Marie Fallon
Né à Saint-Jérôme au Lac Saint-Jean en 1908, Herménégilde Lavoie1 travaille pour l’Office du tourisme et de la publicité du Québec (créé en 1927) de 1928 à 1948, après avoir fait des études en architecture2. À l’Office du tourisme, Lavoie joue notamment le rôle d’agent de liaison pour des conférenciers, des artistes et des cinéastes étrangers en visite dans la Belle Province. Il guide par exemple le directeur musical de la Metro-Goldwyn-Mayer, Herbert Stothart3, le réalisateur de la Twentieth Century-Fox et écrivain sportif Otto Lang4 ou encore l’artiste et cinéaste Truman Bailey5.
Comme le souligne son fils Richard Lavoie, la province « était demeurée très “xviie siècle”, donc attrayante pour les médias américains et européens6 ». De 1933 à 1960, Herménégilde Lavoie réalise une soixantaine de films documentaires et de commande de courts, moyens et longs métrages sur des sujets aussi variés que l’industrie, le tourisme, l’Église ou l’éducation, entre autres7. Ces clientèles souhaitent donner une plus grande visibilité à leurs activités, d’où la visée promotionnelle de la plupart des films de Lavoie. Le réalisateur collabore aussi ponctuellement avec le Service de ciné-photographie de la province de Québec (SCP) créé en 1941. Comme le démontrent les travaux de l’historien du cinéma Louis Pelletier, le SCP privilégie une conception du cinéma se démarquant de celle de l’Office national du film du Canada (ONF) créé deux ans plus tôt, en 1939, pour lequel Lavoie n’aura jamais l’occasion de travailler :
[L]es cinéastes du SCP sont davantage préoccupés par la dimension picturale des images de leurs films que par des questions de narration ou d’esthétique cinématographique. À vrai dire, leur pratique se situe directement dans la série culturelle des conférences illustrées – une tradition solidement enracinée dans un Québec empreint de culture orale […]8.
Sans être un bonimenteur, Herménégilde Lavoie se livre d’ailleurs à la pratique du commentaire verbal lors de ses conférences illustrées sur la série de courts métrages intitulée Les beautés de mon pays (1943).
Les films de Lavoie ont pour caractéristique de saisir des sujets humains dans leur quotidien, de même que le patrimoine matériel et immatériel québécois : architecture, paysages, métiers aujourd’hui disparus. Avec sa caméra 16 mm9 – le « modèle K » de Kodak sorti en 1932 et fonctionnant avec une bobine de 100 pieds (4 minutes et demie à 16 images / seconde) – Lavoie parcourt le Québec et notamment sa région d’origine, le Saguenay (Arvida, maintenant Jonquière ; le barrage de Shipshaw), mais aussi la Gaspésie (l’île Bonaventure, le Rocher Percé), Charlevoix, la ville de Québec et ses environs (l’île d’Orléans, les chutes Montmorency) et la Côte-Nord (Tadoussac). Par la suite, il remplace son vieux modèle K par une Paillard Bolex 16 mm, qui accepte elle aussi les bobines de 100 pieds10. Si Lavoie travaille à son propre compte, il se situe, comme le dit Louis Pelletier, dans la lignée des « […] cinéastes se voyant confier la réalisation de films par le SCP de [Joseph] Morin », dont plusieurs « dirigent de petits studios produisant surtout des films industriels et publicitaires 16 mm ». Parmi ceux-ci : Jean Arsin (Cinécraft) qu’Herménégilde Lavoie semble bien connaître11, Henry Michaud (Omega Productions), le peintre Omer Parent, le graphiste et bédéiste Maurice Gagnon ainsi que les prêtres Albert Tessier, Louis-Roger Lafleur et Maurice Proulx12.
Dans une lettre écrite en septembre 1952, l’abbé Maurice Proulx recommande à l’un de ses clients, Jean Dugas, gérant de la Banque canadienne nationale à Montréal, de faire appel à Herménégilde Lavoie. Dugas souhaite commander un film sur l’industrie de M.J. Dubé13, au Lac des Îles, mais l’abbé Maurice Proulx est trop occupé pour pouvoir accepter la commande : « Malheureusement, en ce qui me concerne, je ne pourrai pas faire ce film avant 3–4 ans parce que j’ai déjà deux fois plus de films sur le métier que je devrais en avoir14. » Dans sa lettre, l’ecclésiastique précise qu’il est en train de parachever dix films et que « pendant les beaux mois d’été, [il est] sur les routes à cueillir les scènes qui [lui] serviront aux différents films [qu’il a] en production15 ».
Si Lavoie réalise une dizaine de films personnels qu’il finance lui-même avant de chercher à les distribuer, la plupart de ses productions sont des films de commande dont il ne choisit pas le sujet. Toutefois, j’essayerai de montrer que, dans la plupart de ces films réalisés pour le compte d’entreprises, de journaux ou de communautés religieuses, le cinéaste parvient à exprimer son amour et son engagement pour le Québec en dépit des contraintes qui lui sont imposées. Travailler à l’Office du tourisme et de la publicité a très certainement permis à Lavoie d’apprendre à mettre son regard de cinéaste au service de la défense et de la promotion de la province, dont il s’agit de préserver les atouts à la fois pour des questions patrimoniales et économiques. La production de Lavoie s’attellera ainsi à démontrer que, même si certaines oreilles demeurent plus sensibles aux questions économiques, les deux enjeux sont en définitive étroitement liés, dans la mesure où la préservation du patrimoine ne peut que favoriser le tourisme et les investissements au Québec16.
Lavoie a notamment eu l’occasion de développer sa vision du patrimoine dans une conférence intitulée « Le tourisme, affaire de tous17 ». Celle-ci me permettra de démontrer qu’il était impliqué dans ce que l’on pourrait appeler une « campagne d’embellissement » et que ses films, même quand il s’agit de commandes, sont une manière – parfois indirecte et discrète, mais réelle – d’y participer, dans la mesure où ils reflètent une image positive du Québec.
J’emprunte l’expression « campagne d’embellissement » au Club des Habitants, dont Lavoie était le secrétaire-trésorier. Cette association avait pour mission de sensibiliser la population à la sauvegarde du patrimoine, l’hygiénisme, ou encore l’entretien paysager. Elle organisait même un concours annuel, la « Semaine d’embellissement », dans le cadre duquel les habitants de différents villages (sur l’île d’Orléans par exemple) rivalisaient pour que leur propriété soit élue la plus belle et la mieux entretenue (on trouve dans les archives les évaluations de plusieurs propriétés et leur classement au concours). Cette association disposait également d’un « organe », la revue La Belle Province, dont Lavoie devint le directeur en 1948 et dans laquelle il publia un article fort intéressant en 1946, sur lequel je reviendrai.
J’emploierai donc l’expression « campagne d’embellissement » pour désigner de façon assez large le recours d’Herménégilde Lavoie à plusieurs médias dans lesquels le Québec est mis en valeur. Ces médias sont des films (principalement commandités), des photographies prises en amateur ou pour l’Office du tourisme (et souvent utilisées pour illustrer la revue La Belle Province), des conférences, des messages publicitaires pour la télévision18 réalisés pour des entreprises de Québec (Magasins de chaussures Talbot, Peintures Sico et National, Liqueurs Fortier, Savonnerie Bourbeau, etc.) ainsi qu’une série de messages à caractère social19.
Je présenterai d’abord les raisons qui ont poussé Herménégilde Lavoie à fonder sa compagnie de films documentaires. Ensuite, je montrerai qu’Herménégilde Lavoie a eu recours à une combinaison de plusieurs médias et clientèles afin d’assurer la pérennité de sa compagnie tout en essayant de promouvoir les attraits du Québec, et ce, malgré les contraintes imposées par la plupart des commanditaires de ses films. Enfin, je parlerai de deux « tribunes » du cinéaste qui illustrent à mon sens sa vision et son amour de la province : la revue La Belle Province et le film Sainte-Famille, Île d’Orléans, qu’il tourne vers 1940. Nous verrons que ces tribunes peuvent évoquer ou servir plusieurs formes de « propagande », dont la « campagne d’embellissement » du cinéaste et de ses pairs (Club des Habitants, revue La Belle Province).
De quelques raisons qui ont poussé le cinéaste à fonder les Documentaires Lavoie
L’une des missions d’Herménégilde Lavoie, alors qu’il travaille pour l’Office du tourisme et de la publicité, est de guider des cinéastes étrangers venus faire des reportages dans la Belle Province. En 1941, Lavoie accompagne par exemple Jack F. Painter et Thomas Priestly, tous deux dépêchés par la compagnie américaine Fox Movietone, qui produit et diffuse une série d’actualités filmées, les Fox Movietone News (1927–1943), afin de tourner des plans pour un travelogue de la série The Magic Carpet20. En 1943, il accompagne une équipe de techniciens (dirigée par Robert‑E. Goux) de la Twentieth Century-Fox à la recherche d’une « atmosphère canadienne-française21 ». Ces derniers sont venus tourner dans les paysages enneigés de la ville de Québec (notamment dans le parc zoologique de Charlesbourg, un lieu suggéré par Herménégilde Lavoie) et de ses environs (île d’Orléans, lac Beauport). Ces plans serviront au film musical Sun Valley Serenade (Bruce Humberston, 1941) dans lequel doit jouer l’actrice et patineuse artistique norvégienne Sonja Heinie. Néanmoins, Lavoie n’est pas entièrement satisfait de l’image que la plupart de ces cinéastes donnent du Québec. Ainsi que l’affirme Louis Pelletier,
les écrans du Québec sont à cette époque [les années 1940] entièrement occupés par des productions étrangères, et […] les très rares longs métrages dont le récit se situe au Québec renvoient généralement une image passablement déformée de la province et de ses habitants22.
