Il importe ici de nuan­cer les pro­pos de Cuier­rier : lorsqu’elle hurle « mon­gol » la pre­mière fois au début du film, Manon ne s’adresse pas à Ti-Guy mais plu­tôt à Mau­rice (l’autre figure pater­nelle), qui actionne la sirène de son auto-patrouille devant la rési­dence Des­roches. Cela dit, la lec­ture de Cuier­rier reste per­ti­nente puisque Manon dit à Michelle que si elle va sou­per avec Mau­rice, elle sera seule « avec l’autre mon­gol ». Dans ce cas, il s’agit bel et bien de Ti-Guy, l’oncle et le père. La hargne de Manon s’adresse donc à la fois à Ti-Guy, le vrai père, et à Mau­rice, la figure pater­nelle impo­sée; ces deux figures, hau­te­ment pro­blé­ma­tiques, sont asso­ciées dans le dis­cours de Manon à une cri­tique du Nom-du-Père. Ain­si, le motif de l’inceste se trouve pro­fon­dé­ment ancré dans Les Bons Débar­ras, tout comme l’est la fata­li­té tra­gique de cet inceste qui frappe autant que dans le drame sopho­cléen. Manon incarne l’héroïne dont la quête est elle-même œdi­pienne : elle éli­mine tous ceux qui s’approchent trop de sa mère et, comme Œdipe, elle tue son père pour prendre sa place dans le lit paren­tal, comme nous le pré­sente le der­nier plan du film.

L’aspect plus radi­cal des liens entre le récit et le mythe fon­da­teur œdi­pien échappe aux pré­cé­dentes lec­tures du film de Man­kie­wicz, à l’exception de celle de Mar­shall, qui voit dans l’incomplétude du tri­angle œdi­pien le registre mythique à la fois « non-œdi­pien » et « non-patriar­cal » du film (p. 111). Mar­shall ajoute que l’absence du père auto­ri­taire dans ce conflit œdi­pien peut être lue en termes laca­niens, le film prô­nant un refus de la Loi du Nom-du-Père, dont le com­plexe d’Œdipe se veut être la porte d’entrée (p. 112). Selon lui, le meurtre du père revêt alors, tout comme la repré­sen­ta­tion gro­tesque de la figure auto­ri­taire pater­nelle à tra­vers les per­son­nages de Mau­rice et Ti-Guy, tous deux constam­ment bafoués par Manon, une dimen­sion beau­coup plus spé­ci­fique que dans le mythe sopho­cléen. Nous pour­rions com­plé­ter la piste ouverte par Mar­shall en pos­tu­lant que c’est la figure cen­trale de la Loi du Nom-du-Père qui est cas­trée dans le film, ce qui pré­sup­pose la déter­mi­na­tion de nou­velles iden­ti­tés sexuelles, sociales et sym­bo­liques. C’est pré­ci­sé­ment ce constat qui manque aux lec­tures pré­cé­dentes du film. En accep­tant le mythe œdi­pien comme mythe fon­da­teur des socié­tés patriar­cales, il devient plus aisé de voir sa réécri­ture dans le film de Man­kie­wicz comme une volon­té de le repen­ser en l’articulant à une remise en ques­tion du Nom-du-Père.

