Dos­sier sous la direc­tion de Tho­mas Car­rier-Lafleur (Uni­ver­si­té de Mont­réal)
et Bap­tiste Creps (Uni­ver­si­té de Montréal)

Dans son essai Le roman sans aven­ture (2015), Isa­belle Dau­nais relève une oppo­si­tion entre le rayon­ne­ment inter­na­tio­nal des arts du spec­tacle qué­bé­cois et celui, moindre, des arts de la pro­vince dits « majeurs » :

L’un des traits les plus frap­pants de la pro­duc­tion artis­tique qué­bé­coise, mais sur lequel, curieu­se­ment, per­sonne ne s’est jamais pen­ché́, est la dis­tinc­tion très nette que connaissent dans leur rayon­ne­ment les arts « majeurs » que sont la lit­té­ra­ture, la pein­ture, la musique, l’architecture, la phi­lo­so­phie d’un côté, et, de l’autre, les arts du spec­tacle que sont la chan­son, le cirque, la scé­no­gra­phie. Alors que les pro­duc­tions des arts du spec­tacle cir­culent avec suc­cès sur toutes les scènes de la pla­nète et qu’elles sont recon­nues comme par­fai­te­ment en phase avec leur domaine (si elles n’en sont pas les modèles), les œuvres des arts majeurs ne sont pra­ti­que­ment d’aucune inci­dence, ne sont consi­dé­rées impor­tantes ou mar­quantes par per­sonne au sein de ce qu’on peut appe­ler avec Milan Kun­de­ra le « grand contexte » ou le contexte supra­na­tio­nal de ces arts1.

Ce constat, que d’aucuns pour­raient juger polé­mique, sou­ligne avec jus­tesse l’éclat moderne du monde du spec­tacle qué­bé­cois. Il encou­rage éga­le­ment à inter­ro­ger la vita­li­té et l’impact de l’un de ces arts dits « majeurs », d’abord au Qué­bec, mais aus­si et sur­tout à l’étranger, soit celui du ciné­ma qué­bé­cois contemporain.

Dans un article inti­tu­lé « Le “renou­veau” du ciné­ma qué­bé­cois » (2005), Chris­tian Poi­rier se prê­tait déjà à cet exer­cice et met­tait en exergue le carac­tère inédit du suc­cès inter­na­tio­nal cri­tique, public et aca­dé­mique du ciné­ma qué­bé­cois du début des années 2000 tel qu’incarné par des figures comme Denys Arcand, Charles Bina­mé, Louis Bélan­ger ou Jean-Fran­çois Pou­liot2. Dans un texte publié en 2010 aux Cahiers du ciné­ma, Jean-Pierre Sirois-Tra­han esti­mait quant à lui que, après des années de disette, le ciné­ma qué­bé­cois retrou­vait enfin l’estime inter­na­tio­nale qu’il avait per­due depuis près de qua­rante ans grâce à une nou­velle géné­ra­tion de cinéastes :

Avec le suc­cès de Xavier Dolan à Cannes et celui de Denis Côté à Locar­no, c’est toute une géné­ra­tion de cinéastes qui arrivent en pleine lumière. À ces fortes têtes, il faut ajou­ter Maxime Giroux, Sophie Deraspe, Myriam Ver­reault, Hen­ry Ber­na­det, Sté­phane Lafleur et Rafaël Ouel­let. Sur la scène inter­na­tio­nale où ils cumulent les prix, on n’avait pas vu pareille éclo­sion depuis la géné­ra­tion des années [19]60 (Claude Jutra, Gilles Groulx, Michel Brault, Jean Pierre Lefebvre et Gilles Carle, géné­ra­tion injus­te­ment relé­guée aux oubliettes des « ciné­mas natio­naux »)3.

En 2011, lors d’une table ronde réunis­sant des cri­tiques et des uni­ver­si­taires, on ten­ta alors de défi­nir la « nou­velle vague » de cinéastes dési­gnée par Sirois-Tra­han. Côté et Dolan furent à nou­veau men­tion­nés à titre de figure de proue aux côtés d’un troi­sième cinéaste, dont le style ciné­ma­to­gra­phique est pour­tant éloi­gné des leurs : « Cette répu­ta­tion gran­dis­sante de notre ciné­ma, si elle découle de la belle récep­tion qu’ont eue de nom­breuses œuvres, demeure pour l’instant fon­dée sur les suc­cès inédits de Xavier Dolan et de Denis Côté, aux­quels il faut désor­mais ajou­ter Denis Vil­le­neuve, cinéastes de trois géné­ra­tions dif­fé­rentes, aux méthodes et aux sen­si­bi­li­tés aus­si très dif­fé­rentes4. »

Aujourd’hui, il y a fort à parier qu’un exa­men, même rapide, de la situa­tion per­met­trait de confir­mer que les hypo­thèses de « renou­veau » ou de « Nou­velle Vague » du ciné­ma qué­bé­cois qui tarau­daient les cri­tiques et les uni­ver­si­taires à la fin des années 2000 étaient fon­dées. Au cours de la décen­nie 2010, le ciné­ma qué­bé­cois a séduit hors de ses fron­tières comme rare­ment aupa­ra­vant. Des cinéastes tels que ceux cités préa­la­ble­ment, aux­quels s’ajoutent, entre autres, Phi­lippe Falar­deau, Ken Scott, Kim Nguyen ou Jean-Marc Val­lée, ont ren­con­tré un suc­cès inter­na­tio­nal plus impor­tant encore que celui de leurs pré­dé­ces­seurs et atti­ré l’attention de l’ogre hol­ly­woo­dien. Les cinéastes qué­bé­cois, recon­nus pour leurs pro­jets inti­mistes, de ciné­ma de genre, de ciné­ma à grand spec­tacle aus­si bien que pour leurs séries télé­vi­sées, semblent désor­mais être au cœur de la mode hollywoodienne.

C’est sans doute le suc­cès inter­na­tio­nal et aca­dé­mique d’Incen­dies (Denis Vil­le­neuve, 2010) qui a ouvert la porte d’Hollywood à cette géné­ra­tion de cinéastes, avant le Mon­sieur Laz­har de Phi­lippe Falar­deau sor­ti un an plus tard. Tan­dis que les films de ces artistes sont régu­liè­re­ment dis­tin­gués aux Oscars et aux Gol­den Globes, la Hol­ly­wood Cri­tics Asso­cia­tion a élu Denis Vil­le­neuve « cinéaste de la décen­nie » et salué ses films Pri­so­ners (2013), Sica­rio (2015), Arri­val (2016) et Blade Run­ner 2049 (2017), qui sont autant de suc­cès hol­ly­woo­diens. Un cinéaste comme Jean-Marc Val­lée imprime quant à lui son style aus­si bien au ciné­ma, avec des films comme The Young Vic­to­ria (2009), Dal­las Buyers Club (2013), Wild (2014) ou Demo­li­tion (2015), qu’à la télé­vi­sion, avec les séries de la chaîne HBO Big Lit­tle Lies (2017) et Sharp Objects (2018). Comme c’est le cas pour Vil­le­neuve, le style visuel du cinéaste influe sur ses pro­duc­tions et s’impose comme un modèle pour le grand contexte hol­ly­woo­dien5. Autre point com­mun entre ces deux cinéastes : ils ont tous les deux la capa­ci­té de tour­ner des pro­duc­tions dont le cachet artis­tique sub­jugue et qui paraissent gran­dioses avec, sou­vent, un bud­get assez faible pour la norme hol­ly­woo­dienne, ce qui est géné­ra­le­ment vrai, aus­si, pour l’ensemble de la géné­ra­tion de cinéastes adu­lés à l’international dont nous venons de défi­nir les contours.

Cet engoue­ment d’Hollywood pour le ciné­ma qué­bé­cois est-il propre à la période qui s’ouvre à la fin des années 2000 ? Pour répondre à cette ques­tion, il paraît néces­saire d’étudier plus en pro­fon­deur l’histoire du rap­port entre l’univers hol­ly­woo­dien et la sphère artis­tique qué­bé­coise. Hol­ly­wood attire aujourd’hui de nom­breux talents qué­bé­cois au sein de son indus­trie. En témoigne, outre les cas des cinéastes nom­més pré­cé­dem­ment, la migra­tion de talents aus­si diver­si­fiés que ceux du chef déco­ra­teur Patrice Ver­mette, de la cos­tu­mière Renée April, de la colo­riste Maxine Ger­vais, du réa­li­sa­teur et cadreur Ste­phen Cam­pa­nel­li, du direc­teur de la pho­to­gra­phie Yves Bélan­ger, du pro­duc­teur Roger Frap­pier ou encore de l’actrice Sophie Nélisse. Si l’ampleur actuelle de ce mou­ve­ment vers « Tin­sel­town » semble assez inédite, le départ d’artistes qué­bé­cois vers Hol­ly­wood n’est pas pour autant une nou­veau­té et trouve de nom­breux pré­cé­dents. Citons par exemple le cas du réa­li­sa­teur Mack Sen­nett, un Qué­bé­cois de nais­sance qui démé­na­gea à Hol­ly­wood tout en conser­vant des attaches fami­liales au Qué­bec après y avoir pas­sé l’essentiel de sa jeu­nesse. Il en va de même pour deux autres talents de l’ère muette et de l’âge d’or d’Hollywood, l’actrice Nor­ma Shea­rer et son frère Dou­glas, un célèbre spé­cia­liste des effets spé­ciaux et de la recherche sonore ayant notam­ment œuvré une grande par­tie de sa car­rière à la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM). Les Shea­rer firent en effet la tran­si­tion Mont­réal-Hol­ly­wood (avec une escale à New York pour Nor­ma). Pau­line Garon, Gene­viève Bujold, Suzanne Clou­tier, Fifi D’Orsay sont autant d’actrices qué­bé­coises qui tra­ver­sèrent, non sans suc­cès, l’histoire hol­ly­woo­dienne. Du côté des acteurs, le Qué­bé­cois fran­co­phone Hen­ri Leton­dal y ren­con­tra le suc­cès et le Qué­bé­cois anglo­phone Glenn Ford devint une star notoire du ciné­ma hol­ly­woo­dien clas­sique. C’est dire l’influence durable de cer­tains artistes du Qué­bec sur l’industrie hollywoodienne.