En outre, Herménégilde Lavoie regrette que les Québécois ne mettent pas eux-mêmes en valeur leur patrimoine à des fins artistiques et culturelles. Dans un article intitulé « La leçon de la 20th Century » paru dans la revue La Belle Province en 1946, le cinéaste interpelle les autorités en citant l’exemple de la célèbre compagnie américaine venue tourner un film, 13, rue Madeleine (Henry Hathaway, 1947) dans des décors québécois. Pour son film sur le contre-espionnage américain dans la ville de Caen pendant la Seconde Guerre mondiale, la Twentieth Century-Fox était en effet à la recherche de décors se rapprochant de la Normandie et de l’architecture que l’on pouvait trouver à Caen avant sa destruction par les bombardements des Alliés et de la Luftwaffe à l’été 1944. C’est alors le Québec qui s’est imposé comme lieu de tournage23 :
Nous en avons pour preuve quand, avec un peu d’agencement, une compagnie de cinéma a trouvé possible de tourner ici la bonne moitié d’un film, en donnant l’illusion aux spectateurs que l’action se passait à Caen. Et je tiens de plusieurs personnes qui connaissent bien la Normandie que c’était ressemblant à s’y méprendre24.
Lavoie déplore aussi le fait que le patrimoine architectural québécois qu’il photographie pour en garder une trace – notamment les maisons traditionnelles qu’il dessinait dans ses cours d’architecture – soit laissé à l’abandon, tandis que la compagnie américaine et son réalisateur, Otto Lang, parviennent à les valoriser :
Mais de la venue chez nous des représentants de 20th Century Fox se dégage une leçon qui devrait nous profiter. Après avoir, durant plusieurs semaines, fouillé Québec en tous sens, nous avons été à même de constater que l’on détruisait de façon alarmante toutes ces choses qui nous différencient et que, dans deux ou trois décades, on serait en peine, au train où vont les choses, d’y retrouver un coin qui ressemble réellement à un coin de la France. Il est urgent, il me semble, que les autorités, par une réglementation appropriée, protègent le peu qu’il nous reste d’intéressant du Québec intramuros25.
Pour appuyer son propos, Lavoie cite en exemple un projet de la Famous Players à même de respecter le patrimoine architectural du Vieux Québec :
Il y a quelques années, une compagnie de cinéma des États-Unis, la Famous Players, projetait de bâtir à Québec, coin d’Auteuil, près de la porte Saint-Jean, un grand théâtre. On délégua immédiatement à Québec un architecte américain de grand renom qui, durant un mois, étudia notre architecture, s’imprégna de nos coutumes, de notre histoire, etc. et prépara des plans dans les lignes d’architecture qui cadreraient avec les vieilles maisons du Québec dans les murs. La compagnie a ensuite abandonné son projet dû au fait qu’elle s’est portée acquéreur du théâtre Capitol26.
L’expertise de Lavoie en tant que guide ainsi qu’en matière d’urbanisme est reconnue dans le milieu cinématographique. En 1966, David Millar, qui travaille sur un projet de film intitulé Urba 2000, sollicite son aide par l’intermédiaire de J.E. Pineault, de l’ONF27. Millar recherche au Québec des lieux de tournage pour son film sur les villes de 10 000 habitants et moins ainsi que de la documentation : « gravures ou photos démontrant le développement à partir des transports riverains, commerce et agriculture, le chemin du roi, rangs ajoutés aux 19e et 20e siècles, influence plutôt désastreuse de l’automobile et des matériaux artificiels de construction28… », autant de préoccupations qui rejoignent Lavoie. En effet, à la fin des années 1940, alors qu’il est chargé de faire respecter la loi sur l’urbanisme à l’île d’Orléans, Lavoie connaît un différend avec Maurice Duplessis, dont il critique le peu de souci pour le patrimoine architectural. Comme me l’apprendra Richard Lavoie, il sera congédié à 39 ans avec une pension de 1 000 dollars par an et six enfants à nourrir29. Une caricature de Raoul Hunter trouvée dans les archives d’Herménégilde Lavoie illustre bien le différend qui opposait Lavoie et Duplessis, bien que ce soit l’homme politique québécois Alcide Courcy30 qui soit visé. Dans cette caricature, Alcide Courcy désigne un paysage québécois encombré de voitures et de panneaux publicitaires en déclarant : « La Belle Province ? Elle est derrière ça ! ». Après cet incident et en fonction de son expérience de guide pour des cinéastes d’ici et d’ailleurs, Herménégilde Lavoie décide de fonder en 1948 son entreprise de « réalisation de films cinématographiques sonores », Les Documentaires Lavoie.
Les films de commande : un frein aux préoccupations personnelles du cinéaste ou un moyen de les affirmer ?
Afin d’assurer la pérennité des Documentaires Lavoie, le cinéaste doit multiplier les mandats auprès de clientèles variées, réalisant des films cinématographiques industriels, touristiques, religieux et éducatifs31. On pourrait penser que ces films de commande ne laissent que peu de place à Herménégilde Lavoie pour exprimer une vision plus personnelle. Or, même dans le cas d’une production comme Stop (1957)32, un film de sensibilisation à la sécurité routière d’une durée de 20 minutes commandité par le ministère des Transports et Communications et produit par le Service de ciné-photographie en collaboration avec Serge Roy Production33, transparaissent l’expression d’un amour pour la province québécoise et l’affirmation de valeurs ou de préoccupations propres au cinéaste.
Le film, tourné aux Éboulements et dans les environs de Montréal et de Québec, met de l’avant la proposition de rouler sécuritairement tout en profitant de la beauté des paysages de la province. De nombreux plans mettent en valeur ces paysages chers au cinéaste, qui sont pour la plupart filmés à bord d’une voiture. Une coupure de journal non identifiée dans les archives d’Herménégilde Lavoie reprend cet argument et mentionne que le film présente la particularité d’avoir été tourné sur « quelques-unes des plus belles routes de la province du Québec : ces routes larges et bien construites bordées de vastes champs de blé, de plaines immenses ou de montagnes abondamment boisées, faits [sic] pour être admirés [sic] et non brûlés [sic] le pied sur l’accélérateur34 ». Dans ce film didactique sur la sécurité routière, qui mélange de façon assez surprenante fiction et images documentaires, Herménégilde Lavoie n’hésite pas à introduire un plan où l’on peut voir des agriculteurs au travail, lesquels interrompent leur moisson lorsqu’ils entendent la sirène d’un véhicule intervenant sur les lieux d’un accident. Dans ce plan en apparence anodin, on retrouve pour un bref instant le cinéaste-ethnographe amoureux de la campagne et d’une nature généreuse travaillée par l’Homme. Un autre thème cher au cinéaste, celui de la famille prospère (que pourraient menacer dans le film des imprudents sur la route), intervient lui aussi à plusieurs reprises dans Stop, notamment lorsque Lavoie filme, presque à la manière d’un spot publicitaire, une famille québécoise qui s’apprête à partir en vacances à bord d’une voiture flambant neuve.
Un autre aspect important de la plupart des films de Lavoie est leur visée éducative, que l’on retrouve d’ailleurs dans la plupart des articles de La Belle Province – l’idée étant que, pour embellir la province, il faut aussi informer et éclairer ses habitants. Lavoie tente d’assumer cette visée éducative dans la plupart des films de commande comportant un aspect publicitaire sur lesquels il travaille. En 1955–1956, il réalise ainsi un film publicitaire et éducatif pour la maison Bouchard et Robitaille, une entreprise canadienne-française spécialisée dans l’isolation au moyen de matériaux comme la laine minérale, la fibre de verre, l’amiante – provenant des mines des Cantons-de‑l’Est (Thetford, Asbestos) – ou encore le liège, qu’elle fait venir du Portugal. Le film, intitulé Confort et économie par l’isolation, vante l’expertise de l’entreprise pour le dixième anniversaire de sa fondation ainsi que la qualité des matériaux qu’elle utilise, comme la ouate minérale soufflée de l’entreprise Johns-Manville. Lavoie sait qu’il doit avant tout mettre en valeur les services de l’entreprise Bouchard et Robitaille, mais son ambition est plus grande pour ce film qui, selon lui,
[…] dépasse de beaucoup les cadres d’un simple film publicitaire à l’usage d’une entreprise commerciale, car il embrasse le vaste ensemble des aspects de cette industrie depuis la transformation des matières premières en matériaux isolants, jusqu’à leur adaptation pratique dans la construction. À ce titre, cette production cinématographique en couleurs prend l’envergure d’un documentaire industriel sérieux, d’une leçon de chose à l’échelle de la science et de la technique modernes35.