À la fin du film, alors qu’elle prend place dans le lit de sa mère et lui lit la fin des Hauts de Hur­levent d’Emily Brontë, Manon dit que « les gens, dans l’ancien temps, c’est comme ça qu’ils se fai­saient endor­mir ». Au lieu de décrire « com­ment les gens s’endormaient », Manon fait réfé­rence à la façon dont les gens « se fai­saient endor­mir ». À elle seule, cette phrase per­met de cir­cons­crire notre lec­ture du film autour de l’appel à l’émancipation et au rejet des struc­tures iden­ti­taires et gen­rées à la fois domi­nantes et contrai­gnantes. De plus, la mise en abîme ini­tiée par la pré­sence du roman de Brontë prend une impor­tance capi­tale dans cette der­nière séquence, la réa­li­té du roman rat­tra­pant la réa­li­té du film pour ne for­mer qu’une seule et même enti­té. Et en ter­mi­nant son roman, Manon dira à sa mère, endor­mie, « maman, j’ai fini ». Qu’a‑t-elle fini au juste? D’une part, elle a fini son par­cours ini­tia­tique à tra­vers les dédales de l’Œdipe, ayant tué son père, plu­tôt que de se plier aux exi­gences de sa Loi, afin de prendre place auprès de sa mère; elle a éga­le­ment ter­mi­né la lec­ture du roman qui lui pré­sen­tait un alter ego, Les Hauts de Hur­levent s’avérant un récit au carac­tère inces­tueux qui boucle le lien entre Manon et Cathe­rine, le per­son­nage roma­nesque de Brontë; et fina­le­ment, point cen­tral du film, elle a réa­li­sé ses « bons débar­ras », écar­tant toute figure autoritaire/paternelle qui pour­rait inter­fé­rer dans sa visée de pos­sé­der sa mère. Le pro­pos mytho­lo­gique pré­sent dans Les Bons Débar­ras sous-tend donc la pos­si­bi­li­té du mythe fon­da­teur en racon­tant un par­cours iden­ti­taire — une décou­verte de soi — qui passe par la trans­gres­sion d’interdits et la tare d’un pas­sé pro­blé­ma­tique, inces­tueux, et gar­dé sous silence. En pré­sen­tant un par­cours œdi­pien qui éli­mine la figure pater­nelle auto­ri­taire, le film pro­cède, à sa façon, à une réécri­ture de ce mythe fon­da­teur autour d’une nou­velle acces­sion à l’ordre sym­bo­lique, libé­rée de la Loi du Nom-du-Père. Ulti­me­ment, en repen­sant le mythe fon­da­teur (sopho­cléen) qui déter­mine l’ordre sym­bo­lique patriar­cal, le film pro­pose, à tra­vers une fac­ture folk­lo­rique évi­dente, un mythe fon­da­teur moderne sur lequel peuvent se construire de nou­veaux rap­ports sociaux et genrés.

Tadoussac : le mythe fondateur revisité

Alors que Les Bons Débar­ras campe la rela­tion mère-fille dans une dyna­mique fusion­nelle où règne le non-dit, il en va autre­ment dans le film Tadous­sac de Mar­tin Laroche. Rap­pe­lons ici les pro­pos d’Andrée For­tin, qui sug­gère que les récits fil­miques qué­bé­cois cen­trés sur la rela­tion mère-fille mettent de l’avant des ten­sions iden­ti­fi­ca­toires liées à la recon­nais­sance de la fille par la mère (p. 25). Tadous­sac met ces enjeux au cœur de son récit à la fois inti­miste et ini­tia­tique. S’avouant exas­pé­ré devant la repré­sen­ta­tion figée de la fémi­ni­té à l’écran, notant que la femme est géné­ra­le­ment « confi­née dans les rôles de l’amante, la muse ou la mère » (ce qui se rap­proche de l’anthropologie struc­tu­rale de Lévi-Strauss), Laroche affiche d’emblée une volon­té de « réflé­chir à la force que des stig­mates sociaux dans les per­cep­tions du rôle d’une femme peuvent avoir dans le com­por­te­ment d’un indi­vi­du ».8 Par sa trame nar­ra­tive, ain­si que par sa fac­ture esthé­tique, Tadous­sac pousse une telle réflexion vers le domaine du mythe fondateur.