Est-il pos­sible, dès lors, d’établir une généa­lo­gie du phé­no­mène qué­bé­cois à Hol­ly­wood, des bal­bu­tie­ments de la « Mecque du ciné­ma » jusqu’au rayon­ne­ment des artistes contem­po­rains ? Et que dire de l’attrait exer­cé par le Qué­bec sur le ciné­ma hol­ly­woo­dien6, par exemple dans un film comme Agnès de Dieu (Nor­man Jewi­son, 1985), dans lequel Jane Fon­da enquête à Mont­réal au sein du couvent des Petites Sœurs de Marie Made­leine ? Les films amé­ri­cains qui déve­loppent leur intrigue au Qué­bec ou qui per­mettent la ren­contre entre stars hol­ly­woo­diennes et acteurs.trices québécois.e.s sur les écrans témoignent d’un fort inté­rêt pour la pro­vince qui mérite, lui aus­si, d’être mis en pers­pec­tive. Ain­si, bien que l’ère moderne nous incite à nous pen­cher de prime abord sur le phé­no­mène qué­bé­cois à Hol­ly­wood, il nous semble per­ti­nent de vou­loir dres­ser une généa­lo­gie des trans­ferts cultu­rels entre Hol­ly­wood et le Qué­bec.

À cet égard, Nou­velles Vues sol­li­cite pour son numé­ro thé­ma­tique « Trans­ferts cultu­rels : Hol­ly­wood-Qué­bec » des articles trai­tant des thé­ma­tiques évo­quées pré­cé­dem­ment. Toute pro­po­si­tion qui pour­rait offrir de nou­velles pers­pec­tives sur les col­la­bo­ra­tions qué­bé­co-hol­ly­woo­diennes est éga­le­ment encou­ra­gée. Les pro­po­si­tions pour­raient trai­ter plus spécifiquement :

  • des artistes qué­bé­cois œuvrant à Hollywood ;
  • des artistes amé­ri­cains ayant œuvré au Québec ;
  • des films qué­bé­cois trai­tant d’Hollywood ;
  • des films hol­ly­woo­diens embras­sant une thé­ma­tique québécoise ;
  • de l’histoire des col­la­bo­ra­tions québéco-hollywoodiennes.

Les pro­po­si­tions d’article devront conte­nir un titre, une brève notice bio­bi­blio­gra­phique, de même qu’un résu­mé d’un maxi­mum de 500 mots. Ce résu­mé devra cir­cons­crire un cor­pus et mettre en avant une hypo­thèse de tra­vail sui­vant l’un des angles ou sujets men­tion­nés. Le tout devra être envoyé aux trois adresses sui­vantes : nouvellesvues.qc@gmail.com, thomas.carrier-lafleur@umontreal.ca et baptiste.creps@umontreal.ca au plus tard le 31 jan­vier 2024. Les auteurs.trices des pro­po­si­tions rete­nues seront invité.e.s à sou­mettre un article rédi­gé en fran­çais ou en anglais et com­por­tant entre 45 000 et 60 000 carac­tères, espaces com­prises, au plus tard le 1er juillet 2024. Les articles seront sou­mis à un pro­ces­sus d’évaluation par les pairs en double aveugle et leur publi­ca­tion sera condi­tion­nelle à leur accep­ta­tion par au moins deux évaluations.

Notices bio­bi­blio­gra­phiques

Bap­tiste Creps est cher­cheur post­doc­to­ral à l’Université de Mont­réal. Il est notam­ment spé­cia­li­sé dans l’histoire des formes hol­ly­woo­diennes. Il est l’auteur d’une thèse inti­tu­lée Nais­sance d’un néo­clas­si­cisme hol­ly­woo­dien (2021) et d’articles scien­ti­fiques qui sont les résul­tats de recherches trans­ver­sales entre le ciné­ma, l’histoire de l’art, la musique, l’histoire du jeu vidéo et celle des nou­velles tech­no­lo­gies. Il œuvre actuel­le­ment à la rédac­tion d’un ouvrage consa­cré au cinéaste Jean-Marc Val­lée dont il est le co-auteur avec Tho­mas Carrier-Lafleur.

Tho­mas Car­rier-Lafleur est char­gé de cours à l’Université Concor­dia et à l’Université de Mont­réal, où il occupe aus­si le poste de direc­teur adjoint du Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias. Dans une pers­pec­tive inter­mé­diale qui étu­die les pro­ces­sus de trans­po­si­tion écra­nique des textes lit­té­raires, ses recherches portent sur les lit­té­ra­tures fran­çaise et qué­bé­coise ain­si que sur le ciné­ma qué­bé­cois. Il est notam­ment l’auteur de Voir dis­pa­raître : une lec­ture du ciné­ma de Sébas­tien Pilote (L’Instant même, 2021) ; Pro­jec­tions croi­sées : dia­logues sur la lit­té­ra­ture, le ciné­ma et la créa­tion avec Andrée A. Michaud et Simon Dumas (Figu­ra, 2021) ; Il s’est écar­té : enquête sur la mort de Fran­çois Para­dis (Nota bene, 2019 ; avec David Bélan­ger) ; et de L’œil ciné­ma­to­gra­phique de Proust (Clas­siques Gar­nier, 2016). Il est éga­le­ment codi­rec­teur de Nou­velles Vues : revue sur les pra­tiques, les théo­ries et l’histoire du ciné­ma au Qué­bec.


[1] Isa­belle Dau­nais, Le roman sans aven­ture (Mont­réal : Les Édi­tions du Boréal, 2015) : 7.

[2] Chris­tian Poi­rier, « Le “renou­veau” du ciné­ma qué­bé­cois », Cités 23.3 (2005) : 165–182.

[3] Jean-Pierre Sirois-Tra­han, « La mou­vée et son dehors : renou­veau du ciné­ma qué­bé­cois », Cahiers du ciné­ma,no 660 (octobre 2010) : 76.

[4] Mar­tin Bilo­deau, Bru­no Dequen, Phi­lippe Gajan, Ger­main Lacasse, Syl­vain Laval­lée, Marie-Claude Loi­selle et Jean-Pierre Sirois-Tra­han, « Table ronde : le renou­veau du ciné­ma d’auteur qué­bé­cois », 24 images no 152 (2011) : 14–22.

[5] Lorsque la cinéaste bri­tan­nique Andrea Arnold reprit la réa­li­sa­tion des épi­sodes de la deuxième sai­son de Big Lit­tle Lies, cette influence eut des consé­quences néfastes sur la liber­té artis­tique de la réa­li­sa­trice. Les pro­duc­teurs de la série n’hésitèrent pas à court-cir­cui­ter le style d’Arnold en post­pro­duc­tion afin d’imiter l’esthétique et le mon­tage que Val­lée avait mis au point pour la pre­mière sai­son, ce qui sus­ci­ta un vent de mécon­ten­te­ment dans la com­mu­nau­té ciné­ma­to­gra­phique. Le mot-clic « #Relea­se­TheAr­nold­Cut » mit au jour l’injustice, gen­rée ou sim­ple­ment oppo­sée au prin­cipe de liber­té artis­tique, subie par la cinéaste bri­tan­nique. Au sujet de cette contro­verse, voir Aisha Vic­to­ria Deeb, « #Relea­se­TheAr­nold­Cut is tren­ding after female Direc­tor of Big Lit­tle Lies was side­li­ned », Mashable (15 juillet 2019), https://me.mashable.com/culture/6102/releasethearnoldcut-is-trending-after-female-director-of-big-little-lies-was-sidelined.

[6] Le numé­ro « Ciné­ma qué­bé­cois et États-Unis » (1997) de la revue Ciné­mas, qui por­tait sur l’histoire des liens entre le ciné­ma qué­bé­cois et les États-Unis, a déjà quelque peu déblayé cette ques­tion. Voir Louise Car­rière (dir.), « Ciné­ma qué­bé­cois et États-Unis », Ciné­mas 7.3 (1997), https://www.erudit.org/fr/revues/cine/1997-v7-n3-cine1500366/ (consul­té le 25 octobre 2022).


Under the direc­tion of Tho­mas Car­rier-Lafleur (Uni­ver­si­té de Mont­réal) and Bap­tiste Creps (Uni­ver­si­té de Montréal)

In her essay Le roman sans aven­ture (“The Novel without Adven­ture,” 2015), Isa­belle Dau­nais notes the contrast bet­ween the inter­na­tio­nal visi­bi­li­ty of Que­bec per­for­ming arts and the les­ser visi­bi­li­ty of the province’s so-cal­led “major” art forms:

One of the most stri­king fea­tures of Quebec’s artis­tic pro­duc­tion, about which, curious­ly, no one has ever writ­ten, is the very clear dif­fe­rence appa­rent in the visi­bi­li­ty of the “major” arts – lite­ra­ture, pain­ting, music, archi­tec­ture and phi­lo­so­phy – on the one hand, and the per­for­ming arts – popu­lar song, the cir­cus, set desi­gn – on the other. While per­for­ming arts pro­duc­tions appear suc­cess­ful­ly on eve­ry stage on the pla­net and are reco­gni­zed as com­ple­te­ly in tune with their field (when they are not seen as models), works in the major arts have prac­ti­cal­ly no impact and are not seen as impor­tant or note­wor­thy by anyone in what Milan Kun­de­ra cal­led the “great context,” or the supra­na­tio­nal context of these arts.1

This obser­va­tion, which some might see as pole­mi­cal, apt­ly high­lights the modern-day lustre of Quebec’s per­for­ming arts. It also encou­rages us to think about the vita­li­ty and impact of one of these so-cal­led “major” arts, first of all within Que­bec but also and espe­cial­ly abroad: contem­po­ra­ry Que­bec cinema.