Si Lavoie réutilise le contenu technique et promotionnel des prospectus fournis par l’entreprise commanditaire, il ne manque pas de promouvoir sa mission éducative et effectue des recherches documentaires poussées afin de compléter son film. Il écrit le 22 mars 1955 au consul général du Portugal, Henrique Vital Gomes, et le 4 juillet 1955 à Michel Gauvin, au consulat canadien de Lisbonne, pour demander à ces deux hommes s’il existe de « la littérature ou des films sur la culture du liège36 ». Il fait parvenir à Gauvin un plan des scènes qu’il voudrait obtenir : deux vues générales, un demi-rapproché, cinq ou six scènes illustrant l’exportation de liège pour le commerce. Il espère que le consul pourra lui venir en aide promptement et n’oublie pas d’indiquer qu’il est recommandé par le Révérend Père Métayer, ce qui met en évidence l’importance du réseautage dans les recherches du cinéaste. Lavoie contacte également l’ONF afin d’obtenir certaines prises de vues de la construction d’un habitat esquimau. Le 16 juin 1955, Meta Bobet lui confirme qu’ils disposent de films couleur de format 16 mm sur les Esquimaux, où l’on peut notamment voir un enfant bâtir un igloo, ainsi que de « plusieurs pieds de films montrant des iglous en construction » en 35 mm noir et blanc37, ce qui n’est pas sans faire penser au film du cinéaste américain Robert Flaherty, Nanook of the North (1922). Comme l’affirme Marc St-Pierre, les films inuits de l’ONF appartenant à la première période (1942–1970) « s’inscrivent dans la tradition documentaire » et « sont largement influencés par l’approche [de] Flaherty38 ». La première de Confort et économie par l’isolation narré par Benoît Thibault aura lieu le 30 janvier 1956 à la Faculté de commerce de l’Université Laval.
En plus des entreprises, Documentaires Lavoie attire une autre clientèle très importante, constituée par les communautés religieuses. En effet, le cinéaste a travaillé pour six communautés religieuses différentes : les Frères maristes à Alma, les Sœurs antoniennes à Chicoutimi, les Sœurs de la Charité à Québec (pour lesquelles Herménégilde Lavoie réalise Les moissons d’une vie, en 1949–1950), les Sœurs du Bon-Pasteur (pour qui il réalise un film sur les débuts de leur congrégation à Québec au xixe siècle), les Sœurs de la Charité de St-Louis à Plattsburgh (pour lesquelles il réalise Sisters of Charity of St. Louis Meet the Challenge en septembre 1956) et enfin les Sœurs Servantes du Saint-Cœur de Marie, à Kankakee. Comme l’explique Richard Lavoie, ces communautés étaient « assez riches pour se permettre des tournages promotionnels39 » ; sans elles, il aurait été plus difficile pour la compagnie de son père de perdurer40.
Herménégilde Lavoie n’hésite d’ailleurs pas à s’adresser directement à ces communautés dans une page publicitaire de La Belle Province.41 Après avoir interpellé sa clientèle en lui demandant : « Pourquoi ne pas réaliser un film sur vos industries, sur votre ville, sur votre région, sur vos démonstrations patriotiques et familiales ? », Lavoie écrit : « Aux communautés religieuses : faites rayonner votre travail et vos œuvres par un film documentaire. » Quelques photogrammes présentés sur cette page publicitaire permettent d’apprécier le savoir-faire du cinéaste et donnent une idée des thèmes qui lui tiennent à cœur : nature, métiers et savoir-faire aujourd’hui disparus. Le cinéaste assume le fait d’utiliser le cinéma à des fins de « propagande » : « La cinématographie est le médium de publicité le plus efficace », écrit-il.
D’autres médias font aussi la promotion du travail d’Herménégilde Lavoie. C’est le cas du journal L’Action catholique, qui relaye par exemple le succès du film Le Bon-Pasteur (1949), présenté pour le centenaire de la fondation des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec en 1950 : « Ce film de près de deux heures, en couleurs, synchronisé avec musique et paroles, est avant tout l’œuvre d’un cinéaste de Québec, M. Herménégilde Lavoie » déclare le journal, qui présente par ailleurs le film comme « […] le premier film de long métrage entièrement monté, tourné, synchronisé par des Canadiens français42 ». Pour savoir si Le Bon-Pasteur est bel et bien le premier film entièrement produit par des Canadiens français, il faudrait soumettre les nombreux longs métrages sonores produits avant 1950 à un examen extrêmement pointilleux43.
Pour ce qui est de la synchronisation du son et de l’image d’autres de ses films, Lavoie fait appel à la Bay State Film Production44 située à Springfield, dans le Massachussetts. Ce fût par exemple le cas pour un film des Sœurs antoniennes de Chicoutimi, ainsi que l’atteste une facture du laboratoire d’un montant de 252,20 USD en date du 2 juillet 1954 trouvée dans les archives. Lavoie fait aussi conserver dans les voûtes de la Bay State, sous le nom de sa compagnie, une copie de chacun de ses films45. Pour l’enregistrement de la musique et des commentaires (en français mais aussi parfois en anglais46), Lavoie travaille avec une Kinevox, un appareil de prise de son magnétique au format 17,5 mm (35 mm coupé en deux) fabriqué aux États-Unis47.
Les visites de Lavoie à la Bay State ne sont pas toujours sans embûches. Dans une lettre datant de 1952 adressée au président de la Bay State, Morton H. Read, Lavoie confie avoir eu quelques problèmes pour traverser la frontière canado-américaine. La raison pour laquelle la frontière lui serait resté fermée pendant six mois n’est pas précisée dans la lettre, Lavoie évoquant seulement des circonstances qui ne dépendent pas de lui et une pétition en cours de la part du gouvernement canadien contre le gouvernement américain48. Il semble qu’il ait vécu, en plein maccarthysme, une saisie de ses pellicules, bien qu’il affirme dans une lettre du 10 novembre 1952 adressée à un autre interlocuteur de la Bay State, Francis Letender, les avoir récupérées : « Mes films sont sortis des douanes et je les ai en main49. » Se pourrait-il que le gouvernement américain ait soupçonné d’anti-américanisme les films de commande réalisés pour des religieuses ? Par la suite, pour éviter de telles complications (délais, risques de voir ses pellicules abîmées ou perdues), Lavoie cachera les pellicules de ses films dans les portières de sa Ford avant de traverser la frontière50.
Le 16 juin 1953, Herménégilde Lavoie peut enfin tourner le film The Story of Zone 2 pour le compte de plusieurs journaux québécois : L’Évènement Journal51 (Québec), Le Soleil (Québec), Le Nouvelliste52 (Trois-Rivières) et La Tribune de Sherbrooke (Sherbrooke), qui avaient tous appartenu à l’homme politique Jacob Nicol jusqu’à la fin des années 194053. Jacob Nicol garde La Tribune jusqu’en 1955 mais le journal Le Nouvelliste est acquis par Honoré Dansereau en 1951 (qui le conserve jusqu’en 1968)54. The Story of Zone 2* est décrit comme de la « propagande intelligente » destinée à combattre le chômage par le journal Le Soleil55. Tourné en anglais, il doit illustrer la province « au point de vue industriel, commercial, agricole et touristique56 » et servir de vitrine pour attirer sur le marché québécois les investisseurs anglophones du Canada et des États-Unis. Une parution de 1946 intitulée « The French market of the province of Quebec is… 2 zones » et trouvée dans le dossier de production du film The Story of Zone 257 illustre la distinction qui est faite entre la région de Québec, baptisée « la Zone 2 », par opposition à l’attractive « Zone 1 », qui désigne Montréal et ses environs.
The Story of Zone 2 illustre malheureusement le fait que les intérêts politiques et financiers des commanditaires de film priment parfois sur la campagne d’embellissement58. Dans ce cas précis, le pouvoir en place et les journaux commanditaires se réapproprient l’objet filmique en délaissant presque complètement son réalisateur, simple « artisan du film » au service d’une commande officielle. Dans la plupart des articles que j’ai consultés, non seulement le cinéaste n’est pas toujours cité comme réalisateur (le film est présenté comme une « courtoisie » des journaux L’Évènement et Le Soleil), mais les journaux préfèrent mettre de l’avant les personnalités (politiciens, échevins, hommes d’affaires) venus à la première du film comme le maire de la ville de Québec, Wilfrid Hamel, l’administrateur de La Tribune, Alphée Gauthier, le secrétaire et administrateur de la Chambre de Commerce de Québec, Roger Vézina, ou encore Joseph-Oscar Gilbert59, qui a acquis L’Événement Journal et Le Soleil en 1948 et qui appuie l’Union Nationale (1936–1989), un parti conservateur. Gilbert est aussi le directeur de la Chambre de commerce de Québec et le gouverneur de la Faculté de commerce de l’Université Laval. On comprend alors mieux le lien qui unit les journaux à certains partis politiques. Les figures haut placées qui ont commandé le film ont ainsi tout le loisir de se livrer à une forme d’autocongratulation dans les pages de leurs journaux, au détriment du réalisateur ou du propos du film. Enfin, si dans The Story of Zone 2 Lavoie parvient à traiter d’une thématique qui lui est chère, soit la mise en valeur d’une partie de la Belle Province injustement méconnue ou délaissée, son idéal pourrait paradoxalement se trouver écorné par l’intérêt des investisseurs attirés par la région (c’est bien le but du film que de les inciter à s’y installer). Ces investisseurs étrangers, s’ils peuvent contribuer à la diminution du chômage, risquent aussi, peut-être, de métamorphoser profondément la province québécoise et plus particulièrement la région de la ville de Québec, cette fameuse « Zone 2 » où ils sont encouragés à investir.