Le récit se centre sur Chloé (Camille Mon­geau), qui quitte son conjoint et son appar­te­ment mont­réa­lais en catas­trophe dès les pre­mières secondes du film pour se rendre à Tadous­sac en fai­sant de l’auto-stop. Une fois arri­vée, elle s’installe rapi­de­ment dans une auberge, où elle offre de tra­vailler en échange d’un héber­ge­ment gra­tuit, le tout sous le faux nom de Fan­ny Roy. Le soir même, elle quitte l’auberge à pied et se pro­mène dans le vil­lage, visi­ble­ment à la recherche de quelque chose, avec la copie papier d’un plan de géo­lo­ca­li­sa­tion. À l’auberge, lorsqu’on lui demande ce qu’elle vient faire à Tadous­sac, elle répond ini­tia­le­ment qu’elle est venue sans but autre que celui de se repo­ser; au cours d’une conver­sa­tion sub­sé­quente, on apprend qu’elle pense avoir de la paren­té à Tadous­sac. C’est ain­si qu’elle ren­contre Myriam (Isa­belle Blais), qui lui pose des ques­tions afin de com­prendre com­ment elles sont liées. Les réponses de Fanny/Chloé paraissent peu natu­relles et amènent le spec­ta­teur à consta­ter que cette fausse iden­ti­té est fra­gile. La quête iden­ti­taire est alors rapi­de­ment mise en place. Chloé entre­pren­dra d’ailleurs de dres­ser un faux arbre généa­lo­gique afin que son his­toire paraisse mieux fice­lée. Entre ses tâches à l’auberge et ses sor­ties dans le vil­lage, elle semble avoir des pro­blèmes de san­té; après une scène où elle paraît avoir ses règles dans la douche, elle fait une fausse couche dans la salle de bain. Nous com­pre­nons rapi­de­ment que Chloé a pris la fuite peu de temps après avoir appris qu’elle était enceinte et que sa des­ti­na­tion n’avait rien de for­tuit : les indices qui sont dévoi­lés, dans un déboî­te­ment nar­ra­tif à la fois gra­duel et énig­ma­tique, per­mettent de décou­vrir que Chloé est en fait la fille de Myriam — une filia­tion qui se confirme lorsque Lau­rie (Juliette Gos­se­lin), l’amie de Chloé, vient la rejoindre à Tadous­sac dans l’espoir de la rai­son­ner et de la rame­ner à Mont­réal. Alors que nous en appre­nons plus sur Myriam, les cir­cons­tances entou­rant la nais­sance de Chloé se cla­ri­fient : se sen­tant inca­pable d’affronter la mater­ni­té, Myriam a ten­té d’étouffer son nour­ris­son. Entre-temps, comme elle n’a pas cher­ché d’aide médi­cale à la suite de sa fausse couche, Chloé voit sa san­té se dété­rio­rer. Après plu­sieurs chutes de pres­sion consé­cu­tives, Myriam la recon­duit à l’hôpital le plus près. C’est alors que Chloé lui révèle sa vraie iden­ti­té. Et une fois sa san­té sta­bi­li­sée, elle vit ses retrou­vailles avec Myriam dans le cadre d’une conver­sa­tion télé­pho­nique, dans une séquence paroxys­tique qui clôt un récit for­te­ment mar­qué par une réflexion sur la mater­ni­té, la filia­tion, l’identité et la tare des origines.