In an article entit­led “Le ‘renou­veau’ du ciné­ma qué­bé­cois” (“The ‘Rene­wal’ of Que­bec Cine­ma,” 2015), Chris­tian Poi­rier alrea­dy took up this exer­cise and high­ligh­ted the unu­sual nature of the cri­ti­cal, public and aca­de­mic suc­cess of Que­bec cine­ma in the ear­ly 2000s, as seen in the work of figures such as Denys Arcand, Charles Bina­mé, Louis Bélan­ger and Jean-Fran­çois Pou­liot.2 In a text publi­shed in Cahiers du ciné­ma in 2010, Jean-Pierre Sirois-Tra­han, for his part, esti­ma­ted that after years of famine, Que­bec cine­ma, thanks to a new gene­ra­tion of film­ma­kers, was final­ly reco­ve­ring the inter­na­tio­nal favour it had lost for near­ly for­ty years:

With the suc­cess of Xavier Dolan at Cannes and that of Denis Côté in Locar­no, a whole gene­ra­tion of film­ma­kers is coming into focus. Along­side these strong-min­ded figures we must add Maxime Giroux, Sophie Deraspe, Myriam Ver­reault, Hen­ry Ber­na­det, Sté­phane Lafleur and Rafaël Ouel­let. Inter­na­tio­nal­ly, where their awards pile up, we have not seen such a blos­so­ming since the 60s (Claude Jutra, Gilles Groulx, Michel Brault, Jean Pierre Lefebvre and Gilles Carle, a gene­ra­tion unjust­ly rele­ga­ted to the obs­cu­ri­ty of “natio­nal cine­mas”).3

In a panel dis­cus­sion in 2011, film cri­tics and pro­fes­sors tried to define this “new wave” of film­ma­kers des­cri­bed by Sirois-Tra­han. Côté and Dolan were men­tio­ned again as this wave’s lea­ding lights, along­side a third film­ma­ker whose style is never­the­less far remo­ved from theirs: “This gro­wing repu­ta­tion of our cine­ma, while it derives from the fine recep­tion many films have had, remains for the moment based on the hither­to unseen suc­cess of Xavier Dolan and Denis Côté, to whose names we must now add that of Denis Vil­le­neuve: three dif­ferent gene­ra­tions of film­ma­kers whose methods and sen­si­bi­li­ties are also very dis­si­mi­lar.”4

Today, it is high­ly like that even a quick ana­ly­sis of the situa­tion would confirm that the hypo­theses around the “rene­wal” and “New Wave” of Que­bec cine­ma which were on the minds of film cri­tics and pro­fes­sors in the late 2000s were well-foun­ded. In the 2010s, Que­bec cine­ma char­med audiences beyond its bor­ders as it had rare­ly done before. Film­ma­kers inclu­ding those men­tio­ned above, to whom must be added, among others, Phi­lippe Falar­deau, Ken Scott, Kim Nguyen and Jean-Marc Val­lée, met with even grea­ter inter­na­tio­nal suc­cess than that of their pre­de­ces­sors, dra­wing the atten­tion of the Hol­ly­wood ogre. Que­bec film­ma­kers, known for their inti­mist pro­jects, genre films and spec­ta­cu­lar cine­ma, and just as much for their tele­vi­sion series, now appea­red to be at the centre of Hol­ly­wood fashion.

No doubt the inter­na­tio­nal and aca­de­mic suc­cess of Incen­dies (Denis Vil­le­neuve, 2010) ope­ned the door to Hol­ly­wood for this gene­ra­tion of film­ma­kers, before Phi­lippe Falardeau’s Mon­sieur Laz­har, relea­sed a year later. Films by these artists are regu­lar­ly honou­red at the Oscars and the Gol­den Globes, while the Hol­ly­wood Cri­tics Asso­cia­tion named Denis Vil­le­neuve “film­ma­ker of the decade” and paid tri­bute to his films Pri­so­ners (2013), Sica­rio (2015), Arri­val (2016) and Blade Run­ner 2049 (2017), each a Hol­ly­wood suc­cess. A film­ma­ker like Jean-Marc Val­lée, for his part, stamps his style on his cine­ma, with films such as The Young Vic­to­ria (2009), Dal­las Buyers Club (2013), Wild (2014) and Demo­li­tion (2015), and on his work in tele­vi­sion, with the HBO series Big Lit­tle Lies (2017) and Sharp Objects (2018). As with Vil­le­neuve, Vallée’s style imbues his work and esta­bli­shed itself as a model for the broad Hol­ly­wood context.5 Ano­ther point in com­mon bet­ween these two film­ma­kers: they both have the abi­li­ty to make films whose artis­tic stamp domi­nates and which have a spec­ta­cu­lar qua­li­ty, often with a fair­ly small bud­get by Hol­ly­wood stan­dards. This is gene­ral­ly true for eve­ry one of the film­ma­kers in this inter­na­tio­nal­ly-lio­ni­zed gene­ra­tion whose contours we have just outlined.

Was this infa­tua­tion with Que­bec cine­ma on the part of Hol­ly­wood limi­ted to the per­iod begin­ning in the late 2000s? To ans­wer this ques­tion, it would appear to be neces­sa­ry to stu­dy in grea­ter depth the his­to­ry of the rela­tions bet­ween the world of Hol­ly­wood and the artis­tic sphere in Que­bec. Today Hol­ly­wood has attrac­ted nume­rous Que­bec talents to its indus­try. This can be seen, apart from those film­ma­kers alrea­dy men­tio­ned, in the migra­tion of talen­ted people as diverse as the pro­duc­tion desi­gner Patrice Ver­mette, the cos­tume desi­gner Renée April, the colou­rist Maxine Ger­vais, the direc­tor and came­ra ope­ra­tor Ste­phen Cam­pa­nel­li, the direc­tor of pho­to­gra­phy Yves Bélan­ger, the pro­du­cer Roger Frap­pier and the actress Sophie Nélisse. While today the extent of this move­ment to “Tin­sel­town” is unlike any­thing seen before, artists lea­ving Que­bec for Hol­ly­wood is nothing new and in fact has nume­rous pre­ce­dents. We could men­tion, for example, the case of the direc­tor Mack Sen­nett, who was born in Que­bec and moved to Hol­ly­wood, yet pre­ser­ved fami­ly ties in Que­bec after spen­ding most of his youth in the pro­vince. The same is true of two other Hol­ly­wood silent-era and gol­den-age talents, the actress Nor­ma Shea­rer and her bro­ther Dou­glas, a famous spe­cia­list in spe­cial effects and audio research who spent a large part of his career with Metro-Goldwyn-Mayer (MGM). The Shea­rer siblings made the Mon­treal-Hol­ly­wood tran­si­tion after a per­iod of time in New York for Nor­ma. Pau­line Garon, Gene­viève Bujold, Suzanne Clou­tier and Fifi D’Orsay are some of the other Que­bec actresses who, not without suc­cess, can be found throu­ghout the his­to­ry of Hol­ly­wood. In the case of actors, the French-spea­king Que­be­cer Hen­ri Leton­dal achie­ved suc­cess there, while the English-spea­king Que­be­cer Glenn Ford became a famous star in clas­si­cal Hol­ly­wood cine­ma. This gives an idea of the las­ting influence of Que­bec artists on the Hol­ly­wood film industry.

Is it pos­sible, then, to esta­blish a genea­lo­gy of the phe­no­me­non of Que­bec artists in Hol­ly­wood, from the ear­ly years of it being the “Mec­ca of the movies” to today’s high-pro­file artists? And what can be said about the appeal of Que­bec for Hol­ly­wood cine­ma,6 in a film such as Agnes of God (Nor­man Jewi­son, 1985), for example, in which Jane Fon­da car­ries out an inves­ti­ga­tion in the Petites Soeurs de Marie Made­leine convent in Mon­treal? Ame­ri­can films which situate their sto­ries in Que­bec, or which make pos­sible screen encoun­ters bet­ween Hol­ly­wood stars and Que­bec actors and actresses, illus­trate audiences’ strong inter­est in the pro­vince, which also deserves to be put into pers­pec­tive. Thus while our modern age leads us to exa­mine above all the phe­no­me­non of Que­bec in Hol­ly­wood, it seems to us to be rele­vant to draw up a genea­lo­gy of cultu­ral trans­fers bet­ween Hol­ly­wood and Que­bec.

In this res­pect, for its the­ma­tic issue “Cultu­ral Trans­fers: Hol­ly­wood-Que­bec,” Nou­velles vues is invi­ting sub­mis­sions which address the topics rai­sed above. Eve­ry pro­po­sal offe­ring new pers­pec­tives on Que­bec-Hol­ly­wood col­la­bo­ra­tions is also encou­ra­ged. More spe­ci­fi­cal­ly, pro­po­sals may address: 

  • Que­bec artists wor­king in Hollywood;
  • Ame­ri­can artists who have wor­ked in Quebec;
  • Que­bec films with Hol­ly­wood as their topic;
  • Hol­ly­wood films which have a Que­bec theme;
  • the his­to­ry of Que­bec-Hol­ly­wood collaboration.