Là n’est pas la seule occasion où Lavoie semble avoir été « oublié ». Bien qu’il travaille avec plusieurs médias et réseaux différents, lesquels lui assurent un revenu, il reste confronté à la loi du marché et n’est pas le seul à chercher des contrats ou du financement. Sa compétition avec le cinéaste Charles Desmarteaux pour obtenir le financement d’un film pour et sur la ville de Québec illustre bien ce fait. En effet, en 1960, Charles Desmarteaux offre à la ville de Québec de tourner cinq films destinés à la mettre en valeur pour encourager le tourisme. Pour ce projet, il demande à la ville une participation de 20 000 $. Desmarteaux s’est notamment fait remarquer avec le film Carnaval de Québec (1960). Distribué par la compagnie Paramount, le court métrage, comme l’indique Le Soleil, passe au même moment à Londres et à Paris « au même programme que le fameux Psycho [(Alfred Hitchcock, 1960)] qui attire de nombreux spectateurs60 ». La ville promet de prendre en considération la demande du cinéaste, mais se rappelle alors qu’elle a également en main la soumission d’Herménégilde Lavoie, faite cinq ans plus tôt, sans doute à un meilleur prix61.
La revue La Belle Province et le film Sainte-Famille, île d’Orléans au service d’une forme de propagande ?
Depuis juillet 1948, Herménégilde Lavoie est le directeur de la revue « artistique et éducationnelle62 » La Belle Province (juillet 1946-[1950 ?])63. La revue a pour sous-titre : « La connaître, l’aimer, l’embellir. » Selon Lavoie, ces trois mots « n’ont pas été mis là à la légère. Nous leur connaissons une force magique. Ils sont tout un programme, tout un idéal, toute une mystique. [Ils] pourraient servir de base pour une longue thèse sur le tourisme64 ! » Les sujets de La Belle Province sont l’architecture canadienne, les arts domestiques, l’hygiène et la santé, le tourisme, le cinéma – utile à des fins publicitaires ou éducatives65 – et surtout l’agriculture et l’embellissement des campagnes canadiennes, qualifiés de « belle grande cause nationale et sociale66 » par le Club des Habitants. Le club et la revue s’inscrivent pleinement dans l’« idéologie du Québec communautaire et agricole » évoquée par Pierre Demers dans ses travaux sur l’abbé Proulx67. La revue permet au Club des Habitants de « faire de la propagande en vue d’assurer l’embellissement de [la] province68 ». Le club organise également des concours ou « semaines d’embellissement » entre paroisses. Celles-ci doivent respecter des critères qui tiennent compte de leur apparence générale, de l’ordre et de la propreté de leurs rues, de l’entretien de leurs gazons et allées, de leurs soins culturaux, etc.
Dans la deuxième moitié des années 1940, Lavoie donne au sein du club plusieurs conférences destinées à sensibiliser les Québécois à la beauté de leur province : « [J]‘ai montré depuis dix ans, devant des auditoires variés, des films personnels que j’ai tournés à l’île d’Orléans, en Gaspésie, dans Charlevoix et dans les Cantons-de‑l’Est. Vous ne sauriez croire tous les gens qui ne connaissent pas leur province69. » Déplorant l’américanisation de l’architecture québécoise, qui imite selon lui un certain « style boîte70 » au détriment des « belles maisons qui nous restent du régime français71 », Lavoie présente ses photographies le 13 mars 1948 dans le cadre d’une « causerie » intitulée « Le tourisme, affaire de tous ». Il y fait la promotion de l’« éducation touristique » également défendue par la revue, dont l’objectif principal est de faire en sorte que le patrimoine architectural québécois ne soit plus abandonné ou détruit :
J’ai dans les filières de La Belle Province toute une série de photos qui seraient des preuves à l’appui. Un journaliste américain, que cet état de choses avait tout particulièrement frappé, me disait qu’il s’expliquait mal que les Canadiens français […], entretiennent si mal les cimetières, les abords de leurs églises, [leurs] croix [de] chemin, leurs monuments, leurs écoles, etc.72
En tant que cinéaste-conférencier, Herménégilde Lavoie utilise un ensemble médiatique (revue, films, photographies, conférences) pour éveiller les consciences et faire découvrir la province québécoise, un rôle qu’il peint modestement dans sa conférence :
Les films que je vous présenterai ont été pris au cours de diverses tournées à travers notre belle province, durant les quatre ou cinq dernières années. Je n’ai pas la prétention de vous montrer des chefs‑d’œuvre. J’avais tout d’abord comme but unique de photographier des scènes pour le plaisir et l’éducation de ma petite famille. Des amis charitables ont eu l’amabilité d’en dire combien ils étaient réussis (peut-être ai-je été trop naïf) […], [prétextant] que je pouvais contribuer à faire mieux aimer, à faire mieux connaître notre province, voire même pour plusieurs, les amener à découvrir leur propre patrie73.
Cet amour de Lavoie pour le Québec est récupéré dans une « propagande » plus large véhiculée par le Club des Habitants et la revue ainsi que par les chambres de commerce et les syndicats d’initiative québécois74, dont les préoccupations (agriculture, tourisme, patrimoine) et la rhétorique patriotique rappellent en 1946 celles des syndicats d’initiative (S.I.) français un peu plus de deux décennies plus tôt. Dans le Bulletin officiel de l’Union des syndicats d’initiative de France (juillet-août 1923), on apprend que les représentants du « [t]ourisme réceptif français75 » ont été faits chevaliers de la Légion d’honneur pour leur travail en faveur des régions et de leurs stations climatiques, thermales et de tourisme76. Le Bulletin relate également le voyage d’agrément effectué en Ardèche par Alexandre Millerand, président de la République française (1920–1924) et créateur de l’Office national du tourisme (1909–1910). Dans un discours prononcé en juillet 1923, celui-ci remercie les syndicats d’initiative de lui avoir permis de faire la
[…] connaissance d’un pays qui, par la variété et la grandeur de ses aspects, mérite une place de choix dans le riche catalogue des beautés naturelles de la France. Le temps n’est pas encore très éloigné où nous n’avions d’yeux et de louanges que pour les sites étrangers. Nous nous ignorions nous-mêmes. […] On s’est aperçu que notre pays ne le cédait à aucun autre pour la séduction et l’originalité de ses sites. Le tourisme se propose de les faire connaître et goûter77.
C’est ici qu’interviennent les films fixes comme moyens de propagande, puisqu’au cours de cette cérémonie, le président de la République offre aux personnalités présentes un Pathéorama, une sorte de lanterne magique, garni d’un film fixe sur l’Ardèche. Comme l’explique Valérie Vignaux, « [l]e film fixe est une pellicule argentique de format 35 mm, d’environ un mètre, sur lequel ont été reproduites et mises à bout une cinquantaine d’images78 ». Le Bulletin ne manque pas de souligner l’intérêt de ce média dans un encart intitulé « La propagande des S.I. par le Film Pathéorama » (1923) :
Nous rappelons aux S.I. l’offre de la Maison Pathé (service du Pathéorama, 20 bis rue Lafayette) qui fait établir gratuitement sur les régions intéressantes des films de 40 à 50 vues pour déroulement par le Pathéorama. Il suffit au groupement, S.I., ou Fédération, qui veut bénéficier de ce mode de propagande, de fournir les négatifs nécessaires à l’établissement du film, lequel, édité, prend place immédiatement dans une collection spéciale des films touristiques très recherchés par les possesseurs d’appareils Pathéorama79.
Cette publicité ne s’arrête pas là puisque les syndicats d’initiative ont également obtenu la gratuité du transport ferroviaire pour leurs plaquettes produites « en vue de la propagande générale du tourisme réceptif80 ».