Tadous­sac se pose comme le récit d’une mater­ni­té rom­pue, et est por­té par un dis­cours et un trai­te­ment réso­lu­ment fémi­nistes. Par l’entremise du cadrage et du trai­te­ment visuel accor­dé aux per­son­nages, Laroche se dis­tan­cie de la ten­dance répan­due consis­tant à défi­nir la fémi­ni­té — et plus par­ti­cu­liè­re­ment la mater­ni­té — selon des codes et des conven­tions propres à un sys­tème de signi­fi­ca­tion patriar­cal et phal­lo­cen­trique. Tout au long du déploie­ment nar­ra­tif de Tadous­sac, Chloé est cadrée avec une telle proxi­mi­té que les autres per­son­nages, sur­tout mas­cu­lins, sont pour l’essentiel confi­nés dans l’espace du hors-champ. Le film repré­sente très peu de per­son­nages mas­cu­lins — qui occupent tous un rôle secon­daire, voire ter­tiaire —, et une part impor­tante des répliques mas­cu­lines pro­viennent de l’extérieur du champ visuel. Le com­men­taire que livre le film sur la mater­ni­té se trouve ain­si dépour­vu de toute oppo­si­tion à un rôle mas­cu­lin domi­nant; les rôles fémi­nins se trouvent affran­chis d’une situa­tion beau­coup trop répan­due au ciné­ma, où les femmes sont défi­nies par leur rap­port à un per­son­nage mas­cu­lin. Par le fait même, ce cadrage — et la proxi­mi­té qu’il génère avec le per­son­nage de Chloé — per­met au film d’explorer les liens entre la repré­sen­ta­tion cultu­relle de la mater­ni­té et les réflexions ini­tiées par la psy­cha­na­lyste Julia Kris­te­va. En effet, dans Pou­voirs de l’horreur, Kris­te­va s’attarde au trai­te­ment réser­vé à la mater­ni­té dans les reli­gions judéo-chré­tiennes; selon elle, la mater­ni­té connote une forme puis­sante d’abjection dans ces socié­tés et dans leurs cultures. L’abjection confine la fémi­ni­té au-delà de l’ordre sym­bo­lique; mani­fes­ta­tion de dégoût pour ce qui échappe à la logique patriar­cale, l’abject désigne « ce qui per­turbe une iden­ti­té, un sys­tème, un ordre. Ce qui ne res­pecte pas les limites, les places, les règles. L’entre-deux, l’ambigu, le mixte » (Kris­te­va, p. 12). L’association entre la fémi­ni­té et l’abject est régu­liè­re­ment remise en ques­tion par un cer­tain ciné­ma plus pro­gres­siste (tout autant qu’il figure comme condi­tion de repré­sen­ta­tion de la fémi­ni­té dans un cer­tain ciné­ma plus réac­tion­naire)9. Pour ces rai­sons, la pen­sée de Kris­te­va a lais­sé une marque de taille dans la pen­sée fémi­niste du ciné­ma. L’ouvrage The Mons­trous Femi­nine de Bar­ba­ra Creed (1993) demeure à cet effet un des textes les plus impor­tants pour sa pro­mo­tion. Dans Tadous­sac, la gros­sesse inter­rom­pue de Chloé sus­cite une réflexion sur l’abjection, autant dans sa repré­sen­ta­tion que dans la ges­tuelle du per­son­nage : le cadrage ser­ré dans la séquence de la douche nous montre le per­son­nage mani­fes­te­ment incon­for­table devant l’apparition du sang sur le plan­cher de la douche, et la scène rap­pelle celle des pre­mières mens­trua­tions dans Car­rie (De Pal­ma, 1976). La fausse couche dans la salle de bain de l’auberge semble éga­le­ment vou­loir explo­rer le malaise sus­ci­té par les fonc­tions repro­duc­trices fémi­nines. Au lieu de sug­gé­rer de façon vague ce qui arrive à Chloé, Laroche nous enferme avec elle, nous fait vivre sa dou­leur pen­dant de longues minutes, les­quelles sont sui­vies du néces­saire net­toyage de la salle de bain afin de faire dis­pa­raître toute trace de cette mater­ni­té avor­tée. En somme, les rac­cour­cis liés à la repro­duc­tion sont évi­tés afin de faire place à un rap­pro­che­ment qui a visi­ble­ment pour but de mettre le spec­ta­teur face à une fémi­ni­té au-delà de l’abject. L’utilisation du cadrage et de l’espace hors champ mène effec­ti­ve­ment le spec­ta­teur à ques­tion­ner son propre rap­port à l’abjection; alors que la mons­tra­tion du sang per­du au ciné­ma tend à exa­cer­ber l’association entre la fémi­ni­té et l’abject, le confi­ne­ment du sang au-delà du champ visuel dans Tadous­sac place le spec­ta­teur devant la souf­france de Chloé, qui lui est révé­lée en plan rap­pro­ché. Laroche évite ain­si une mise en image plus clas­sique de la fémi­ni­té et de la mater­ni­té, et livre par le fait même un dis­cours sur l’envers de ce que Creed qua­li­fie de fémi­ni­té monstrueuse.