Pro­po­sals for articles must contain a title, a brief bio-biblio­gra­phi­cal note on the author, and a synop­sis of no more than 500 words. This synop­sis must deli­neate a body of work and advance a wor­king hypo­the­sis which addresses one of the approaches or topics men­tio­ned. These mate­rials should be sent to the three fol­lo­wing addresses: nouvellesvues.qc@gmail.com, thomas.carrier-lafleur@umontreal.ca and baptiste.creps@umontreal.ca no later than 31 Janua­ry 2024. The authors of accep­ted pro­po­sals will be invi­ted to sub­mit an article in English or French of bet­ween 45,000 and 60,000 cha­rac­ters, spaces inclu­ded, no later than 1 July 2024. Articles will be sub­mit­ted to a double-blind peer-review pro­cess and their publi­ca­tion will be condi­tio­nal on being accep­ted by at least two evaluations.

Bio-biblio­gra­phic Notes

Bap­tiste Creps is apost-doc­to­ral resear­cher at the Uni­ver­si­té de Mont­réal spe­cia­li­sing in the his­to­ry of Hol­ly­wood film form. He is the author of a dis­ser­ta­tion entit­led Nais­sance d’un néo­clas­si­cisme hol­ly­woo­dien (2021) and of scho­lar­ly articles ari­sing out of inter­dis­ci­pli­na­ry research into cine­ma, art his­to­ry, music, the his­to­ry of video games and the his­to­ry of new tech­no­lo­gies. He is cur­rent­ly co-autho­ring a book on the film­ma­ker Jean-Marc Val­lée with Tho­mas Carrier-Lafleur.

Tho­mas Car­rier-Lafleur is a course ins­truc­tor at Concor­dia Uni­ver­si­ty and at the Uni­ver­si­té de Mont­réal, where he holds the posi­tion of depu­ty direc­tor of the Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias. His research addresses French and Que­bec lite­ra­ture and Que­bec cine­ma from an inter­me­dial pers­pec­tive which stu­dies the pro­cess of trans­po­sing lite­ra­ry texts to the screen. He is the author of volumes such as Voir dis­pa­raître: une lec­ture du ciné­ma de Sébas­tien Pilote (L’Instant même, 2021); Pro­jec­tions croi­sées: dia­logues sur la lit­té­ra­ture, le ciné­ma et la créa­tion avec Andrée A. Michaud et Simon Dumas (Figu­ra, 2021); Il s’est écar­té: enquête sur la mort de Fran­çois Para­dis (Nota bene, 2019, with avec David Bélan­ger); and L’oeil ciné­ma­to­gra­phique de Proust (Clas­siques Gar­nier, 2016). He is also co-direc­tor of Nou­velles Vues: revue sur les pra­tiques, les théo­ries et l’histoire du ciné­ma au Qué­bec.

Jour­nal web­site: https://nouvellesvues.org/.

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[1] Isa­belle Dau­nais, Le roman sans aven­ture (Mont­réal: Les Édi­tions du Boréal, 2015), 7.

[2] Chris­tian Poi­rier, “Le ‘renou­veau’ du ciné­ma qué­bé­cois,” Cités 23, no. 3 (2005): 165–82.

[3] Jean-Pierre Sirois-Tra­han, “La mou­vée et son dehors: renou­veau du ciné­ma qué­bé­cois,” Cahiers du ciné­ma,660 (Octo­ber 2010): 76.

[4] Mar­tin Bilo­deau, Bru­no Dequen, Phi­lippe Gajan, Ger­main Lacasse, Syl­vain Laval­lée, Marie-Claude Loi­selle and Jean-Pierre Sirois-Tra­han, “Table ronde: le renou­veau du ciné­ma d’auteur qué­bé­cois,” 24 images 152 (2011): 14–22.

[5] When the Bri­tish film­ma­ker Andrea Arnold direc­ted the epi­sodes of the second sea­son of Big Lit­tle Lies, this influence had nefa­rious conse­quences for her artis­tic free­dom. The series’ pro­du­cers did not hesi­tate to short-cir­cuit Arnold’s style in post-pro­duc­tion in order to imi­tate the aes­the­tic and edi­ting that Val­lée had deve­lo­ped for the first sea­son, giving rise to a wave of dis­content in the film com­mu­ni­ty. The hash­tag “#Relea­se­TheAr­nold­Cut” expo­sed the injus­tice, whe­ther gen­de­red or sim­ply contra­ry to the prin­ciple of artis­tic free­dom, which she expe­rien­ced. On the topic of this contro­ver­sy, see Aisha Vic­to­ria Deeb, “#Relea­se­TheAr­nold­Cut is tren­ding after female Direc­tor of Big Lit­tle Lies was side­li­ned,” Mashable (15 July 2019), https://me.mashable.com/culture/6102/releasethearnoldcut-is-trending-after-female-director-of-big-little-lies-was-sidelined.

[6] The “Ciné­ma qué­bé­cois et États-Unis” (1997) spe­cial issue of the jour­nal Ciné­mas, which took up the his­to­ry of the connec­tions bet­ween Que­bec cine­ma and the Uni­ted States, has alrea­dy done the ground­work this ques­tion to a cer­tain extent. See Louise Car­rière, ed., “Ciné­ma qué­bé­cois et États-Unis,” Ciné­mas 7, no. 3 (1997), https://www.erudit.org/fr/revues/cine/1997-v7-n3-cine1500366/ (consul­ted 25 Octo­ber 2022).

Sous la direc­tion de Mer­cé­dès Baillar­geon (Uni­ver­si­ty of Mary­land) et Karine Ber­trand (Queen’s University)

Dans un article de 2008, Denis Bachand décla­rait que l’interculturalité était un des deux motifs prin­ci­paux qui se déga­geaient de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique qué­bé­coise du XXIe siècle, en se pré­sen­tant comme un vec­teur du ques­tion­ne­ment iden­ti­taire, enjeu si cher au ciné­ma qué­bé­cois[1]. En effet, si les deux der­nières décen­nies s’avèrent riches en exemples de pro­duc­tions qui démontrent clai­re­ment les enjeux propres au mul­ti­cul­tu­ra­lisme et à l’identité qué­bé­coise (Lit­to­ral, Moua­wad, 2004 ; Home, Katra­pa­ni, 2002), cette pro­blé­ma­tique est pré­sente sur les écrans qué­bé­cois depuis plus de soixante ans, avec des films tels que À tout prendre (1963) de Claude Jutra, Mémoire bat­tante (1983) d’Arthur Lamothe et Com­ment faire l’amour avec un nègre sans se fati­guer (1989) de Jacques Benoit. Plus récem­ment, un numé­ro spé­cial de Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion réité­rait cette affir­ma­tion vou­lant que le ciné­ma qué­bé­cois contem­po­rain se penche désor­mais sur les ques­tions d’identité, de culture et d’identification en lien avec un trans­na­tio­na­lisme de plus en plus pré­gnant dans le milieu du ciné­ma[2].

Ce phé­no­mène est par ailleurs ren­du pos­sible par l’ouverture phy­sique et sym­bo­lique de fron­tières internes/externes du Qué­bec et de sa pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique. D’une part, les vingt-cinq der­nières années connaissent un boom de copro­duc­tions (France, Bel­gique, etc.) tan­dis que, d’autre part, les cinéastes deviennent de plus en plus mobiles (pen­sons à Xavier Dolan, en France et aux États-Unis, ain­si qu’à Jean-Marc Val­lée, qui a main­te­nant réa­li­sé plus de trois films et une série HBO aux États-Unis). L’ouverture des fron­tières et une immi­gra­tion crois­sante ont, de plus, chan­gé le visage du ciné­ma qué­bé­cois. On remarque aus­si une recon­nais­sance et une inté­gra­tion de plus en plus grande de la diver­si­té exis­tant déjà sur le ter­ri­toire qué­bé­cois, avec l’explosion des ciné­mas autoch­tone et anglo-mont­réa­lais, par exemple. Ces nou­velles réa­li­tés poli­tiques et cultu­relles poussent ain­si de plus en plus le Qué­bec à envi­sa­ger le natio­na­lisme selon les modes de l’ouverture et de la déter­ri­to­ria­li­sa­tion des cultures[3].

Dans ce contexte, l’émergence, au cours des dix der­nières années, d’un ciné­ma autoch­tone et d’un ciné­ma migrant reflé­tant le cli­mat poli­tique et social d’une pro­vince qui s’interroge davan­tage sur sa place en tant que colo­ni­sa­trice (Com­mis­sion véri­té et récon­ci­lia­tion oblige) et terre d’accueil (Com­mis­sion Bou­chard-Tay­lor, Loi sur la laï­ci­té de l’État) a gran­de­ment contri­bué à cette recon­fi­gu­ra­tion du ciné­ma au Qué­bec, les cinéastes autoch­tones et migrants se posi­tion­nant comme des agents média­teurs qui font le pont entre la culture d’origine et la terre d’accueil, entre le ter­ri­toire ances­tral et ce qui se situe à l’extérieur de ses fron­tières. Dans de nom­breux cas, les œuvres issues de ces créa­teurs portent les cou­leurs métis­sées de cultures qui s’imprègnent de l’ici et de l’ailleurs, et voient le jour grâce à ces ren­contres avec « l’autre » – un terme uti­li­sé entre autres par Bill Mar­shall pour qua­li­fier les peuples autoch­tones et les immi­grants du Qué­bec, en regard aux pro­blé­ma­tiques reliées au natio­na­lisme qué­bé­cois et aux ques­tions d’identité[4].