Dans la conférence, « Le tourisme, affaire de tous » qu’il donne en 1948, Lavoie insiste, comme j’ai déjà pu le dire, sur l’importance de faire connaître le Québec : « Connaître sa province, n’est-ce pas le premier geste de tout bon citoyen ? Peut-on aspirer à faire connaître notre province si nous l’ignorons nous-mêmes81 ? ». Selon lui, une publicité de qualité peut contribuer à cette mission. S’il vante les moyens de communication du Club des Habitants, dont la revue La Belle Province « pénètre maintenant dans plus de 12 000 foyers82 », il semble admiratif des vues de la bibliothèque photographique83 de l’Union des fédérations des syndicats d’initiative français, qui permettent, entre autres, d’illustrer des articles sur le tourisme et déplore qu’au Québec,
[o]n publie des feuillets de peu de valeur ou des cartes postales de mauvais goût, ou encore de ces fameuses cartes de distances. Un imprimeur m’a confié qu’il en avait imprimées, en un seul mois, vingt-trois semblables. On ne change que le nom et l’adresse de l’annonceur. Pour ma part, j’ai reçu, à l’occasion du Nouvel An, sept calendriers provenant d’une seule et même inspiration. J’apprécie le geste de mes fournisseurs, mais que d’argent perdu ! Ne trouvez-vous pas que ces dollars mal dépensés devraient être réunis pour former un montant intéressant ? Ce montant serait confié aux bureaux de tourisme, aux syndicats d’initiative ou encore aux chambres de commerce, lesquels pourraient publier des brochures bien faites et luxueuses sur les régions qu’ils desservent. C’est ainsi que l’on travaille en Europe, il faut toujours répéter les mêmes noms. En France, en Italie, etc. Vous en avez vu de ces belles brochures touristiques que l’on publie là-bas84 ?
Le tourisme et la publicité ne sont cependant pas les seules préoccupations de Lavoie, dont les films font aussi preuve d’une forte sensibilité ethnographique. C’est notamment le cas dans le film Sainte-Famille, île d’Orléans85, qui présente quelques scènes de la vie rurale québécoise au début des années 1940.
Dans ce film muet de 11 minutes tourné chez Joseph Canac-Marquis et Lazaria Faucher à Sainte-Famille, sur l’île d’Orléans, Herménégilde Lavoie présente une famille d’agriculteurs simple mais prospère. On retrouve dans ce film les préoccupations de Lavoie pour l’embellissement des biens publics et privés, par exemple lorsqu’il filme un jeune homme repeignant une clôture, ainsi que sa volonté de donner une image attrayante, voire utopique, de la ruralité québécoise. Sous la rubrique « Un peuple sain et vigoureux dans une province salubre et coquette », qui paraît dans La Belle Province (novembre 1946), le docteur J.E. Sylvestre relaye également cette vision. Son texte est d’ailleurs accompagné d’une photographie prise par Lavoie montrant de jeunes enfants sur une ferme québécoise.
Le film pourrait être rapproché du poème didactique en grec ancien Les travaux et les jours (vers la fin du viiie siècle av. J.-C.) dans lequel Hésiode livre ses conseils sur l’agriculture et l’économie domestique. En clin d’œil à Hésiode, l’agronome et cinéaste Maurice Proulx reprendra d’ailleurs le titre de cette œuvre pour baptiser l’un de ses films en 1958. Tout comme Proulx, Lavoie filme la vie des agriculteurs au fil des saisons : le rude hiver au cours duquel il faut lutter contre les éléments, les récoltes abondantes en été, etc.
Dans ce film, la nature semble donner ses produits en abondance (ici une femme présente à un enfant un plateau chargé du fromage frais qu’elle vient de préparer, là une baguette immense est découpée à l’heure du repas, etc.). Les animaux (notamment les animaux de traits : chevaux, bœufs et même un chien) assistent les hommes dans les tâches qui leur sont les plus pénibles ou pour leur fournir ce qu’ils produisent (vaches laitières, moutons pour la laine et la viande). Le sens de la famille est également très fort chez les Canac-Marquis, ce que Lavoie montre en filmant leurs rituels quotidiens : travaux agricoles et paysagers, repas en famille, temps de prière. Il les montre au travail, visages souriants, heureux de fournir un effort qui sera couronné de succès.
Si Lavoie offre un tableau charmant et peut-être idéalisé de la campagne québécoise et de ses us et coutumes, il le fait pour illustrer l’amour qu’il porte à la province de Québec et à ses habitants. Lavoie filme par exemple des métiers ou des pratiques aujourd’hui disparus qu’il semble avoir conscience de sauvegarder sur sa pellicule (utilisation d’une baratte ; recours à un chien pour traîner une petite charrette ; découpe de morceaux de glace sur un fleuve gelé, etc.). Pourtant, s’il faut bien entendu nuancer cette idée, certaines images de Sainte-Famille, île d’Orléans peuvent évoquer l’art de propagande soviétique mis en place par Staline en 1929 pour collectiviser l’agriculture, ou encore celui de l’Office civique rural créé en 1941 en France sous le régime de Vichy. Une affiche produite par l’Office de publicité générale86 représentant une baguette de pain fait par exemple écho à la longue baguette découpée dans le film de Lavoie.
Certaines images du film de Lavoie sont en outre récupérées vers 1940 dans un segment du journal d’actualités filmées RKO-Pathé News intitulé « Quebec Largest Family Is “All Out” for War87 ». Les images de la découpe de la baguette de pain sont majoritairement reprises dans ce segment de 49 secondes, de même que celles montrant l’arrivée en calèche de Joseph Canac-Marquis et de ses fils, militaires dans l’armée canadienne, reçus à dîner. Un commentaire en anglais de Harry Von Zell présente les Canac-Marquis comme une famille nombreuse (vingt enfants) au service de l’effort de guerre : quatre fils sont des militaires, tandis que les autres enfants produisent sur la ferme une abondante nourriture qui servira à ravitailler l’armée canadienne.
L’agriculture est le point commun de ces trois formes de « propagande », même si elles n’ont pas tout à fait le même but ni les mêmes effets : la création de fermes collectives (les kolkhozes et les sovkhozes) en Union Soviétique ; l’appel à la jeunesse en vue d’un « retour à la terre » et la lutte contre la pénurie de main d’œuvre sous l’occupation allemande en France (beaucoup d’hommes étaient retenus prisonniers en Allemagne) ; le dévouement du peuple impliqué sur le front et « à l’arrière » au Québec. On voit comment les images de Lavoie, tournées dans une perspective ethnographique, ont été instrumentalisées à des fins patriotiques par les producteurs de RKO-Pathé News.
Enfin, et peut-être surtout, le travail de Lavoie sur la ruralité québécoise est à rapprocher de celui des prêtres-cinéastes Albert Tessier88 (Hommage à notre paysannerie [1938], Credo du paysan [1942], Pour aimer ton pays [1942]) et Maurice Proulx89 (En pays neufs [1937], Jeunesse rurale [1951]), des cinéastes qui, selon Jean Simard, ont utilisé leurs documentaires comme « un moyen de propagande religieuse et nationale90 ». Les images de la famille Canac-Marquis et de nombreuses photographies d’Herménégilde Lavoie illustrant la belle province nous permettent en particulier de rapprocher Lavoie de Proulx, au sujet duquel Pierre Demers déclare :
[les] images de [ses] premiers films […] ressemblent à des photos de famille. Souvent il filme des prêtres, des colons, des agronomes, des familles, des enfants, des infirmières qu’il connaît, comme pour leur faire plaisir, comme pour faire des beaux souvenirs. […] Ainsi le cinéma documentaire de l’abbé Proulx est d’abord un cinéma de la reconnaissance, un cinéma familial où tout le monde se retrouve facilement, simplement, comme dans un « album de famille91 ».
Autre correspondance avec Proulx – qui filme également avec des caméras 16 mm Kodak92 – les films les plus personnels de Lavoie semblent aussi s’inscrire dans une pratique du cinéma « nature ». Comme l’explique Demers, cette expression de Proulx désigne le fait qu’il « préférait filmer ses documentaires à l’air libre, en pleine nature, dans les bois, dans les champs, plutôt que dans des studios ou dans des intérieurs93 ».
Sans être un prêtre-cinéaste (bien que très croyant) comme Tessier ou Proulx, Lavoie partageait leurs préoccupations, leurs valeurs, leur intérêt marqué pour l’agriculture et leur amour du Québec et de ses habitants.
Installé dans la fameuse « Zone 2 » de la province de Québec et œuvrant dans une économie de débrouillardise où les moyens mis à la disposition des cinéastes sont moins importants qu’à l’ONF, Herménégilde Lavoie doit lui-même assurer la recherche de contrats et la promotion de sa compagnie, en plus de faire face à des contraintes thématiques (sujets imposés par des clients très différents), techniques (synchronisation de l’image et du son) et pratiques (voyages aux États-Unis pour développer et tirer les films). Dans cet article, j’ai montré qu’Herménégilde Lavoie s’est impliqué dans ce que j’ai proposé d’appeler une « campagne d’embellissement », en référence aux initiatives du Club des Habitants. L’expression « campagne d’embellissement », qui doit être entendue dans un sens assez large, me semble bien refléter l’ambition de Lavoie de faire connaître et aimer le Québec – que ce soit en tant que cinéaste, guide touristique, directeur d’une revue, conférencier, citoyen – à partir d’un ensemble de médias (films personnels ou de commande, revue La Belle Province, conférences, articles, photographies, etc.) J’ai aussi essayé de montrer que les films de Lavoie ont été mis au service (ou pouvaient évoquer) diverses formes de « propagande » : publicité pour les clients faisant appel aux services de Documentaires Lavoie, propagande économique, politique, touristique ou propagande pour soutenir l’effort de guerre, (pour ne rappeler que quelques-unes d’entre elles). Ces différentes formes de propagande ont parfois pu masquer, détourner, instrumentaliser, voire dénaturer la vision d’un cinéaste d’abord amoureux de sa province et de ses habitants. Néanmoins, si les films d’Herménégilde Lavoie peuvent sembler très hétéroclites du point de vue de leurs thématiques ou de leurs commanditaires, ils constituent en définitive un corpus cohérent où s’exprime la vision personnelle du cinéaste. Commandités ou non, les films d’Herménégilde Lavoie embellissent le cinéma documentaire québécois et le cinéma tout court94.