La fac­ture esthé­tique et inti­miste de Tadous­sac per­met de situer la repré­sen­ta­tion de la fémi­ni­té et de la mater­ni­té à l’extérieur des conven­tions habi­tuelles liées à la repré­sen­ta­tion des genres; l’essentiel du récit se déploie autour d’une quête iden­ti­taire et d’une explo­ra­tion de la tare des ori­gines. Au fil des conver­sa­tions et du déve­lop­pe­ment des élé­ments de l’intrigue, nous sommes ame­nés à com­prendre que Chloé connaît son pas­sé : elle connaît le drame de ses pre­mières heures, et sait que sa mère a ten­té de l’étouffer. C’est néan­moins au moment où elle est elle-même une mère en deve­nir qu’elle prend la fuite vers Tadous­sac, vers sa mère bio­lo­gique, et vers une confron­ta­tion avec son pas­sé et avec ses ori­gines. Cette confron­ta­tion culmine dans la séquence de la conver­sa­tion télé­pho­nique entre Chloé et Myriam, laquelle consti­tue une réfé­rence évi­dente à la conver­sa­tion finale dans Paris, Texas (Wen­ders, 1984). Les deux films, dont le titre évoque un lieu ori­gi­nel, sont cen­trés sur une recherche iden­ti­taire qui se clôt dans les deux cas au cours d’une conver­sa­tion télé­pho­nique extrê­me­ment intime mélan­geant le récit d’un drame iden­ti­taire et l’exploration de la tare des ori­gines. Dans Paris, Texas, Tra­vis, qui a aban­don­né son rôle de père de famille, raconte les rai­sons moti­vant sa fuite : inca­pable de se retrou­ver dans ce rôle,10 il choi­sit de fuir vers le désert, vers son ori­gine, au-delà de son exis­tence sym­bo­lique — il racon­te­ra qu’il rêvait d’une fuite vers un endroit sans lan­gage ni rues (« somew­here without lan­guage or streets »). Dans Tadous­sac, le récit reprend cette fuite face à l’aspect sym­bo­lique de la filia­tion afin de la réar­ti­cu­ler autour de la mater­ni­té, par l’entremise du per­son­nage de Myriam. Cette der­nière se livre à Chloé, relate le départ pré­vu de son vil­lage natal pour com­plé­ter ses études et la gros­sesse inat­ten­due qui est venue bou­le­ver­ser ce plan. Elle lui raconte le désar­roi ayant accom­pa­gné son sen­ti­ment pro­fond d’inaptitude après la nais­sance, qui l’a menée à vou­loir simu­ler le syn­drome de la mort subite du nour­ris­son en l’étouffant. À l’instar de Tra­vis, qui raconte son che­mi­ne­ment à la troi­sième per­sonne et avec déta­che­ment, Chloé demeure stoïque (à l’exception de quelques larmes ver­sées en silence) : elle fera sou­vent réfé­rence à elle-même à la troi­sième per­sonne. Par exemple, lorsque Myriam lui demande ce qu’elle sait, elle lui répond : « je sais que tu es ma mère, je sais que tu avais 18 ans quand tu m’as eue. Puis je sais ce qui s’est pas­sé à l’hôpital, quand tu as essayé d’étouffer ton bébé ». Ce dia­logue fait écho à une conver­sa­tion pré­cé­dente, où Lau­rie rap­pelle à Chloé que Myriam « a essayé de [la] tuer », ce à quoi Chloé répond : « elle a essayé de tuer son bébé ». Cette dis­so­cia­tion peut paraître éton­nante, mais elle est en phase avec la quête iden­ti­taire du personnage.

Le fil conduc­teur de la conver­sa­tion télé­pho­nique, scène cru­ciale du film, se situe dans la quête des ori­gines — une thé­ma­tique pré­sente dans Les Bons Débar­ras —, mais aus­si dans le dévoi­le­ment de la construc­tion de la sub­jec­ti­vi­té et de la filia­tion, qui per­met de tis­ser des liens plus appro­fon­dis entre Tadous­sac et la ques­tion du mythe fon­da­teur de l’ordre sym­bo­lique. D’un point de vue psy­cha­na­ly­tique, la sub­jec­ti­vi­té repose sur la place occu­pée par l’individu au sein de la logique du désir, ain­si que dans la struc­ture sym­bo­lique qui entre­tient le manque géné­ra­teur dudit désir. Autre­ment for­mu­lé, « le désir du sujet par­lant est le désir de l’Autre. S’il se consti­tue à par­tir de lui, il est un manque arti­cu­lé dans la parole et le lan­gage » (Che­ma­ma et Van­der­mersch, p. 92). Le sujet est donc conçu comme le pro­duit de l’inscription de l’individu dans l’ordre sym­bo­lique. Le désir émerge en lien avec l’idée, fon­dée dans l’enfance, selon laquelle l’Autre attend quelque chose du sujet. Lacan illustre cet aspect énig­ma­tique du désir (qui est tou­jours le désir de l’Autre) par la ques­tion « che vuoi? », qui signi­fie « que veux-tu? » en ita­lien; c’est l’absence de réponse à cette ques­tion qui illustre la genèse du désir. Comme Joël Dor le note,