C’est ain­si que nous voyons peu à peu s’esquisser les contours redes­si­nés d’une indus­trie et d’un art qui prônent davan­tage de diver­si­té et de col­la­bo­ra­tion dans l’élaboration de pay­sages ciné­ma­to­gra­phiques hété­ro­gènes, et qui amènent les cinéastes à explo­rer les concepts d’identité et de nation selon de nou­veaux cri­tères éthiques (mode de pro­duc­tion) et esthé­tiques (nar­ra­tion, thé­ma­tiques, etc.). En effet, que ce soit à tra­vers des col­la­bo­ra­tions entre cinéastes en pro­ve­nance d’horizons divers (par exemple Marie-Hélène Cou­si­neau et le col­lec­tif de femmes inuites Arnait Video) ou par la créa­tion d’œuvres cher­chant à faire le pont entre l’ici et l’ailleurs (Anti­gone de Sophie Deraspe, 2019 ; Inch’Allah, Anaïs Bar­beau-Lava­lette, 2012 ; Trois his­toires d’Indiens, Robert Morin, 2014), le ciné­ma qué­bé­cois et son indus­trie mul­ti­plient depuis quelques années les occa­sions de ren­contres inter­cul­tu­relles réelles et sym­bo­liques, en les finan­çant davan­tage et en don­nant une meilleure visi­bi­li­té aux iden­ti­tés plu­rielles. Cette inté­gra­tion de l’autre, dans les œuvres ayant vu le jour dans la der­nière décen­nie, contri­bue à l’hybridation du ciné­ma qué­bé­cois, et l’amène à se redé­fi­nir et à élar­gir sa défi­ni­tion de qui est « Qué­bé­cois », une ques­tion que se posait déjà le cinéaste Pierre Per­rault en 1970 (Un pays sans bon sens).

De même, les récits nés de ces col­la­bo­ra­tions, qui se font par­fois fils conduc­teurs entre le pas­sé et le pré­sent, par­ti­cipent à l’émergence de nou­veaux ques­tion­ne­ments sur la nation et sur l’identité com­po­sée[5] (Maa­louf, 1998) enga­geant ain­si les nou­velles géné­ra­tions comme les plus âgées dans un dia­logue plus large sur la mémoire cultu­relle (La val­lée des larmes, Maryanne Zéhil, 2012 ; Incen­dies, Denis Villeneuve,2010).

C’est dans cette optique que Nou­velles Vues sol­li­cite pour son 22e numé­ro, inti­tu­lé « Ren­contres inter­cul­tu­relles », des pro­po­si­tions d’articles trai­tant de ces diverses col­la­bo­ra­tions entre cinéastes autoch­tones, cinéastes migrants et qué­bé­cois, et d’une hybri­da­tion et d’un cos­mo­po­li­tisme des ima­gi­naires qué­bé­cois, dans un contexte où l’identité natio­nale est en muta­tion constante, nou­velles géné­ra­tions aidant. Les pro­po­si­tions pour­ront trai­ter plus spécifiquement :

  • des ciné­mas autoch­tones et/ou migrants et des partenariats/collaborations avec des cinéastes du Québec ;
  • des ciné­mas migrants et de leur repré­sen­ta­tion de la socié­té québécoise ;
  • de la repré­sen­ta­tion des nou­velles réa­li­tés migrantes ou autoch­tones par des cinéastes québécois ;
  • de l’hybridation du ciné­ma qué­bé­cois et de son ouver­ture gran­dis­sante sur l’ailleurs, l’autre et l’altérité ;
  • de la redé­fi­ni­tion et de l’inclusion du ciné­ma qué­bé­cois pour inclure une plus grande diver­si­té inter­cul­tu­relle et mul­ti­cul­tu­relle en son sein.

Les pro­po­si­tions d’article devront conte­nir un titre, une brève notice bio­gra­phique, de même qu’un résu­mé d’un maxi­mum de 500 mots. Ce résu­mé devra cir­cons­crire un cor­pus et mettre en avant une hypo­thèse de tra­vail sui­vant l’un des angles ou sujets men­tion­nés. Le tout devra être envoyé aux adresses sui­vantes : baillarg@umd.edu et kb162@queensu.ca au plus tard le 15 sep­tembre 2020. Les auteurs des pro­po­si­tions rete­nues seront invi­tés à sou­mettre un article rédi­gé en fran­çais ou en anglais et com­por­tant entre 45 000 et 60 000 carac­tères, espaces com­prises, au plus tard le 15 février 2021. Les articles seront sou­mis à un pro­ces­sus d’évaluation par les pairs en double aveugle, et leur publi­ca­tion sera condi­tion­nelle à leur accep­ta­tion par au moins deux évaluateurs.

Cet appel de textes est main­te­nant clos.

Biblio­gra­phie

Bachand, Denis. « Le prisme iden­ti­taire du ciné­ma qué­bé­cois. Figures pater­nelles et inter­cul­tu­ra­li­té dans Mémoires affec­tives et Lit­to­ral », Ciné­mas, vol. 19, no 1 (automne 2008) : 57–73.

Baillar­geon, Mer­cé­dès et Karine Ber­trand. « Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias qué­bé­cois », Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, vol. 44, nos 2–3 (2019) : 137–273.

Ber­trand, Karine. « Du tiers absent au pas­seur de mémoire : la pré­sence autoch­tone et la figure du média­teur blanc dans le ciné­ma des Pre­mières Nations », Recherches Amé­rin­diennes au Qué­bec, vol. 45, no 1 (automne 2015) : 51–58.

Bou­chard, Gérard. L’interculturalisme. Un point de vue qué­bé­cois (Mont­réal : Édi­tions Boréal, 2012).

––––––. « Qu’est-ce que l’in­ter­cul­tu­ra­lisme? », McGill Law Jour­nal, vol. 56, no 2 (2011) : 395–434.

Cou­lombe, Michel. « Les anglo­phones et les immi­grants dans le ciné­ma qué­bé­cois : un ciné­ma blanc, blanc, blanc? » Ciné-Bulles, vol. 28, no 4 (automne 2010) : 34–37.

Des­roches, Vincent. « L’ange de gou­dron : Ins­crip­tions algé­riennes au Qué­bec », The French Review, vol. 78, no 6 (2005) : 1182–1187.

Maa­louf, Amin. Les iden­ti­tés meurtrières (Paris : Gras­set, 1998).

Mar­shall, Bill. Que­bec Natio­nal Cine­ma (Mont­réal-King­ston : McGill-Queens Uni­ver­si­ty Press, 2001). 

Poi­rier, Chris­tian. « Le “renou­veau” du ciné­ma qué­bé­cois », Cités, vol. 23, no 3 (2005) : 165–182.

San­to­ro, Milé­na. « Du rêve amé­ri­cain aux réa­li­tés inter­cul­tu­relles, ou l’américanité du ciné­ma d’immigration et d’immigrés au Qué­bec », Autour de l’œuvre de Gérard Bou­chard. His­toire sociale, socio­lo­gie his­to­rique, ima­gi­naires col­lec­tifs et poli­tiques publiques, sous la direc­tion de Sri­la­ta Ravi et Claude Cou­ture (Qué­bec : Presses de l’Université Laval, 2015), 99–117.

Simon, Sher­ry. « The Inti­mate Other: Repre­sen­ta­tions of Cultu­ral Diver­si­ty in Que­bec Film and Video (1985–1995) », Tex­tua­li­zing the Immi­grant Expe­rience in Contem­po­ra­ry Que­bec – Contri­bu­tions to the Stu­dy of World Lite­ra­ture, sous la direc­tion de Susan Ire­land et Patrice J. Proulx (West­port, Conn : Prae­ger, 200), 51–64.

Véron­neau, Pierre. « Le ciné­ma qué­bé­cois : ouver­ture aux cultures du monde », Les cultures du monde au miroir de l’Amérique fran­çaise, sous la direc­tion de Monique Mosey-Ver­rey (Qué­bec : Presses de l’Université Laval, 2002), 209–231.

Fil­mo­gra­phie

Bar­beau-Lava­lette, Anaïs. Inch’Allah, Chris­tal, Qué­bec, 2012.

Benoit, Jacques W. Com­ment faire l’amour avec un nègre sans se fati­guer, Aska films, Qué­bec, 1989. 

Deraspe, Sophie. Anti­gone, Mai­son 4:3, Qué­bec, 2019. 

Jutra, Claude. À tout prendre, Claude Jutra, Qué­bec, 1963. 

Katra­pa­ni, Phyl­lis. Home, Ama­zone Films, Qué­bec, 2002. 

Lamothe, Arthur. Mémoire bat­tante, Office natio­nal du film, Qué­bec, 1983. 

Leriche, Chloé. Avant les rues, Les Films de l’Autre, Qué­bec, 2016. 

Morin, Robert. Trois his­toires d’Indiens, COOP videéo de Mont­réal, Qué­bec, 2014. 

Moua­wad, Waj­di. Lit­to­ral, TVA films, Qué­bec, 2004. 

Per­rault, Pierre. Un pays sans bon sens, Office Natio­nal du Film, Qué­bec, 1971. 

Tulu­gar­juk, Lucy. Tia et Piu­ju­jq, Arnait Video Pro­duc­tions (Marie-Hélène Cou­si­neau), Qué­bec, 2018. 

Vil­le­neuve, Denis. Incen­dies, Films Séville, Qué­bec, 2010. 

Zéhil, Marianne. La val­lée des larmes, Films Séville, Qué­bec, 2011.

Notices bio­bi­blio­gra­phiques

Mer­cé­dès Baillar­geon est pro­fes­seure agré­gée d’é­tudes fran­çaises et fran­co­phones à l’Université du Mary­land, où elle est éga­le­ment pro­fes­seure affi­liée en études des femmes et en études ciné­ma­to­gra­phiques et média­tiques. Ses recherches portent prin­ci­pa­le­ment sur l’esthétique, l’éthique et la poli­tique du récit à la pre­mière per­sonne des 20e et 21e siècles, l’in­ter­sec­tion entre les espaces et les dis­cours publics / pri­vés et la (dé) construc­tion des iden­ti­tés per­son­nelles et / ou col­lec­tives. Son livre, Le per­son­nel est poli­tique. Médias, esthé­tique et poli­tique de l’autofiction chez Chris­tine Angot, Chloé Delaume et Nel­ly Arcan, a été publié par Pur­due Uni­ver­si­ty Press en 2019. Elle a éga­le­ment co-édi­té un numé­ro spé­cial de la revue Contem­po­ra­ry French Civilization sur « Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma qué­bé­cois and (New) Media » avec Karine Ber­trand, publiée en 2019, ain­si qu’un recueil d’essais sur la troi­sième vague fémi­niste au Qué­bec, Remous, res­sacs et déri­va­tions autour de la troi­sième vague fémi­niste (Remue-ménage, 2011). Elle a publié dans les revues Qué­bec Stu­dies, Women in French Stu­dies et Rocky Moun­tain Review, entre autres. Ses recherches actuelles explorent la ques­tion du (post / trans) natio­na­lisme dans le ciné­ma qué­bé­cois du nou­veau millénaire.