Notice biographique
Doctorante en études cinématographiques à l’Université Laval, Marie Fallon se spécialise dans l’écriture de scénario pour le cinéma, la télévision et le jeu vidéo tout en poursuivant ses activités de recherche. Elle a consacré son mémoire de maîtrise en lettres modernes (Université Lumière Lyon 2, France) à la citation littéraire dans la critique cinématographique de Jean-Luc Godard. Elle poursuit présentement une thèse de recherche-création qui porte sur l’adaptation d’un texte du XVIIe siècle en scénario de jeu vidéo.
Les archives d’Herménégilde Lavoie sont conservées sous la cote P395 et j’ai principalement travaillé à partir des contenants 1974–12-000,2 et 1974–12-008,3.↩
Des études d’architecture que le futur cinéaste ne peut malheureusement pas terminer, faute de moyens financiers. Néanmoins, il garde une forte préoccupation pour l’urbanisme et le devenir du patrimoine architectural québécois (menacé par certaines politiques gouvernementales, notamment sous le gouvernement Duplessis).↩
« J’avais l’occasion d’être à Percé le 26 juillet dernier où j’ai assisté au pèlerinage […] le jour de la fête de la grande Thaumaturge. J’étais accompagné de Monsieur Herbert Stothart, directeur musical de la Metro-Goldwyn-Mayer. […] Monsieur Stothart me disait sur le chemin du retour : “Des fêtes comme celles-là devraient être annoncées des mois à l’avance !” » Herménégilde Lavoie, conférence « Le tourisme, affaire de tous » prononcée à l’hôtel Saint-Louis le 13 mars 1948 devant les membres du Club des Habitants et leurs amis, 4. Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Otto Lang fait paraître dans La Belle Province un billet intitulé « Message d’un ami étatsunien », dans lequel il avoue un regret concernant sa visite à Québec : « Serait-ce ma profession de cinéaste, et la rigueur esthétique commandée par mes activités artistiques, qui me donnent à penser avec cette franchise […] ? Voici, je déplore que Québec perde aussi naïvement son cachet historique et que tout ce qu’il possède de commémoratif et de traditionnel soit l’objet d’une négligence très répandue, bien qu’involontaire. » Otto Lang, « Message d’un ami étatsunien », La Belle Province 1.1 (juillet 1946) : 13, 24.↩
« Il y a quelques années, nous avions le plaisir de rencontrer Monsieur Truman Bailey, cinéaste et dessinateur, créateur de mode et de dessins de tissus, grand voyageur […]. Il a passé six mois chez nous, se documentant sur nos arts et métiers en vue de créer des modes et des tissus d’inspiration canadienne. » Herménégilde Lavoie, conférence « Le tourisme, affaire de tous ». Un article du journal Le Soleil paru en 1941 nous apprend également que Truman Bailey est venu de New York afin de visiter la Gaspésie en compagnie d’Herménégilde Lavoie dans le but de « faire de la propagande en faveur de la province de Québec ». Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Richard Lavoie, « Le cinématographe de mon père », publié dans le livret accompagnant le coffret dvd Richard Lavoie : ses films, son regard… (2014), 15–17.↩
Plusieurs de ces films sont conservés par le Centre d’archives de Québec de BAnQ, dont le fonds Herménégilde Lavoie (P395), qui renferme une masse documentaire importante.↩
Louis Pelletier, « Un cinéma officiel amateur : les racines artisanales du cinéma gouvernemental québécois », L’amateur en cinéma. Un autre paradigme. Histoire, esthétique, marges et institutions, sous la direction de Benoît Turquety et Valérie Vignaux (Paris : Association française de recherche historique sur le cinéma, 2016), 116.↩
Comme le note Antoine Pelletier : « Jusqu’à la fin des années trente, les formats de pellicule cinématographique sont assez variés : 35 mm, 28 mm, 17,5 mm, 16 mm, 9,5 mm. Les producteurs professionnels utilisent le 35 mm sur base de nitrate (support d’émulsion abandonné en 1953). Le 16 mm, apparu en 1923, obtient la faveur des premiers documentaristes en raison de son format pratique (équipement plus léger, moins encombrant) et de son prix moins élevé. » Antoine Pelletier, « L’aventure de l’Office du film du Québec », Cap-aux-Diamants 38 (1994) : 44–47.↩
Richard Lavoie, courriel du 22 novembre 2017 échangé avec l’auteure.↩
Jean Arsin surnommait Herménégilde « Gil » et rendait parfois visite à sa famille, comme le révèle une lettre du 8 janvier 1948 dans laquelle Arsin conseille Lavoie pour la sonorisation d’un film et indique les prix de Documentaires Jean Arsin : « Revenant à ta requête pour le film en couleurs dont tu me parles, sonoriser un film de 1000 à 1200 pieds avec paroles et musique coûterait environ 1 500 dollars, y compris la copie sonore en couleurs. » Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974–12-008,3.↩
Pelletier, « Un cinéma officiel amateur », 115.↩
L’industrie en question est la scierie des Dubé. Dans sa lettre du 4 octobre 1952, Herménégilde Lavoie fait part à monsieur Dugas de son intérêt pour tourner ce film en 16 mm, sonore et en couleurs : « Je serais sûrement très intéressé à la production d’un film de ce genre, d’autant plus que je viens de terminer la prise de vues d’un film forestier pour John Murdock [un homme d’affaire canadien]. » BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974–12-000,3. En faisant une petite recherche sur YouTube, j’ai eu la chance de trouver ce film que Richard Lavoie a authentifié comme étant bien de son père lors de notre échange de courriels du 27 mai 2021 : « J’ai reconnu des images car j’accompagnais mon père, l’été, lors d’un ou deux de ses tournages. J’avais à peine 11 ou 12 ans. Pour ses autres films, il y aurait un travail considérable de recherche à faire pour les retrouver. Ils sont pour plusieurs à la Cinémathèque québécoise… Quant aux autres, chez les communautés religieuses, dans les archives des villes, des industriels, etc. Je l’espère ! » Pour voir le film : https://www.youtube.com/watch?v=R7ITkdU8Yhw (dernière consultation le 20 mai 2021).↩
Lettre de l’abbé Maurice Proulx à Jean Dugas, Grand Chevalier, gérant de la Banque Canadienne Nationale (8 septembre 1952). BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974–12-008,3.↩
Si le prêtre-cinéaste ne peut accéder à la requête de Jean Dugas, il lui indique cependant un ordre de prix : « Les prix pour la production d’un film varient beaucoup selon les dépenses et le travail qu’il occasionne. Personnellement, j’ai fait des films en couleurs et sonores d’une durée de vingt minutes dont les prix varient de cinq mille à douze mille dollars. » Lettre de Proulx à Dugas. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974–12-00,3.↩
« Notre province, tout particulièrement la région de Québec, est à bon droit la France d’Amérique, et il n’y a pas lieu de se scandaliser quand nos bureaux de tourisme et de publicité exploitent le fait français chez nous ; il existe dans notre architecture, dans nos us et coutumes, etc. » Herménégilde Lavoie, « La leçon de la 20th », La Belle Province 2.1 (novembre 1946) : 14–15, 21. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974–12-000,3.↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous ».↩
La télévision apparaît au Québec dans les années 1949–1953. Voir Laurence Gérard, « La naissance de la télévision au Québec, 1949–1953 », Communication Information 2.3 (automne 1978) : 25–64. Herménégilde Lavoie réalise notamment des spots pour le Canal 4 naissant, associé de Radio-Canada à ses débuts.↩
Il s’agit de la campagne de financement de la Fédération des œuvres (Plume rouge) en 1961. Voir la notice du catalogue Advitam du fonds Herménégilde Lavoie : https://advitam.banq.qc.ca/notice/312152 (dernière consultation le 20 mai 2021).↩
La narration de ce film sera confiée à Lowell Thomas. Voir les coupures des journaux L’Action catholique, Le Soleil et L’Évènement, juillet 1941. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
« Plusieurs scènes d’hiver », L’Action catholique (3 février 1943). BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Louis Pelletier, « Pour un cinéma canadien-français, un vrai : l’aventure du Studio Gratien Gélinas et de La dame aux camélias », Revue canadienne d’études cinématographiques 23.2 (automne 2014) : 79.↩
De nos jours, de grandes compagnies de divertissement américaines viennent aussi au Canada (Vancouver, Toronto, Montréal) pour leurs tournages, encouragées par des crédits d’impôts qui permettent de réduire leurs coûts de production.↩
Herménégilde Lavoie, « La leçon de la 20th », 14–15 et 21.↩
Lavoie, « La leçon de la 20th », 21.↩
Lavoie, « La leçon de la 20th », 21.↩
« C’est peut-être un travail à partager avec d’autres gens, tel M. Lavoie de la Cie Film-Lavoie […] » écrit David Millar de l’Office national du film du Canada dans une lettre écrite en juin 1966 à Pineault. Voir BAnQ, Fonds Herménégilde Lavoie.↩