[l]e « che vuoi? » inau­gure donc la ques­tion la plus fon­da­men­tale que le sujet ren­contre à l’endroit de toute réa­li­sa­tion de son désir. Mais à se sou­te­nir de ce « que veux-tu? » le pro­cès d’une telle réa­li­sa­tion de désir ne peut d’abord que lais­ser le sujet sans recours, tant la pré­sence pri­mi­tive du désir de l’Autre lui est « opaque et obs­cure » (Lacan). (Dor, p. 239)

Dans la mesure où l’apparition du désir (et du lan­gage qui le sous-tend) demeure un élé­ment fon­da­teur de la sub­jec­ti­vi­té, il est pos­sible d’assimiler le mythe fon­da­teur à une forme de réponse fan­tas­mée à « che vuoi? ». Le mythe fon­da­teur pro­cure une réponse au désir de l’Autre : il pré­sente une expli­ca­tion à l’énigme fon­da­men­tale de l’existence; il donne un sens à l’ordre sym­bo­lique en com­blant l’abysse géné­ré par le désir.

La quête iden­ti­taire de Chloé dans Tadous­sac se heurte au gouffre du désir de l’Autre à tra­vers la conver­sa­tion télé­pho­nique avec Myriam. Au début de la conver­sa­tion, Chloé exprime son désir de poser des ques­tions à Myriam, ce à quoi cette der­nière répond en affir­mant qu’elle ne croit pas que ce soit une bonne idée. Le motif de l’appel émerge à ce moment, lorsque Chloé lui dit qu’elle veut sim­ple­ment par­ler : en lui deman­dant à plu­sieurs reprises de ne pas rac­cro­cher, elle signi­fie à Myriam son sou­hait de réta­blir un lien rom­pu il y a bien long­temps — un lien qui, ulti­me­ment, n’a jamais exis­té. Après s’être ins­tal­lée sur un lit pour affron­ter la conver­sa­tion en deve­nir, Myriam inter­roge Chloé à pro­pos de ce qu’elle sait. Consta­tant que cette der­nière sait tout de son his­toire, elle lui demande « câlisse, mais qu’est-ce que tu veux savoir? », ce à quoi Chloé répond qu’elle veut savoir pour­quoi c’est arri­vé. La conver­sa­tion se déploie alors autour du gouffre qui sépare leur façon d’entrevoir leur lien de filia­tion. Toutes deux s’adressent mutuel­le­ment une forme de « che vuoi? » : Myriam, qui pose lit­té­ra­le­ment cette ques­tion à plu­sieurs reprises (« qu’est-ce que tu veux? »), cherche à com­prendre le désir qui a ame­né Chloé à la retrou­ver; Chloé, en cher­chant pour sa part une réponse au « pour­quoi », pose indi­rec­te­ment la ques­tion « qu’est-ce que tu aurais vou­lu? » D’un côté, la fille cherche à com­prendre sa genèse, son ori­gine, et l’absence du désir de sa mère pour elle; de l’autre, la mère relate l’absence de ce désir et son inca­pa­ci­té mater­nelle (« je t’ai tenue dans mes bras, tu étais toute petite. […] Moi aus­si je me sen­tais vrai­ment petite; j’avais l’impression que tu étais plus grande que moi. Je te regar­dais puis je ne savais pas quoi faire. »). À tra­vers cette conver­sa­tion, c’est l’abysse du désir de l’Autre (enfant ou mère) qui génère l’impasse de la mater­ni­té dans Tadous­sac. Fait à la fois rare et signi­fi­ca­tif, le film donne le droit à la mère de poser la même ques­tion fon­da­trice : « che vuoi? ».