Karine Ber­trand (de des­cen­dance cana­dienne-fran­çaise et autoch­tone) est pro­fes­seure adjointe au dépar­te­ment de Film and Media de Queen’s Uni­ver­si­ty et co-direc­trice du groupe de recherche AEPI (Esthé­tique et poli­tique de l’image) à l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les ciné­mas autoch­tones et inuit, sur les pra­tiques orales ciné­ma­to­gra­phiques ain­si que sur le road movie cana­dien et qué­bé­cois. Elle est membre du Vul­ne­rable Media Lab à Queen’s Uni­ver­si­ty et cher­cheuse prin­ci­pale pour le volet Arnait Video Pro­duc­tions (un col­lec­tif de femmes inuit) du pro­jet Archive-Coun­ter-Archive, finan­cé par le CRSH.  Ses plus récentes publi­ca­tions portent sur le rôle du témoi­gnage dans le ciné­ma des femmes autoch­tones (Revue cana­dienne d’études ciné­ma­to­gra­phiques, 2020) l’américanité dans le ciné­ma qué­bé­cois (Ame­ri­can Review of Cana­dian Stu­dies, 2019) et sur le ciné­ma autoch­tone cana­dien et qué­bé­cois (Oxford Hand­book to Cana­dian Cinema, 2019). Elle tra­vaille pré­sen­te­ment sur le ciné­ma des femmes autoch­tones en Amé­rique et en Océa­nie, avec pour par­te­naires prin­ci­paux le Wapi­ko­ni Mobile et le RICAA.



[1] Denis Bachand, « Le prisme iden­ti­taire du ciné­ma qué­bé­cois. Figures pater­nelles et inter­cul­tu­ra­li­té dans Mémoires affec­tives et Lit­to­ral », Ciné­mas, vol. 19, no 1 (automne 2008) : 57–73.

[2] Mer­cé­dès Baillar­geon et Karine Ber­trand, « Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias qué­bé­cois », Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, vol. 44, nos 2–3 (2019) : 137–273.

[3] Mer­cé­dès Baillar­geon et Karine Ber­trand, « Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias : le contexte qué­bé­cois (intro­duc­tion) », Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, vol. 44, nos 2–3 (2019) : 137–150.

[4] Bill Mar­shall, Que­bec Natio­nal Cine­ma (Mont­réal-King­ston : McGill-Queens Uni­ver­si­ty Press, 2001).

[5] Amin Maa­louf, Les iden­ti­tés meur­trières (Paris : Gras­set, 1998).


Direc­ted by Mer­cé­dès Baillar­geon (Uni­ver­si­ty of Mary­land) and Karine Ber­trand (Queen’s University)

In an 2008 essay, Denis Bachand decla­red that inter­cul­tu­ra­li­ty was one of the two most pre­valent ten­den­cies in Qué­bé­cois film pro­duc­tion of the twen­ty-first cen­tu­ry. As a vec­tor of Que­bec iden­ti­ty, it remains an issue at the fore­front of Qué­bé­cois culture and cine­ma.[1]

Indeed, if the last two decades offer nume­rous examples of pro­duc­tions which clear­ly engage with ques­tions connec­ted to mul­ti­cul­tu­ra­lism and to Qué­bé­cois iden­ti­ty (Lit­to­ral [dir. Waj­di Moua­wad, 2004] , Home [dir. Phyl­lis Katra­pa­ni, 2002]), these themes have been present on Que­bec screens for over six­ty years, with films such as À tout prendre (dir. Claude Jutra, 1963), Mémoire bat­tante (dir. Arthur Lamothe, 1983) and Com­ment faire l’amour avec un nègre sans se fati­guer (dir. Jacques Benoit, 1989). More recent­ly, a spe­cial issue of Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion rei­te­ra­ted this affir­ma­tion by decla­ring that trans­na­tio­na­lism is more present than ever in the field of cine­ma in the way that Qué­bé­cois cine­ma focuses on ques­tions of iden­ti­ty, culture and iden­ti­fi­ca­tion.[2]

This phe­no­me­non is pos­sible through the sym­bo­lic and phy­si­cal ope­ning of internal/external Qué­bec bor­ders and film pro­duc­tion. On the one hand, the last twen­ty-five years have seen an explo­sion of co-pro­duc­tions with coun­tries such as France, Bel­gium and the Uni­ted States, while on the other hand, film­ma­kers have gai­ned more mobi­li­ty – we can think of film­ma­kers such as Xavier Dolan pro­du­cing films in France and the U.S. and Jean-Marc Val­lée direc­ting more than three films and one HBO series in the U.S. Addi­tio­nal­ly, the ope­ning of bor­ders and an increa­sing immi­gra­tion rate have consi­de­ra­bly chan­ged the face and land­scape of Que­bec cine­ma. Also noti­ceable are the increa­sed recog­ni­tion and inte­gra­tion of diver­si­ty on the ter­ri­to­ry, with the emer­gence of Indi­ge­nous and Anglo-Mon­trea­ler cine­ma, for example. These new poli­ti­cal rea­li­ties are pushing Que­bec for­ward, encou­ra­ging people and poli­ti­cal lea­ders to rede­fine natio­na­lism in cor­res­pon­dence with a deter­ri­to­ria­li­za­tion and a broa­de­ning of cultures.[3]

It is also in this context that the last ten years has wit­nes­sed the emer­gence and gro­wing popu­la­ri­ty of Indi­ge­nous and migrant cine­mas. These tend to reflect the poli­ti­cal and social cli­mate of a pro­vince which is spen­ding more time ques­tio­ning its role as a colo­ni­zer (Truth and Recon­ci­lia­tion Com­mis­sion) and as a “terre d’accueil” for immi­grant com­mu­ni­ties (Bou­chard-Tay­lor Com­mis­sion and Loi sur la laï­ci­té). These have all great­ly contri­bu­ted to this recon­fi­gu­ra­tion of Que­bec cine­ma, with Indi­ge­nous and migrant film­ma­kers posi­tio­ning them­selves as media­tors bet­ween their land of ori­gin and the new ter­ri­to­ry they inha­bit, and bet­ween the land of their ances­tors and the fron­tiers that stretch beyond its ter­ri­to­ry. In many cases, the works built by these film­ma­kers pre­sents ele­ments of “métis­sage” born through mul­tiple encoun­ters with the “Other” – a term used by film spe­cia­list Bill Mar­shall to qua­li­fy Indi­ge­nous and immi­grant com­mu­ni­ties in Cana­da, in regard to ques­tions of Que­bec natio­na­lism and iden­ti­ty.[4]

Thus, we are now seeing the rede­si­gned contours of an indus­try and an art form advo­ca­ting for more diver­si­ty and col­la­bo­ra­tion in the ela­bo­ra­tion of hete­ro­ge­nous film land­scapes, which brings film­ma­kers to explore iden­ti­ty and nation fol­lo­wing new ethi­cal (pro­duc­tion modes) and aes­the­tic (nar­ra­tion, themes, etc.) cri­te­ria. Indeed, whe­ther through col­la­bo­ra­tions bet­ween film­ma­kers coming from dif­ferent parts of the country/province/world (for example, Marie-Hélène Cou­si­neau and the Arnait Video col­lec­tive of Inuit women) or by making films loo­king to create a bridge bet­ween dif­ferent worlds (Anti­gone [dir. Sophie Deraspe, 2019], Inch’Allah [dir. Anaïs Bar­beau-Lava­lette, 2012] and Trois his­toires d’Indiens, [dir. Robert Morin, 2014]), Qué­bec cine­ma and its indus­try are mul­ti­plying the oppor­tu­ni­ties of inter­cul­tu­ral encoun­ters (real and sym­bo­lic) by finan­cing those films and by giving plu­ral iden­ti­ties bet­ter visi­bi­li­ty. This inte­gra­tion of the “Other” contri­butes to the hybri­di­za­tion of Qué­bé­cois cine­ma, get­ting the people and ins­ti­tu­tions to rede­fine and broa­den the scope of its defi­ni­tion of “who is Qué­bé­cois,” a ques­tion alrea­dy present in Pierre Perrault’s 1970 docu­men­ta­ry Un pays sans bon sens.

Fur­ther­more, the sto­ries born from these col­la­bo­ra­tions, some­times gate­ways bet­ween past and future, par­ti­ci­pate in the ela­bo­ra­tion of new ques­tions in regards to the nation and “des iden­ti­tés com­po­sées” (Maa­louf, 1998), which engages older and new gene­ra­tions to par­ti­ci­pate in a broa­der dia­logue on cultu­ral memo­ry (La val­lée des larmes [dir. Maryanne Zéhil, 2012] and Incen­dies, [dir.Denis Villeneuve,2010]).