David Millar, lettre à Pineault de l’ONF, 31 mai 1966. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Richard Lavoie, entrevue avec l’auteure, juillet 2018.↩
« Alcide Courcy (1914–2000) homme politique : ce natif de Saint-Onésime‑d’Ixworth, dans le Bas-Saint-Laurent, étudie les sciences agricoles et devient une des figures de proue du mouvement coopératif dans la région de l’Abitibi. Membre influent du Parti libéral du Québec (PLQ), dont il défend les couleurs à l’Assemblée législative et nationale de 1956 à 1970, il est nommé ministre de l’Agriculture et de la Colonisation par le premier ministre Jean Lesage lorsque le PLQ prend le pouvoir, en 1960. Il le demeurera jusqu’à la défaite des libéraux, en 1966. » Bilan du siècle, « site encyclopédique sur l’histoire du Québec depuis 1900 » : http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/biographies/1001.html (dernière consultation le 26 août 2021).↩
« Réalisation de films cinématographiques sonores industriels – touristiques – religieux – éducationnels ». Cette information a été trouvée dans la correspondance d’Herménégilde Lavoie, au bas du papier à en-tête de l’entreprise Les Documentaires Lavoie, dont l’adresse se trouvait au 127, rue Dolbeau, à Québec. Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Herménégilde Lavoie est assisté lors du tournage par son fils Richard Lavoie à l’image et au son. Magella Alain est à la narration et Serge Roy au scénario. Voir Stop (1957), BAnQ, fonds Ministère de la Culture et des Communications, cote E6,S7,SS2,DFC06006,P1. Le film est visible dans les archives électroniques de BAnQ, à cette adresse : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/4193459 (dernière consultation le 20 mai 2021).↩
Le film est présenté par Antoine Rivard, le ministre des Transports, au Chalet des employés civils, devant des représentants de la presse, de la radio et de la télévision.↩
BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974 12 000,3.↩
Herménégilde Lavoie, lettre du 22 mars 1955 adressée au consul général du Portugal à Montréal. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, contenant 1974 12 000,2.↩
« Nous avons en 16 mm couleurs : 1 m. s.l de deux Esquimaux occupés à décharger un traîneau, une famille composée de la mère, du père et d’un enfant, surveille la scène. Nous disposons d’une m.s. montrant un groupe d’Esquimaux devant un iglou. Nous avons encore plusieurs shots d’un enfant Esquimau en train de bâtir un iglou. En 35 mm noir et blanc nous avons plusieurs pieds de films montrant des iglous en construction. » Meta Bobet, lettre adressée à Herménégilde Lavoie le 16 juin 1955, Stock Shot Library. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie. Voici ce que déclare Marc St-Pierre au sujet de la collection de films inuits de l’ONF : « Dès le début des années 1940, l’organisme, malgré le fait qu’il soit engagé dans une intense campagne de propagande de guerre, envoie des équipes de tournage dans les Territoires du Nord-Ouest et à l’île de Baffin, afin de capter des images du peuple inuit. Il faut dire que cet intérêt pour le Grand Nord et ses habitants s’inscrit parfaitement dans le mandat premier de l’ONF : faire connaître les diverses régions du Canada aux Canadiens et Canadiennes des autres régions du pays. Inspirés par le mandat originel, les cinéastes de l’ONF vont produire par la suite plus de deux cents films sur l’Arctique et ses populations. Tournés dans les quatre grands territoires occupés par les Inuits, soit le Nunavut, le Nunavik, l’Inuvialuit et le Nunatsiavut, ces films racontent plus de 70 ans d’histoire du peuple inuit. » Voir Marc St-Pierre, « La collection de films inuits de l’ONF » : http://onf-nfb.gc.ca/fr/unikkausivut-transmettre-nos-histoires/la-collection-de-films-inuits-de-lonf/ (dernière consultation le 26 septembre 2021).↩
St-Pierre, « La collection de films inuits de l’ONF ».↩
Lavoie, « Le cinématographe de mon père », 29.↩
À propos du tournage d’un film réalisé pour les Sœurs du Bon-Pasteur de Québec, Richard Lavoie déclare : « Un jour, sur les hauteurs de Beauport, qui peut ressembler à la Normandie, nous devons mettre en scène quelques péripéties des débuts de leur congrégation en France […]. Je me sens quand même un peu à l’étroit dans cet univers ultra religieux présent à tous les échelons de nos vies et du pouvoir au Québec. N’eut été des accointances d’Herménégilde avec ce monde – il a toujours été très pratiquant – il aurait été plus difficile de développer une industrie comme la nôtre à Québec. Heureusement, une clientèle plus variée vient aussi alimenter notre petite unité de production : agences de publicité, journaux, industries, municipalités, télévision (naissante), etc. » Lavoie, « Le cinématographe de mon père », 30.↩
Publicité pour Les Documentaires Lavoie parue dans La Belle Province 5 (novembre 1950) : 12.↩
« Une réussite », coupure du journal L’Action Catholique (17 janvier 1950 ?). Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
En pays neuf (Maurice Proulx, 1937) a été sonorisé à New York ; La dame aux camélias, la vraie (Gratien Gélinas, 1943) est un court métrage ; et la dizaine de longs métrages de fiction produits dans la province entre 1944 et 1950 ont été réalisés ou co-réalisés par des cinéastes d’origine française (René Delacroix, Paul Gury), etc.↩
La Bay State Film Production se trouvait au 458, Bridge Street, à Springfield, dans le Massachussetts. Son président était Morton H. Read. Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
« Ces voûtes sont à l’épreuve du feu et sont tenues dans des conditions idéales pour bien conserver un film. […] Tous les négatifs de films que j’ai réalisés sont gardés là. » Lettre d’Herménégilde Lavoie adressée à Antonin Deslauriers, greffier de l’hôtel de ville de Sherbrooke, en date du 12 septembre 1953. Voir BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Comme, par exemple, pour le film Sherbrooke, la reine des Cantons de l’Est, réalisé pour la ville de Sherbrooke en 1953, ou encore The Story of Zone 2 (1953), réalisé pour le compte de plusieurs journaux québécois.↩
En novembre 1956, il cherche à faire l’acquisition d’un enregistreur de son magnétique 16 mm auprès de la compagnie anglaise Bradmatic, située à Birmingham.↩
« The American borders are closed to me for the next six months, but I am sure it will be arranged soon. […] Many little things caused all this, no one serious but I have been victim of the circumstances. » Lettre d’Herménégilde Lavoie adressée à Morton H. Read en date du 18 [novembre ?] 1952. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
« My films have been clear [sic] from customs and I have them in hand. » Herménégilde Lavoie à Francis Letender, 10 novembre 1952. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
Richard Lavoie, entrevue avec l’auteure, juillet 2018.↩
L’Évènement Journal est une fusion du journal L’Évènement de Québec, acheté par Jacob Nicol en 1936, et de Le Journal, acheté deux ans plus tard. Voir « Jacob Nicol », https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Nicol (dernière consultation le 20 mai 2021).↩
Le Nouvelliste a été fondé à Trois-Rivières en 1930 par Joseph Herman-Fortier, avant d’être racheté par Jacob Nicol en 1935. Voir André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours. 1920–1934 (Québec : Presses de l’Université Laval, 1982), 17–21, et « Fondation du journal Le Nouvelliste à Trois-Rivières », http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/311.html (dernière consultation le 20 mai 2021).↩
« Jacob Nicol ».↩
« Le Nouvelliste (Trois-Rivières) », https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Nouvelliste_(Trois-Rivi%C3%A8res) (dernière consultation le 20 mai 2021).↩
« Une initiative du Soleil jugée apte à réagir contre le chômage », Le Soleil (12 novembre 1954).↩
Voir la lettre du Soleil du 16 juin 1953, qui donne le feu vert à Herménégilde pour tourner The Story of Zone 2. BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
La première du film a d’ailleurs symboliquement lieu au Pavillon d’économie de l’Université Laval.↩
« Jacob Nicol ».↩
Le Soleil (11 novembre 1960).↩
« La cité de Québec a maintenant en main les propositions de deux cinéastes québécois, Messieurs Lavoie et Desmarteaux. Jusqu’ici, soit depuis près de cinq ans, il n’y avait qu’une proposition de Monsieur Lavoie. Depuis hier, il y a celle de Monsieur Charles Desmarteaux qui a proposé cinq films à la cité. Après lecture de l’offre, l’échevin Beaupré a rappelé l’offre Lavoie qui était restée sur le tapis. Le maire a répondu que cette proposition tient toujours et que de plus, il est un vieux citoyen de la ville. Nous tenons un dossier complet de ces projets de films a dit le premier magistrat. » « Deux cinéastes font des propositions », Le Soleil (24 ou 29 novembre 1960). BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie.↩