La psy­cha­na­lyse s’attarde au mythe fon­da­teur du point de vue du sujet œdi­pien : la genèse du sujet est géné­ra­le­ment conçue à tra­vers la pers­pec­tive d’Œdipe, dont l’histoire demeure le mythe fon­da­teur de la Loi, de l’interdit de l’inceste, de l’exogamie et de tout ce qui découle du désir et des rela­tions inter­sub­jec­tives s’inscrivant dans l’ordre sym­bo­lique. Laroche change quelque peu cette pers­pec­tive en révé­lant le gouffre du désir de Jocaste; dans le scé­na­rio de Tadous­sac, la mère est elle aus­si assu­jet­tie au « che vuoi? ». Le film de Laroche s’inscrit dans un dis­cours fémi­niste qui cherche à révé­ler l’impasse de la mater­ni­té telle qu’elle est conçue au sein d’une culture patriar­cale qui réduit tout ce qui a trait à la repro­duc­tion à l’abject et qui, ce fai­sant, tend à défi­nir le désir de la mère en l’articulant à sa propre logique. Comme nous l’avons vu, Les Bons Débar­ras pro­po­sait une réécri­ture éman­ci­pa­toire des rap­ports gen­rés tels qu’ils se fondent sur le mythe fon­da­teur œdi­pien. De son côté, Tadous­sac ouvre une nou­velle brèche grâce sa repré­sen­ta­tion du désir mater­nel, qui fait écho à l’abysse du désir du sujet œdi­pien. Avec son scé­na­rio sobre, ses cadrages inti­mistes et sa trame sonore dépour­vue de dis­trac­tions (notam­ment musi­cales), Tadous­sac semble pour­suivre le même objec­tif que Les Bons Débar­ras. Refu­sant de défi­nir la fémi­ni­té et la mater­ni­té à tra­vers une logique de signi­fi­ca­tion patriar­cale, Laroche dépouille la rela­tion mère-fille de toute forme de conta­mi­na­tion exté­rieure — sur­tout mas­cu­line. Nous sommes plon­gés dans un « che vuoi? » fémi­nin, un désir bidi­rec­tion­nel qui ins­crit au cœur du film une réflexion radi­cale : la néces­si­té de sor­tir la mater­ni­té des dis­cours fon­dés dans le Nom-du-Père. Pour ce faire, il faut néces­sai­re­ment repen­ser l’articulation du mythe fon­da­teur œdipien.

Les films étu­diés ici s’inscrivent donc dans une ten­dance qui, si elle reste mineure au sein de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique qué­bé­coise dans son ensemble, demeure cru­ciale. Car mal­gré les quatre décen­nies qui les séparent, Les Bons Débar­ras et Tadous­sac posent des ques­tions de fond sur la mater­ni­té et le mythe fon­da­teur qui étaye sa repré­sen­ta­tion cultu­relle; aus­si s’agit-il de films scé­na­ri­sés et réa­li­sés par des hommes convain­cus de l’importance de réécrire les rôles gen­rés dans le but de pro­cé­der à un chan­ge­ment de para­digme. Tout comme le film de Man­kie­wicz, le film de Laroche décons­truit une facette du mythe fon­da­teur qui sous-tend la mater­ni­té afin de révé­ler ce mythe comme un leurre. Dans cette veine, Tadous­sac semble faire suite aux Bons Débar­ras. À l’instar du Qué­bec de l’après-Révolution tran­quille dans le film de Man­kie­wicz, le Qué­bec contem­po­rain du film de Laroche se trouve dans une crise iden­ti­taire — on le voit lors d’un sou­per chez Myriam, où la conver­sa­tion tourne autour du débat sur l’intégration des nou­veaux arri­vants et de l’insidieuse ques­tion de l’Autre telle qu’elle se mani­feste dans le débat sur les « accom­mo­de­ments rai­son­nables ». Le film évite ce débat, pré­fé­rant s’attarder à une pro­blé­ma­tique iden­ti­taire beau­coup plus intime. À tra­vers les réflexions qu’ils pro­posent sur la mater­ni­té et la filia­tion mère-fille, les films étu­diés ici sortent de leur contexte de pro­duc­tion pour se plon­ger dans quelque chose d’infiniment plus pri­mor­dial. Il en res­sort des ques­tion­ne­ments ciné­ma­to­gra­phiques essen­tiels sur la place du 7e art dans l’articulation du mythe fon­da­teur, ain­si que sur la place de la fémi­ni­té au sein de ce mythe.