It is with this in mind that Nou­velles Vues is soli­ci­ting pro­po­sals for articles addres­sing these diverse col­la­bo­ra­tions bet­ween Indi­ge­nous, migrant and Qué­bé­cois film­ma­kers and sto­ries for its 22nd num­ber entit­led “Inter­cul­tu­ral Encoun­ters.” The jour­nal also invites pro­po­sals inves­ti­ga­ting cos­mo­po­li­ta­nism and the hybri­di­za­tion of Qué­bé­cois ima­gi­na­ries, in a context where natio­nal iden­ti­ty is in per­ma­nent muta­tion. Pos­sible topics may include:

  • Indi­ge­nous or migrant cine­mas and col­la­bo­ra­tions with Qué­bé­cois filmmakers;
  • Migrants cine­mas and their repre­sen­ta­tion of Qué­bec society; 
  • The repre­sen­ta­tion of new migrant or Indi­ge­nous rea­li­ties by Qué­bec filmmakers; 
  • The hybri­di­za­tion of Qué­bec cine­ma and its ope­ning of bor­ders (alte­ri­ty, the Other, dia­spo­ras, transnationalism); 
  • The rede­fi­ni­tion and inclu­sion of Qué­bec cine­ma in its quest to include a lar­ger inter­cul­tu­ral and mul­ti­cul­tu­ral diver­si­ty in its works; 

The sub­mis­sions must include a title, a brief bio­gra­phy as well as an abs­tract of a maxi­mum of 500 words. The abs­tract must deli­neate a cor­pus and put for­ward a the­sis fol­lo­wing one the angles or sub­jects sug­ges­ted. The sub­mis­sion can be sent to baillarg@umd.edu and kb162@queensu.ca by Sep­tem­ber 15, 2020. The authors whose sub­mis­sions are accep­ted will have to sub­mit their article (writ­ten in English or French) of 45,000 to 60,000 cha­rac­ters, spaces inclu­ded, by Februa­ry 15, 2021. The articles will be sub­mit­ted to a double-blind peer-review pro­cess, and their publi­ca­tion will by condi­tio­nal to their accep­tance by at least two reviewers.

Biblio­gra­phy

Bachand, Denis. “Le prisme iden­ti­taire du ciné­ma qué­bé­cois. Figures pater­nelles et inter­cul­tu­ra­li­té dans Mémoires affec­tives et Lit­to­ral,” Ciné­mas, Vol. 19, no 1 (fall 2008): 57–73.

Baillar­geon, Mer­cé­dès et Karine Ber­trand. “Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias qué­bé­cois,” Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, Vol. 44, nos 2–3 (2019): 137–273.

Ber­trand, Karine. “Du tiers absent au pas­seur de mémoire : la pré­sence autoch­tone et la figure du média­teur blanc dans le ciné­ma des Pre­mières Nations,” Recherches Amé­rin­diennes au Qué­bec, Vol. 45, no 1 (fall 2015): 51–58.

Bou­chard, Gérard. L’interculturalisme. Un point de vue qué­bé­cois (Mont­réal: Édi­tions Boréal, 2012).

––––––. “Qu’est-ce que l’in­ter­cul­tu­ra­lisme?,” McGill Law Jour­nal, Vol. 56, no 2 (2011): 395–434.

Cou­lombe, Michel. “Les anglo­phones et les immi­grants dans le ciné­ma qué­bé­cois: un ciné­ma blanc, blanc, blanc?,” Ciné-Bulles, Vol. 28, no 4 (fall 2010): 34–37.

Des­roches, Vincent. “L’ange de gou­dron: Ins­crip­tions algé­riennes au Qué­bec,” The French Review, Vol. 78, no 6 (2005): 1182–1187.

Maa­louf, Amin. Les iden­ti­tés meur­trières (Paris: Gras­set, 1998).

Mar­shall, Bill. Que­bec Natio­nal Cine­ma (Mont­réal-King­ston: McGill-Queens Uni­ver­si­ty Press, 2001). 

Poi­rier, Chris­tian. “Le ‘renou­veau’ du ciné­ma qué­bé­cois,” Cités, Vol. 23, no 3 (2005): 165–182.

San­to­ro, Milé­na. “Du rêve amé­ri­cain aux réa­li­tés inter­cul­tu­relles, ou l’américanité du ciné­ma d’immigration et d’immigrés au Qué­bec,” Autour de l’œuvre de Gérard Bou­chard. His­toire sociale, socio­lo­gie his­to­rique, ima­gi­naires col­lec­tifs et poli­tiques publiques, Sri­la­ta Ravi and Claude Cou­ture, eds. (Qué­bec City: Presses de l’Université Laval, 2015), 99–117.

Simon, Sher­ry. “The Inti­mate Other: Repre­sen­ta­tions of Cultu­ral Diver­si­ty in Que­bec Film and Video (1985–1995),” Tex­tua­li­zing the Immi­grant Expe­rience in Contem­po­ra­ry Que­bec – Contri­bu­tions to the Stu­dy of World Lite­ra­ture, Susan Ire­land and Patrice J. Proulx, eds. (West­port, Conn: Prae­ger, 200), 51–64.

Véron­neau, Pierre. “Le ciné­ma qué­bé­cois : ouver­ture aux cultures du monde,” Les cultures du monde au miroir de l’Amérique fran­çaise, Monique Mosey-Ver­rey, ed. (Qué­bec: Presses de l’Université Laval, 2002), 209–231.

Fil­mo­gra­phy

Bar­beau-Lava­lette, Anaïs. Inch’Allah, Chris­tal, Qué­bec, 2012.

Benoit, Jacques W. Com­ment faire l’amour avec un nègre sans se fati­guer, Aska films, Qué­bec, 1989. 

Deraspe, Sophie. Anti­gone, Mai­son 4:3, Qué­bec, 2019. 

Jutra, Claude. À tout prendre, Claude Jutra, Qué­bec, 1963. 

Katra­pa­ni, Phyl­lis. Home, Ama­zone Films, Qué­bec, 2002. 

Lamothe, Arthur. Mémoire bat­tante, Office natio­nal du film, Qué­bec, 1983. 

Leriche, Chloé. Avant les rues, Les Films de l’Autre, Qué­bec, 2016. 

Morin, Robert. Trois his­toires d’Indiens, COOP videéo de Mont­réal, Qué­bec, 2014. 

Moua­wad, Waj­di. Lit­to­ral, TVA films, Qué­bec, 2004. 

Per­rault, Pierre. Un pays sans bon sens, Office Natio­nal du Film, Qué­bec, 1971. 

Tulu­gar­juk, Lucy. Tia et Piu­ju­jq, Arnait Video Pro­duc­tions (Marie-Hélène Cou­si­neau), Qué­bec, 2018. 

Vil­le­neuve, Denis. Incen­dies, Films Séville, Qué­bec, 2010. 

Zéhil, Marianne. La val­lée des larmes, Films Séville, Qué­bec, 2011.

Bios

Mer­cé­dès Baillar­geon is Asso­ciate Pro­fes­sor of French and Fran­co­phone Stu­dies in the School of Lan­guages, Lite­ra­tures, and Cultures at the Uni­ver­si­ty of Mary­land, where she is also affi­liate facul­ty in Women’s Stu­dies and Cine­ma & Media Stu­dies. Her research main­ly focuses on the aes­the­tics, ethics and poli­tics of 20th and 21st cen­tu­ry first-per­son nar­ra­tive, the inter­sec­tion bet­ween public/private spaces and dis­courses, and the (de)construction of per­so­nal and/or col­lec­tive iden­ti­ties. Her book, Le per­son­nel est poli­tique. Médias, esthé­tique et poli­tique de l’autofiction chez Chris­tine Angot, Chloé Delaume et Nel­ly Arcan was publi­shed by Pur­due Uni­ver­si­ty Press, in 2019. She has also co-edi­ted a spe­cial issue of the jour­nal Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion on “The Trans­na­tio­na­lism of Qué­bec Cine­ma and (New) Media” with Karine Ber­trand, publi­shed in 2019, and well as a col­lec­tion of essays on third wave femi­nism in Qué­bec, Remous, res­sacs et déri­va­tions autour de la troi­sième vague fémi­niste, in 2011. She has publi­shed in the jour­nals Qué­bec Stu­dies, Women in French Stu­dies, and Rocky Moun­tain Review, among­st others. Her cur­rent research explores the ques­tion of (post/trans)nationalism in Qué­bec cine­ma of the new millennium.

Karine Ber­trand is an assis­tant pro­fes­sor of French Cana­dian and Indi­ge­nous ances­try (Qué­bec, Algon­quin) in the Film and Media depart­ment of Queen’s Uni­ver­si­ty. Her research inter­ests are cen­te­red around Indi­ge­nous film and poe­try, Que­bec cine­ma, road movies, trans­na­tio­nal cine­mas and oral prac­tices of cine­ma. She is a mem­ber of the Vul­ne­rable Media Lab at Queen’s and lead resear­cher for the Archive Coun­ter Archive research pro­ject (finan­ced by SSHRC) wor­king with the Arnait Video Pro­duc­tions col­lec­tive of Inuit women. Her latest publi­ca­tions include an article on Indi­ge­nous women and tes­ti­mo­nies (Cana­dian Jour­nal of Film Stu­dies, 2020) on Qué­bé­cois cine­ma and Amé­ri­ca­ni­té (Ame­ri­can Review of Cana­dian Stu­dies, 2019) and a book chap­ter on Cana­dian and Qué­bé­cois Indi­ge­nous cine­mas (Oxford Hand­book to Cana­dian Cinema, 2019). She is pre­sent­ly wor­king on a pro­ject invol­ving the crea­tion of an inter­na­tio­nal net­work for Indi­ge­nous women film­ma­kers, with her part­ners from the Wapi­ko­ni Mobile and the INAAC (the Inter­na­tio­nal Net­work for Abo­ri­gi­nal Audio-Visual Creation).


[1] Denis Bachand, “Le prisme iden­ti­taire du ciné­ma qué­bé­cois. Figures pater­nelles et inter­cul­tu­ra­li­té  dans Mémoires affec­tives et Lit­to­ral,” Ciné­mas, Vol. 19, no 1 (fall 2008): 57–73.

[2] Mer­cé­dès Baillar­geon and Karine Ber­trand, “Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias qué­bé­cois,” Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, Vol. 44, nos 2–3 (2019): 137–273.