La revue est qualifiée ainsi par Benoît Corrivault dans un encart de la revue Ensemble (avril 1949).↩
Juillet 1946 ‑1950 (?). « Publication trimestrielle. Petit in-quarto (21,7 par 28 cm) de 22 à 34 pages sur deux colonnes. » André Beaulieu, Jean Boucher, Jean Hamelin, Gérard Laurence et Jocelyn Saint-Pierre, La presse québécoise. 1945–1954 (Québec : Presses de l’Université Laval,1987), 46.↩
Lavoie « Le tourisme, affaire de tous », 1–2.↩
« L’éducation par le film, quel bon moyen de mieux faire connaître sa province, aimer son pays ! Partout où l’on pourra présenter des films, qu’on prépare une installation appropriée, qu’on y mette à l’affiche des films récréatifs et instructifs ; par ce moyen, peut-être réussirons-nous à faire comprendre qu’il faut cesser de croire que tout est plus beau ailleurs que chez nous. » Alexandre Martin, « L’orientation des loisirs », La Belle Province, 2.1 (novembre 1946) : 26. Antoine Pelletier note qu’en 1920, des agronomes du ministère de l’Agriculture du Québec « vulgarisent l’enseignement agricole par la cinématographie », faisant du Québec « la première province canadienne à utiliser le film à des fins éducatives ». Antoine Pelletier, « L’aventure de l’Office du film du Québec », 44–47. L’abbé Proulx, qui tourne son premier film en 1934, et qui, comme le rappelle Pierre Demers, « a d’abord été professeur d’agronomie à la faculté d’agriculture de Ste-Anne de la Pocatière (affiliée à Laval) » conçoit ses films « comme des instruments, des documents d’éducation agricole pour ses étudiants et pour les agriculteurs de la province de Québec. » Pierre Demers, « La leçon du cinéma “nature” », Cinéma Québec 4.6 (1975) : 18.↩
Voir « Les buts du Club des Habitants » au dos de la page de couverture de chaque parution de La Belle Province.↩
Pierre Demers, « Un pionnier du documentaire : l’abbé Proulx ». Cinéma Québec 4.6 (1975) : 17–33.↩
Benoît Corrivault : « La Belle Province : la nouvelle revue du Club des Habitants. Pour une province plus belle et plus prospère. » Ensemble (avril 1949 [?]).↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous ».↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous », 3.↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous », 3.↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous », 3.↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous », 3.↩
Maurice Hébert, directeur général de l’Office du tourisme de la province, publie dans La Belle Province un article intitulé « Embellir, c’est créer de la richesse et du bien-être », dans lequel il mentionne les efforts du Club des Habitants, des chambres de commerce, des syndicats d’initiative et des sociétés nationales, « animés d’un véritable esprit civique », pour embellir leur province. Voir Hébert, « Embellir, c’est créer de la richesse et du bien-être », La Belle Province 1.1 (juillet 1946) : 5, 11.↩
Le Bulletin commence par féliciter les trois représentants directs du « Tourisme réceptif français » : Messieurs Cany (président de la fédération des syndicats d’initiative pour le Massif Central) ; Reubrez (secrétaire de la fédération des syndicats d’initiative pour le Nord) et Lafaye (président du syndicat d’initiative de Nice), tous trois faits chevaliers de la Légion d’honneur.↩
Union des fédérations des syndicats d’initiative de France, colonies et protectorats, Bulletin officiel (juillet-août 1923) : 106.↩
Union des fédérations des syndicats d’initiative de France, colonies et protectorats, Bulletin officiel (juillet-août 1923) : 107.↩
« Son apparition dans l’histoire des projections d’images n’est pas datée, il semble toutefois émerger au début du xxe siècle, afin de remplacer les vues sur verre qui agrémentaient tout au long du xixe siècle les conférences accompagnées par la projection. Il paraît tomber en désuétude aux alentours des années 1980, probablement supplanté par la diapositive qui permettait à l’usager de s’émanciper de la continuité imposée par la bande pelliculaire. » Valérie Vignaux, « Le film fixe Pathéorama (1921) ou généalogie d’une invention », Tréma 41 (2014).↩
Union des fédérations des syndicats d’initiative de France, colonies et protectorats, Bulletin officiel (juillet-août 1923) : 120.↩
Union des fédérations des syndicats d’initiative de France, colonies et protectorats, Bulletin officiel (juillet-août 1923) : 106.↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous », 2↩
Lavoie, « Le tourisme, affaire de tous ».↩
« Les S.I. et Fédérations doivent adresser l’U.F.S.I., exemplaire [sic] de toutes leurs brochures de propagande afin de constituer la bibliothèque du tourisme, où chacun pourra se documenter sur les efforts accomplis, à tous les points de vue, par les autres groupements. Afin de pouvoir mettre de jolies vues à la disposition des publications de plus en plus nombreuses qui demandent de les aider à illustrer des articles de tourisme ou de séjour, l’U.F.S.I. va constituer une bibliothèque photographique. Les S.I. et Fédérations comprendront l’intérêt qu’ils ont à envoyer les éléments nécessaires qui permettront d’établir une documentation photographique aussi complète que possible sur la France entière. » Union des fédérations des syndicats d’initiative de France, colonies et protectorats, Bulletin officiel (juillet-août 1923) : 105.↩
Herménégilde Lavoie, « Le Tourisme », La Belle Province 5.5 (novembre 1950) : 3.↩
Copie de consultation, dvd FN2000-0765, Centre d’archives de Québec, BAnQ.↩
« La moisson sera belle mais qui la fera ? Pour que la France mange cet hiver soyez volontaires au service civique rural. » Secrétariat d’État au travail. Commissariat à la lutte contre le chômage, signée Cinq. Cette affiche a été numérisée par la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris (cote 1‑AFF-000639). https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0002139924/v0001.simple.highlight=%C3%89diteur:%20%22Office%20de%20la%20publicit%C3%A9%20g%C3%A9n%C3%A9rale%22.selectedTab=record (dernière consultation le 26 août 2021).↩
« Quebec Largest Family Is “All Out” for War ». RKO Pathé News, (vers 1940), BAnQ, fonds Herménégilde Lavoie, S77,SS1,DFN2000-075.↩
Au sujet duquel Patrick Bossé déclare : « Avec son matériel filmique accumulé aux quatre coins de la province, [Albert Tessier] entame la création d’un portrait protoréaliste de la paysannerie canadienne-française. Son film [Hommage à notre paysannerie, 1938] lui servira à plus de 1 500 reprises lors de conférences éducatives pour révéler à chaque spectateur paysan, chaque public croyant, leur possibilité de vivre une vie saine, sainte et indépendante par l’agriculture en famille avec des structures efficaces dans leur village. » Patrick Bossé, Politiques d’un cinéma vers l’État-nation : Hommage à notre paysannerie (1938) de l’abbé Albert Tessier, mémoire de maîtrise (Université Concordia, 2008).↩
Quant à Maurice Proulx (également agronome), il accompagne en 1934 et en 1937 des groupes de colons partis peupler, défricher et cultiver des terres en Abitibi avec l’appui du gouvernement québécois et du clergé, qui cherchent à contrer la crise économique.↩
Jean Simard, « Un siècle de films ethnologiques et de transmission du patrimoine immatériel », Rabaska 5 (2007) : 71–85.↩
Demers, « L’abbé Proulx et le cinématographe».↩
Entrevue de Pierre Demers avec l’abbé Maurice Proulx, « Faire des films à une époque héroïque », Cinéma Québec 4.6 (1975) : 22.↩
Demers : « L’abbé Proulx et le cinématographe », 18–21.↩
L’article s’est beaucoup enrichi à la suite de ma rencontre, en juillet 2018, avec le fils d’Herménégilde Lavoie, Richard Lavoie, également cinéaste, que je remercie chaleureusement pour m’avoir accordé de son temps. Je suis aussi infiniment reconnaissante envers Louis Pelletier, qui m’a patiemment accompagnée sur les nombreuses moutures de cet article. Je tiens également à remercier Jean-Pierre Sirois-Trahan. Le présent article n’aurait pas vu le jour sans son cours « Études cinématographiques II : l’hypermédialité du cinéma au Québec » (Université Laval, hiver 2017). Merci aux évaluateurs anonymes et à Émilie Bauduin, pour leur précieux travail de révision ainsi qu’aux archivistes de BAnQ Québec, en particulier Nathalie Vaillancourt et Michel Simard, pour leur aimable assistance. Enfin, merci à Mireille Bergeron, archiviste adjointe des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec, de m’avoir renseignée sur le film Le Bon-Pasteur.↩