Notes

  1. L’importance de la famille dans la déter­mi­na­tion des inter­ac­tions sociales du sujet est pré­sente dans la pen­sée de Freud, certes, mais elle l’est éga­le­ment dans la pen­sée de théo­ri­ciens et psy­cha­na­lystes contem­po­rains qui s’inscrivent dans le sillon de la pen­sée de Jacques Lacan. Voir par exemple Aula­gnier (1975) et Kris­te­va (1980).
  2. Dans « Visual Plea­sure and Nar­ra­tive Cine­ma », Mul­vey pré­sente un argu­men­taire pui­sant dans la pen­sée psy­cha­na­ly­tique afin de démon­trer que la mas­cu­li­ni­té connote géné­ra­le­ment l’action au sein du ciné­ma nar­ra­tif popu­laire, alors que la fémi­ni­té connote « l’appel au regard ». Texte fon­da­teur pour une pen­sée fémi­niste du ciné­ma, cet article sus­cite de vifs débats depuis plus de quatre décen­nies. Pour plus de détails sur la contri­bu­tion du Mul­vey au débat fémi­niste dans la théo­rie du ciné­ma, voir Chaud­hu­ri (2006), Merck (2007) et Willis (2018).
  3. Voir Jac­que­line Rose (1986), Eli­za­beth Cowie (1997), Joan Cop­jec (1994) et Claire Johns­ton (2000).
  4. Voir Mary Ann Doane (1992) et E. Ann Kaplan (1997 et 2000).
  5. Voir Tere­sa de Lau­re­tis (1987) et Carol Clo­ver (1993).
  6. L’apport de la psy­cha­na­lyse pour la théo­rie du ciné­ma, qui s’est ame­nui­sé au cours des années 1980, se trouve de nou­veau légi­ti­mé depuis la fin des années 1990, notam­ment à tra­vers une relec­ture de cer­tains concepts laca­niens. Les ouvrages sui­vants pré­sentent une pers­pec­tive inclu­sive de la pen­sée psy­cha­na­ly­tique contem­po­raine telle qu’elle s’intègre dans les études ciné­ma­to­gra­phiques et cultu­relles, ain­si que dans l’approche fémi­niste du ciné­ma; ils pro­posent un appro­fon­dis­se­ment de ce cor­pus qui demeure impos­sible ici : Cowie (1997), Flis­fe­der (2012), McGo­wan (2004 et 2007) et Žižek (1989, 1992, 2001, 2006).
  7. Notons qu’il s’agit du seul moment dans le film où Ti-Guy est actif et tra­vaille, ce qui rend plau­sible de voir en lui une figure pater­nelle dans cette séquence.
  8. Pro­pos recueillis lors d’une pro­jec­tion spé­ciale de Tadous­sac, sui­vie d’une période d’échange avec les étu­diants, à l’Université du Qué­bec en Abi­ti­bi-Témis­ca­mingue, le 2 avril 2018. Dans le dos­sier de presse du film, Laroche ajoute que, s’il sou­haite trai­ter de pro­blé­ma­tiques fémi­nines, c’est qu’il consi­dère que « l’évolution du sta­tut des femmes dans nos socié­tés est l’une des his­toires les plus riches de notre pas­sé récent. »
  9. On retrouve des réflexions ciné­ma­to­gra­phiques notoires sur la fémi­ni­té et l’abject dans les films Alien (Rid­ley Scott, 1979) et 3 Women (Robert Alt­man, 1977). Plus récem­ment, le film Teeth (Mit­chell Lich­ten­stein, 2007) pro­pose une satire éton­nante de cette ques­tion.
  10. Dans une séquence où il tente tant bien que mal de réin­té­grer sa pater­ni­té, Tra­vis a une conver­sa­tion fort élo­quente avec la domes­tique tra­vaillant chez son frère Walt. Alors qu’il feuillette des revues, elle lui demande ce qu’il cherche, ce à quoi il répon­dra qu’il cherche « le » père (« I’m loo­king for “the” father »). À elle seule, cette conver­sa­tion trans­met l’idée selon laquelle la pater­ni­té est un rôle sym­bo­lique auquel l’adhésion entière est impos­sible.

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Notice biographique

Louis-Paul Willis est pro­fes­seur d’études ciné­ma­to­gra­phiques et média­tiques à l’UQAT et membre régu­lier du centre de recherche Figu­ra (UQAM). Ses inté­rêts de recherche portent sur les théo­ries de la récep­tion, la nar­ra­to­lo­gie, le fémi­nisme et la psy­cha­na­lyse. Il a notam­ment codi­ri­gé l’ouvrage col­lec­tif Žižek and Media Stu­dies : A Rea­der, ain­si que des numé­ros thé­ma­tiques pour les revues Écra­no­sphère et CiNé­MAS. Il a éga­le­ment contri­bué à de nom­breux articles au sein de revues aca­dé­miques et d’ouvrages collectifs.