[3] Mer­cé­dès Baillar­geon et Karine Ber­trand, “Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias : le contexte qué­bé­cois (intro­duc­tion),” Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, Vol. 44, nos 2–3 (2019): 137–150.

[4] Bill Mar­shall, Que­bec Natio­nal Cine­ma (Mont­réal-King­ston: McGill-Queens Uni­ver­si­ty Press, 2001).

Sous la direc­tion de Louis Pel­le­tier (Uni­ver­si­té de Mont­réal)

Le ciné­ma qué­bé­cois évo­lue dès son ori­gine en marge de pra­tiques domi­nantes éma­nant des grands centres de pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique. C’est ain­si que, par­mi les plus de 300 films pro­duits entre 1906 et 1922 par le fon­da­teur de la ciné­ma­to­gra­phie qué­bé­coise, Léo-Ernest Oui­met, on ne retrouve pas plus de deux titres ali­gnés sur les stan­dards – hégé­mo­niques dès la seconde décen­nie de l’histoire du ciné­ma – des fic­tions issues des stu­dios fran­çais et amé­ri­cains. La qua­si-tota­li­té de la fil­mo­gra­phie de Oui­met est plu­tôt consti­tuée de films rele­vant de genres mineurs et éphé­mères : films de famille (Mes espé­rances en 1908), films locaux (Le Concours des sacs de sel [1907]), films publi­ci­taires (savon White Rose), films édu­ca­tifs (Sau­vons nos bébés [1918]), et d’actualités (les biheb­do­ma­daires Bri­tish Cana­dian Pathé News pro­duites de 1919 à 1922). Les cinéastes et pro­duc­teurs actifs au Qué­bec entre les années 1920 et 1950 se consa­cre­ront de la même façon en grande majo­ri­té à des pro­duc­tions s’inscrivant en marge du ciné­ma de fic­tion domi­nant : courts métrages des­ti­nés à être pré­sen­tés en com­plé­ment de pro­gramme dans les salles com­mer­ciales (Gor­don Spar­ling et l’Associated Screen News), films uti­li­taires ou gou­ver­ne­men­taux (Albert Tes­sier, Mau­rice Proulx), ciné­ma ama­teur, etc. L’émergence d’une pro­duc­tion légi­ti­mée de films de fic­tion et de docu­men­taires entre les années 1940 et 1960 ne se tra­duit par ailleurs pas en un désen­ga­ge­ment des cinéastes qué­bé­cois face à ces caté­go­ries mar­gi­na­li­sées de pro­duc­tions. On retrouve ain­si par­mi les cinéastes ayant fait rayon­ner la ciné­ma­to­gra­phie qué­bé­coise à tra­vers le monde un grand nombre de créa­teurs ayant d’abord fait leurs classes dans le monde du ciné­ma ama­teur (Claude Jutra, Michel Brault), été à l’emploi de pro­duc­teurs de films uti­li­taires (Pierre Per­rault), ou pro­duit des films de com­mande (Denys Arcand, Claude Four­nier) et des publi­ci­tés (Gilles Carle, Jean-Claude Lau­zon, Chloé Robi­chaud). Il importe par ailleurs de sou­li­gner que, depuis les années 1960, la ren­contre du ciné­ma qué­bé­cois et de son public s’est sou­vent faite autour de films rele­vant de genres popu­laires (comé­dies bur­lesques, « films de fesses ») vili­pen­dés par la cri­tique. L’institution ciné­ma­to­gra­phique qué­bé­coise semble en effet avoir inter­na­li­sé une hié­rar­chie exo­gène consa­crant la supré­ma­tie du long métrage de fic­tion et du film d’auteur. La qua­si-tota­li­té du dis­cours des publi­ca­tions ciné­phi­liques publiées dans la pro­vince depuis les années 1940 est de cette façon consa­crée aux diverses décli­nai­sons du ciné­ma de fic­tion, du ciné­ma d’auteur, et du grand ciné­ma docu­men­taire. Du côté des archives, la Ciné­ma­thèque qué­bé­coise applique tou­jours en 2017 une poli­tique de conser­va­tion reje­tant hors de son man­dat les vastes caté­go­ries du ciné­ma uti­li­taire et du ciné­ma ama­teur.

Un retour sur les « mau­vais genres » mino­rés, déva­lués et mar­gi­na­li­sés par l’institution ciné­phi­lique semble donc s’imposer. D’abord, parce que ces mau­vais genres s’avèrent en défi­ni­tive indis­so­ciables des dif­fé­rentes ité­ra­tions du ciné­ma légi­ti­mé. Gra­tien Géli­nas expli­quait à ce pro­pos en 1942 que, dans un contexte où le finan­ce­ment public de la pro­duc­tion pri­vée était inexis­tant, la pro­duc­tion de films publi­ci­taires et édu­ca­tifs était la seule façon de faire vivre une indus­trie ciné­ma­to­gra­phique natio­nale et, par­tant, de per­mettre la pro­duc­tion de films de fic­tion reflé­tant la réa­li­té qué­bé­coise. Soixante-quinze ans plus tard, nom­breux sont les cinéastes, pro­duc­teurs et tech­ni­ciens qué­bé­cois à alter­ner entre cor­pos, publi­ci­tés, films « com­mer­ciaux » et films d’auteur. Ce retour sur les mau­vais genres du ciné­ma qué­bé­cois paraît éga­le­ment jus­ti­fié par l’évolution des goûts et mœurs de la com­mu­nau­té ciné­phi­lique qué­bé­coise qui, grâce au tra­vail de ses aînés, n’a plus à se battre pour la recon­nais­sance du poten­tiel artis­tique du ciné­ma. La nou­velle ciné­phi­lie décom­plexée expri­mée par des publi­ca­tions telles que Pano­ra­ma-ciné­ma et obser­vables dans des mani­fes­ta­tions comme le fes­ti­val Fan­ta­sia se trouve dès lors ouverte à tout un lot de pro­duc­tions audio­vi­suelles jusqu’à récem­ment consi­dé­rées comme intou­chables. Ce chan­ge­ment de men­ta­li­té s’opère alors que la recherche uni­ver­si­taire inter­na­tio­nale s’ouvre au ciné­ma de genre (Joan Haw­kins), au ciné­ma local (Vanes­sa Toul­min), au ciné­ma uti­li­taire (Charles Acland, Hai­dee Was­son, Vin­zenz Hedi­ger, Patrick Von­de­rau), aux dif­fé­rentes décli­nai­sons du ciné­ma d’exploitation ou psy­cho­tro­nique (Eric Schae­fer), au ciné­ma por­no­gra­phique (Lin­da Williams, Tho­mas Waugh), et au ciné­ma ama­teur (Charles Tep­per­man, Liz Czach, Valé­rie Vignaux, Benoît Tur­que­ty). La valeur et l’intérêt du vaste cor­pus consti­tué par les « mau­vais genres » du ciné­ma semblent dès lors prendre valeur d’évidence, et cela à plus forte rai­son dans un contexte comme celui du Qué­bec, où les grandes tra­di­tions du long métrage de fic­tion et du film d’auteur ont mis du temps à s’imposer. Il va tou­te­fois sans dire que la juste recon­nais­sance de la valeur cultu­relle, sociale et esthé­tique de ces textes et pra­tiques négli­gés néces­site le déve­lop­pe­ment de nou­velles grilles d’analyses, de nou­veaux regards.

Nou­velles Vues sol­li­cite pour son numé­ro thé­ma­tique « Mau­vais genres ! » des pro­po­si­tions d’articles trai­tant dans le contexte qué­bé­cois de pro­duc­tions ciné­ma­to­gra­phiques déva­luées ne rele­vant pas du long métrage de fic­tion, du ciné­ma d’auteur, ou de la grande tra­di­tion du ciné­ma docu­men­taire. La sou­mis­sion de pro­po­si­tions concer­nant les cir­cuits de dif­fu­sions et les espaces de dif­fu­sion consa­crés à ces ciné­mas mar­gi­naux, de même que les com­mu­nau­tés s’étant déve­lop­pées autour d’eux est éga­le­ment for­te­ment encou­ra­gée. Les pro­po­si­tions pour­ront trai­ter plus spé­ci­fi­que­ment :

•    de ciné­ma d’exploitation, psy­cho­tro­nique ou de série Z;
•    de comé­dies popu­laires, et plus par­ti­cu­liè­re­ment de films s’inscrivant dans la tra­di­tion bur­lesque du Théâtre Natio­nal et du Canal 10;
•    de ciné­ma éro­tique ou por­no­gra­phique;
•    de ciné­ma uti­li­taire, et plus par­ti­cu­liè­re­ment de ciné­ma publi­ci­taire, édu­ca­tif, indus­triel ou de com­mande;
•    de ciné­ma ama­teur ou de famille;
•    de films locaux (défi­nis comme toute pro­duc­tion dont les par­ti­ci­pants et les spec­ta­teurs sont essen­tiel­le­ment les mêmes);
•    de news­reels et d’actualités fil­mées;
•    de la hié­rar­chie des genres dans le contexte qué­bé­cois;
•    de la consti­tu­tion d’un canon du ciné­ma qué­bé­cois, et des exclu­sions que cette opé­ra­tion pré­sup­pose;
•    de la récep­tion et, le cas échéant, de la cen­sure des mau­vais genres du ciné­ma;
•    des com­mu­nau­tés de fans, de la ciné­phi­lie alter­na­tive, et des espaces asso­ciés (les fes­ti­vals Fan­ta­sia et Vitesse Lumière, les pro­jec­tions des Dou­teux et de Total Crap, etc.);
•    des ques­tions et enjeux liés à la conser­va­tion, à la dif­fu­sion et à la pro­gram­ma­tion des mau­vais genres du ciné­ma.

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